massacres de sabra et chatila Plainte en Belgique contre Sharon pour crime contre l'Humanité

 
Robert Hatem alias Cobra,
à gauche, et Elie Hobeika, ex-ministre libanais, à l'époque de la guerre du Liban.

« Liquidez-les tous. Effacez les camps ! »

L'ancien garde du corps de Elie Hobeika, l'ex-ministre libanais assassiné le 24 janvier dernier, serait très probablement appelé à témoigner au procès que la justice belge pourrait intenter contre Ariel Sharon. Dans un livre interdit au Liban et dont il prépare une version française, il raconte sa nuit de Sabra et Chatila.

Le 24 janvier dernier, une gigantesque explosion pulvérisait la voiture blindée de l’ex-ministre libanais Elie Hobeika. Ancien seigneur de guerre à la réputation de « tueur froid », l’homme ne manquait pas d’ennemis et, à Beyrouth, on s’était surtout étonné du fait qu’il ait survécu si longtemps. Tour à tour homme d’Israël avant d’être celui de Damas, il était tenu pour responsable des massacres de Sabra et Chatila mais affirmait détenir la preuve de son innocence. Preuve qui passait par celle de la culpabilité d’Ariel Sharon et dont il réservait la primeur au procès que la justice belge pourrait décider d’intenter, le 6 mars prochain, au premier ministre israélien. A peine la nouvelle de l’attentat connue, l’Etat hébreu avait dû qualifier de « ridicules » les soupçons qui s’étaient presque « naturellement » porté sur lui.
Reste que ce procès pour « crime contre l’humanité », s’il avait lieu, appellerait sans doute à la barre un autre témoin. Un certain Robert Hatem, alias Cobra, en référence à la marque du colt qu’il a tenu tout au long de la guerre du Liban pour Hobeika justement, en tant que garde du corps d’abord, assassin ensuite. Il était là, ce soir de septembre 1982, à Sabra et Chatila.

Témoignage direct

Rappelé à son devoir de réserve en raison de sa demande pendante d’asile politique, Robert Hatem alias Cobra n’a pas pu nous rencontrer. Il prépare pourtant une version française et enrichie d’un récit biographique, édité en 1999 aux Etats-Unis et immédiatement interdit au Liban, « From Israël to Damascus », dans laquelle il fait porter la responsabilité des massacres à son ancien patron, alors chef des Renseignements de la milice chrétienne des Forces Libanaises (FL, droite chrétienne). Une « trahison » au demeurant sanctionnée par une plainte en diffamation pour un procès qui n’aura jamais lieu. Le défenseur de Cobra, Elie Hatem, aura bien essayé d’en faire un « mini-Nuremberg du Liban », convoquant même Ariel Sharon à la barre, mais, coup de théâtre au premier jour d’audience, le 9 octobre 2000, Elie Hobeika retirait sa plainte.

Racontant quinze ans de cette fameuse « guerre civile » où se sont affrontées au moins trois nations; décrivant par le menu détail la « gangstérisation » des milices, Robert Hatem alias Cobra donne surtout un témoignage direct sur cette terrible nuit où entre 800 et 3000 Palestiniens, selon les sources, ont été massacrés.

Réunion secrète

A commencer par cette réunion secrète, le 15 septembre 1982, au lendemain de l’assassinat du président Béchir Gémayel, chef charismatique des FL, et à la veille de la tuerie. Les lieutenants de Béchir, dont Hobeika, avaient alors rencontré des responsables militaires israéliens, dont le chef d’Etat major de Tsahal, Raphaël Eytan. Au sortir de cette réunion, Hobeika aurait confié à Cobra qu’ »il y avait encore 2000 terroristes de l’OLP cachés dans les camps de Sabra et Chatila et qu’il était chargé d’une opération de nettoyage rapide».

Selon Cobra, les Israéliens, qui assiégeaient Beyrouth depuis le mois d’août « pour en finir avec l’OLP », avaient en fait chargé Hobeika et ses hommes d’évacuer les Palestiniens des camps et de les livrer, dans le grand stade de Beyrouth, aux soldats de Tsahal censés trier le bon grain de l’ivraie. Sharon, alors ministre de la Défense, avait, selon Cobra, « donné des ordres fermes à Hobeika d’éviter tout débordements ». Mais c’est là que, de sa propre initiative le jeudi 16 septembre 1982, Hobeika aurait ordonné à ses hommes: « Extermination totale. Liquidez-les tous. Effacez les camps. » Apprenant la nouvelle des massacres, Ariel Sharon aurait alors convoqué Hobeika et Cobra dans son QG situé à la lisière des camps. « Fou de rage », il aurait invectivé Hobeika : « Tu n’étais pas sensé faire ça ! Je ne t’ai pas demandé de commettre des massacres!»

Dans son récit sur les massacres, Cobra disculpe en quelque sorte Ariel Sharon en expliquant que, si ce dernier avait ensuite décidé d’éclairer le théâtre des opérations jusqu’au matin, c’était « pour arrêter les dégâts». Il n’explique toutefois pas pourquoi le premier ministre israélien aurait alors pris le risque de confier une délicate mission de « nettoyage rapide » à un « tueur froid » comme Hobeika, et ce au moment précis où ses troupes criaient vengeance après l’assassinat de leur leader. Si les faits relater par Cobra devaient s’avérer exacts, c’est à n’en pas douter sur cette question qu’Ariel Sharon pourrait avoir à s’expliquer en     Belgique. 

ef