Afghanistan: de l’URSS à l’OTAN

13/08/09 Conçu pour lutter contre le péril rouge, l’OTAN aurait dû logiquement suivre l’URSS dans le grand cimetière de l’Histoire. Trop d’intérêts particuliers ; trop d’argent ; trop de pressions des lobbies du complexe militaro-industriels pour lesquels l’OTAN est une fabuleuse vache à lait ; trop de personnels vivant des prébendes de la « communauté internationale » ont toutefois poussé l’Occident à offrir coûte que coûte une seconde vie à son corps expéditionnaire en élargissant sa supposée mission civilisatrice à l’ensemble de la planète. C’est raté.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’OTAN se prend une raclée en Afghanistan, reproduisant fidèlement l’aventure soviétique dans ces contrées lointaines (Moscou n’en fini plus de se taper sur les cuisses). Les chiffres sont éloquents et traduisent mieux que tout la (re)montée en puissance des Talibans : durant le seul mois de juillet dernier, 75 soldats de l’OTAN ont été tués. En 2002, seuls 68 soldats avaient péri. En 2005, ce chiffre est passé à 131, puis à 294 en 2008 et, pour l’année en cours, on en est déjà à 258…).
L’équation est simple : la machine militaire de l’OTAN, conçue pour un affrontement symétrique, est incapable de gérer une guerre de 4ème génération (G4G), c’est-à-dire du fort au faible. En résumé, des insurgés motivés ayant une parfaite connaissance du terrain, même armés de mousquets, survivront toujours aux pilonnages aériens les plus monstrueux et reviendront inlassablement piquer le cul de l’éléphant qui finira, tôt ou tard, par être chassé. C’est implacable, irréversible. La guerre de l’OTAN en Afghanistan est perdue, n’a jamais eu aucune chance d’être gagnée d’ailleurs.
L’argument souvent évoqué par les propagandistes du système est un genre de théorie fumeuse des dominos selon laquelle si les Talibans reprennent le contrôle de l’Afghanistan, c’est le Pakistan qui s’en trouvera déstabilisé (comme s’il ne l’était pas). Ils pourraient même mettre la main sur l’arme nucléaire d’Islamabad (version à peine remaniée de la menace des ADM irakiennes en somme) !!!
La réalité est plus simple. La guerre d’Afghanistan n’a pas de justifications véritables autres qu’idéologiques. L’OTAN, refusant la défaite, elle se jette par ailleurs à corps perdu dans la terreur d’opérations de plus en plus meurtrières, tuant des milliers de civils dont les familles viennent gonfler les rangs des insurgés. Un cercle vicieux amplifié par une loi naturelle qui veut aussi que toute armée « de libération » fini toujours par être perçue par la population comme une armée d’occupation si elle reste trop longtemps. Pour toutes ces raisons, la guerre en Afghanistan est donc perdue. Les Talibans reviendront au pouvoir, mais s’effondreront ensuite d’eux-mêmes puisqu’ils ont déjà fait la preuve de leur incapacité à gouverner. De son côté, le Pakistan restera pour longtemps encore, avec ou sans gouvernement taliban à leur porte, le théâtre d’affrontements entre extrémistes et modérés. Et alors? La bombe restera dans son silo.
Pour conclure, nous renvoyons à un texte de Philippe Grasset traitant du désenchantement britannique dans l’aventure afghane. Texte où l’on souligne au passage l’absence de substance, de sens, de cause réelle de cette énième guerre conduite par une énième coalition de gentils occidentaux contre de méchants barbares: «  Nous sommes désormais dans une société dominée par la communication, et c’est en référence à cette force principalement que le pouvoir se détermine et agit. La communication implique une narrative démagogique justifiant des actions suscitées par la pression dynamique de certains centres de pouvoir, sans autre but que l’exercice de cette pression. (Le Pentagone en l’occurrence, pour l’Afghanistan, parce que le Pentagone est un système fait pour utiliser ce qu’il crée, sans raison particulière, – de cette façon avait-on rebaptisé l’opération Just Cause contre le Panama en décembre 1989: Just Because.) La narrative exigée par la communication fut, dans le cas afghan, la démocratisation par l’émancipation, et c’est cela qui constitue la “cause” principale de l’intervention en Afghanistan; l’Occident en est effectivement à ce niveau de sclérose politique. (...) Le problème de la “guerre” de l’Afghanistan, c’est celui du vide, – du vide des raisons avancées, des causes brandies, des calculs détaillés, de la morale proclamée, concernant un conflit qui voit des forces armées occidentales à bout de souffle, impuissantes et ridiculisées par la guerre type G4G adaptée aux montagnes (...). Les pertes, pourtant bien faibles par rapport aux guerres courantes, sont insupportables à cause du vide de la cause, ou des causes exposées pour les besoins de la communication. »