Attentat de Beyrouth : nettoyage ou riposte ?

06/11/2012 Le 19 octobre dernier, une puissante déflagration secoue le quartier d’Achrafieh à Beyrouth. Selon un modus operandi devenu traditionnel dans la capitale libanaise, un attentat à la voiture piégée vient de pulvériser le général Wissam al-Hassan, l’homme fort des Services de renseignement libanais. Immédiatement, la capitainerie du Bloc atlantiste et sa machine de propagande accusent le régime syrien de Bachar el-Assad d’avoir fomenter le coup. Possible, mais pas certain tant la disparition de ce sombre personnage efface une ardoise tout aussi encombrante pour les capitales occidentales que pour Damas.
Wissam al-Hassan a effectivement été mêlé à presque tous les coups tordus qui ont émaillés la sanglante actualité libanaise ces dernières décennies.

Suspect potentiel dans l’assassinat de Rafik Hariri
A commencer par l’assassinat de Rafik Hariri, ex-premier ministre et fossoyeur de l’économie libanaise, mais néanmoins déifié depuis par sa famille politique et ses amis atlantistes.
Wissam al-Hassan était en effet en charge de sa protection lors de son spectaculaire assassinat, et aurait dû être en toute logique dans sa voiture au moment de sa mort. Sauf que très opportunément, le général a dû ce jour-là soutenir une thèse de «Management et relations humaines» à l’Université libanaise.
Là où le bât blesse, c’est que sa version des faits s’est avérée truffée de mensonges.
Il a en effet prétendu aux enquêteurs de l’ONU qu’il avait reçu un coup de téléphone de son professeur la veille de l’attentat, lui signalant qu’il était attendu le lendemain pour soutenir sa thèse. Sauf que l’étude des bornes de téléphonies mobile a révélé que c’est lui qui avait appelé son professeur, et qu’au moment où il prétendait avoir éteint son cellulaire pour étudier, il avait passé pas moins de
24 coups de fils… Bref, il est clair que le bonhomme était informé de l’attentat. Un rapport confidentiel de l’ONU, divulgué par CBS News, relèvera d’ailleurs que l’alibi du général est jugé «faible et incohérent» par les enquêteurs onusiens, qui allaient même jusqu’à le qualifier de «possible suspect dans le meurtre de Hariri».

Le Grand Jeu occidental
Mais bien évidemment, l’affaire n’ira pas au-delà puisque les enquêteurs du
Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), officiellement chargé d’éclaircir la mort de Hariri, avaient en fait reçu mandat d’instruire exclusivement à charge contre la Syrie et d’abandonner séance tenante les autres pistes, dont celle d’al-Hassan.
Et c’est là où les premières interrogations sur les
commanditaires réels de l’assassinat de Rafik Hariri font jour.
Car Wissam al-Hassan était le relais à la fois de Paris, de Washington et de Riyad au Liban. Bref, c’était l’homme du Bloc atlantiste et de ses vertueux alliés des pétromonarchies. En bonne logique, il faut donc admettre que s’il était impliqué dans l’assassinat du premier ministre Rafik Hariri, il n’a pu l’être qu’en connivence avec le Bloc occidental dont il était l’obligé.
Et le mobile ne fait pas défaut puisqu’il s’inscrit dans le Grand Jeu occidental pour contrôler le Moyen-Orient. Il faut en effet se rappeler qu’à l’époque (déjà !), il s’agissait pour le Bloc atlantiste de briser l’arc de résistance allant de l’Iran à la Syrie jusqu’au Hezbollah libanais. Or c’est en invoquant la culpabilité de Damas dans la mort de Rafik Hariri que les Occidentaux ont pu faire voter à l'ONU la résolution forçant Damas à se retirer du Pays du Cèdre après 30 ans de présence, ouvrant ainsi la voie à
l’attaque israélienne survenue en 2006, c’est-à-dire moins d’un an plus tard.

Encore des casseroles
Indéboulonnable malgré les soupçons pesant sur lui, Wissam al-Hassan n’aura de cesse d’agir ensuite pour accréditer la thèse officielle de la culpabilité syrienne,
via des exécutants du Hezbollah bien sûr, histoire de faire coup double. On l’accuse ainsi d’avoir fabriqué de toutes pièces le fameux faux témoin Zuhayr Siddiq pour soutenir la thèse du TSL. Dans la foulée, le général Wissam Hassan ira même jusqu’à envoyer en prison quatre généraux libanais en charge de la sécurité du pays en les accusant de complicité.
Sauf que
l’affaire sera finalement éventée et les généraux libérés après quatre ans de prison.
Toujours indéboulonnable, toujours infatigable, c’est encore Wissam al-Hassan qui orchestrera le dernier montage en date pour accabler Damas au travers de
l’affaire Michel Samaha, du nom de cet ancien ministre libanais accusé aujourd’hui d’avoir voulu exécuter des attentats contre des personnalités anti-syriennes au Liban. Une affaire elle aussi très mal ficelée et dont on peut sans grand risque déjà pronostiquer une issue comparable à celle des faux-témoins.
Pour couronner le tout, Wissam al-Assan était l’homme de main des saoudiens en Syrie où il téléguidait directement, pour leur compte, les activités de groupes terroristes en guerre contre le régime de Damas en leur fournissant l’argent, les armes, et tout l’appui logistique nécessaires.

L’ombre du ratage syrien
Bref, le parcours tortueux de Wissam al-Hassan sent le soufre à plein nez, si l’on ose dire au regard de son funeste destin.
Et d’aucuns, comme le réseau Voltaire, affirment déjà que ce sont les atlantistes qui ont tué cet encombrant général pour opéré
un grand nettoyage annonciateur d’un changement de stratégie.
L’idée est que le Bloc occidental aurait accepté son échec sur le front syrien,
la guerre civile organisée pour faire tomber le régime n’ayant pas produit le résultat escompter. Il est vrai que la perspective de voir la Syrie devenir un sanctuaire pour tous les allumés du Jihad de la planète pourrait inciter les Occidentaux à revoir leur copie. Un grand marchandage serait dès lors en préparation avec la Russie pour se répartir les rôles dans la région, marchandage nécessitant de faire table rase du passé, et de se débarrasser des témoins gênants de l’ancienne stratégie.
Qui sait ?
Au final, tous les scénarios restent plausibles, y compris celui d’une implication syrienne tant la pulvérisation du plus puissant relais du Bloc atlantiste et saoudien au Liban ne doit fâcher ni Damas ni Moscou.
La seule chose dont on puisse être sûr, c’est qu’au regard du pedigree du bonhomme,
l’éloge faite au général défunt par le Bloc atlantiste confine au ridicule et pue l’instrumentalisation, quel que soit celui qui a pressé sur le bouton.