Washington passe, Téhéran prend la main

14/12/2012 La capture du drone US de dernière génération RQ-170 par les ingénieurs iraniens marque un tournant dans l’équilibre des forces sur le terrain. Désormais, Téhéran marchande ferme ses petits secrets de fabrication avec les Russes et les Chinois, et se permet même de pavoiser en annonçant de grandes manœuvres dans le détroit d’Ormuz au nez et à la barbe d’étasuniens réduits à l’impuissance. Décryptage.

«Siouplaît M’sieur, tu rends mon jouet?»
Comme nous l’annoncions en postface de notre dernière brève, le fameux drone furtif RQ-170, «perdu» en mission d’espionnage à 250 km à l’intérieur des frontières perses, a bien été «capturé électroniquement», c’est confirmé, par les ingénieurs iraniens.
Dans un aveu de faiblesse désormais coutumier, Glamour-BHO et son équipe se sont contentés de suivre benoîtement les évènements dans leur très high tech situation room, sans ordonner pour autant la moindre opération de recherche et destruction de l’engin capturé, ce qu’imposait pourtant à l’évidence la gravité de la situation justement.
La protection de technologies militaires ultra-sensibles comme celles du drone furtif en question que certains analystes soupçonnent même d’embarquer par défaut des plans US d’attaques de l’Iran puisque sa mission était l’espionnage de l’Iran justement–, a toujours été considérée comme une priorité stratégique par les états-majors US.
Or, dans une attitude aussi humiliante que puérile, Glamour-BHO s’est contenté de demander très officiellement à Téhéran de lui rendre son jouet.
La seule explication est que les Etasuniens ont eu peur qu’une telle opération S&D ne soit interprétée comme un acte de guerre par les Iraniens,  ce qui en dit long sur les réelles capacités opérationnelles du Pentagone.

Russes et Chinois en vedette américaine
Désormais, les ingénieurs iraniens sont en train de craquer les codes de la machine, avec tout le bénéfice que l’on peut imaginer en termes de transfert technologique.
Téhéran, qui décidément a bien l’intention de capitaliser un maximum sur cette affaire, a d’ores et déjà engagé des tractations avec les Russes et les Chinois pour monnayer les secrets du joujou US.
Selon le site israélien Debkafile, plutôt bien renseigné sur ces affaires, les Iraniens cherchent désormais à obtenir des Russes – qui ont déjà fourni à Téhéran la technologie nécessaire à la capture du drone –, la livraison de batteries du système sol-air S-300PMU-1 que Moscou a jusqu’ici refusé de leur livrer.

L’impasse
Au final, les Iraniens ont repris la main et bombe même le torse en annonçant de grandes manœuvres dans le détroit d’Ormuz. Après avoir fait la preuve de ses nouvelles capacités en matière de technologies anti-aériennes, Téhéran indique ainsi clairement que c’est là que portera sa première riposte en cas d’attaque. Or, faut-il le rappeler, 70% des besoins énergétiques mondiaux sont fournit par l’or noir du Moyen-Orient, dont la majeure partie transite justement par le détroit d'Ormuz.
Logiquement, on pourrait en déduire que l’hypothèse d’une confrontation armée s’éloigne d’autant, grâce à la mise en place d’une sorte d’équilibre de la terreur.

Les inconnues
Pourtant, des inconnues de tailles subsistent.
Tout d’abord, l’entreprise en cours de déstabilisation de la Syrie démontre que Washington et le Bloc occidental qu’il pilote sont toujours résolument engagés dans le fumeux plan de remodelage du Moyen-Orient initié par l’équipe Bush avec, comme ultime verrou-cible, Téhéran.
Deuxièmement, l’année électorale 2012 va augmenter considérablement la pression sur Glamour-BHO qui craint plus que tout de passer pour un faible. Or l’affaire du drone en particulier, et l’affaire iranienne en général, font précisément apparaître BHO pour un faible, situation que vont largement instrumentaliser les conservateurs.
Troisièmement, comme toujours, il y a l’imprévisible Etat-voyou israélien. Tel Aviv pourrait en effet être tenté, en désespoir de cause, de jouer les alliés en rupture de ban en lançant une attaque qui contraindrait alors le Bloc à le suivre dans l’aventure.
Enfin, il faut compter avec le caractère irrationnel des directions d’un Bloc occidental dominé par la politique de l’instinct et l’idéal de la puissance, et dont la dangerosité est exacerbée par l’accélération de son déclin.
Reste que, pour l’heure, le seul constat que l’on puisse faire est que les Etats-Unis ont perdu l’initiative dans l’affaire iranienne, et que le Bloc s’enlise dans l’affaire syrienne. Ajoutez à cela la banqueroute généralisée qui menace tout ce beau petit monde, et vous aurez une petite idée de l’état d’avancement des travaux en matière d’autodestruction de notre vertueux Système.

PS : Sans transition, une interview essentielle d’Emmanuel Todd ; et en appui un article qui confirme la prise de contrôle des Etats européens par les prédateurs de la finance mondiale.