Politique us du chaos au Liban
20/12/2007 Il y a quelque chose de fascinant à
entendre les responsables américains ânonner jusqu'à la nausée qu'ils veulent
une élection présidentielle libanaise "sans ingérence extérieure", alors
que c'est précisément l'ingérence américaine au Pays du Cèdre qui est à
l'origine de l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui le Liban. Une
ingérence qui vient de prendre une tournure plus qu'inquiétante. Le 15 décembre
dernier en effet, plutôt que de rencontrer le
général Aoun, chef de l'opposition et candidat naturel des chrétiens à
la présidence, le sous-secrétaire d'Etat américain
chargé des Affaires du Proche-Orient, David Welsh, a préféré s'entretenir avec
le chef de la milice chrétienne des Forces Libanaises (FL),
Samir Geagea,
meurtrier trois fois condamné à la prison à vie pour assassinats puis
gracié. Renouant ainsi d'anciens liens qui ne présagent rien de bon puisque
cette milice a par le passé souvent été utilisée par Washington (et parfois
Tel-Aviv c'est selon), comme exécuteur de basses oeuvres et éléments
déstabilisateur du Liban. Il suffit de se souvenir qu'en 1990, Samir Geagea
avait ainsi tourné ses canons contre l'armée légaliste du général Aoun sur ordre
des Américains pour affaiblir ce dernier avant l'attaque finale opérée par les
Syriens (ah oui, rappelons qu'à l'époque la Syrie avait les faveurs de
Washington qui lui avait offert le Liban en contrepartie de sa docilité lors de
la première Guerre du Golfe). Le pauvre Samir Geagea, à qui les Etatsuniens
avaient dû promettre monts et merveilles pour prix de sa trahison, aura
finalement fait dix ans de placard. Apparemment pas de quoi dissuader le chef de
FL de reprendre le rôle sans sourciller (avec une telle bonhomie d'ailleurs que
même les Américains ne doivent pas en revenir...). Toujours est-il que dès le
lendemain de son départ pour Paris, David Welsh téléphonait à Samir Geagea
pour "s'enquérir de la situation".... Un geste qui en dit long sur
l'importance du rôle que Washington entend lui conférer désormais.
Passons rapidement sur le scandale que représente cette situation où l'on
voit un représentant de la "plus grande démocratie du monde", censé être
en mission de médiation, boycotter le principal interlocuteur de l'opposition et
s'acoquiner avec un assassin notoire. Car il n'y a finalement là que
l'expression presque pathologique d'un pouvoir étasunien tombé aux mains de
gangsters dont les méthodes ont, dès lors, une certaine cohérence dans ce cas.
Reste que les mêmes causes (et les mêmes alliances) produisant les mêmes effets,
il y a fort à parier que la résurrection de M. Geagea par la perfusion
américaine vise au même but qu'il y a 15 ans: utiliser les FL pour tenter
d'affaiblir le général Aoun en accentuant la division du camp chrétien.
Ce faisant, les Etats-Unis intensifient donc leur politique du sape de la
souveraineté libanaise sur plusieurs fronts. D'abord en soutenant à bout de bras
un gouvernement illégitime et inconstitutionnel dont le seul mérite est de leur
être inféodé. Ensuite en accentuant par là même la fracture entre sunnites
et chiites libanais, puisque ce gouvernement a pour principal fonction de faire
barrage au Hezbollah, aux chiites donc, et enfin en accentuant les fractures au
sein du camp chrétien en y exhumant leurs complices les plus dévoués pour ce
faire.
Aux dernières nouvelles, et selon des sources bien informées, la nouvelle
visite au Liban de
David Welsh, mardi, lui aura servi à réaffirmer au gouvernement pro-américain de
Siniora qu’il « bénéficiait de l’appui de la communauté internationale et
qu’il n’était obligé de souscrire à aucune condition [à l'opposition]
avant l’élection du prochain président ». En clair encourager le blocage et
donc une possible dégradation de la situation. Il aurait aussi annoncé qu'une
campagne médiatique allait être lancée pour faire porter le chapeau de l'impasse
actuelle à l'opposition et à la Syrie.
On le voit, le souci affirmé par les Américains de non-ingérence étrangère
dans les affaires libanaises pourrait presque faire sourire. Presque.
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