23 juillet 2003
Contexte: Sharon ordonne le largage d'une bombe d'une tonne sur Gaza, tuant 15 personnes, dont 8 enfants (dont 2 bébés).
Il faut stopper le soldat Sharon
«La
guerre d'indépendance de 1948 n'est pas achevée» 13/01/2003
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Le 8 avril 1948, Menahem Begin pénétrait dans le petit village palestinien de Deïr Yassin à la tête des terroristes juifs de l'Irgoun. 200 civils, hommes, femmes, enfants et vieillards étaient froidement exécutés. Cinq ans plus tard à la tête de sa fameuse «unité 101», c'est Ariel Sharon qui imprimait sa marque dans le conflit israélo-palestinien naissant lors du massacre de Qibya. 45 maisons dynamitées avec leurs habitants. Soixante-neuf civils tués, pour moitié des femmes et des enfants. L'Etat d'Israël naissait par la terreur en prenant ses aises par le glaive et le feu sur une terre où il y avait bel et bien un peuple. Dans le tumulte des armes qui n'a jamais cessé depuis, le nom d'Ariel Sharon, sioniste obsédé par le rêve d'un Grand Israël, aura ensuite été associé aux pires atrocités.
Des tueries de civils aux «scores» sanglants de ses batailles d'officier, jusqu'à la centaine de Palestiniens sommairement liquidés en 1970, Sharon n'a montré de véritable talent que dans la pratique d'une violence exercée, dès le début de sa carrière, au mépris des lois de la guerre et de la vie. «Arik n'a jamais achevé une opération avec moins de plusieurs dizaines de tués dans les rangs de l'ennemi», avait un jour confié Moshe Dayan à un Ben Gourion inquiet (Le Monde Diplomatique, novembre 2001, p 23). Une brutalité poussée à son paroxysme lors de l'invasion du Liban et du siège de Beyrouth, en 1982. Alors ministre de la Défense sous Begin, Arik avait assiégé et pilonné la capitale libanaise pour «en finir avec l'OLP». Un bilan monstrueux: plus de 15'000 morts, Libanais et Palestiniens. En tout, il y aura plus de 27'000 tués, blessés ou mutilés, dont onze mille enfants de moins de douze ans, selon un décompte de l'UNICEF. Puis ce sont les massacres de Sabra et Chatila alors que Tsahal a investi Beyrouth-ouest. Sharon était dans son QG de Beyrouth près de l'ambassade du Koweit, avec vue sur les camps. Et c'est lui qui ordonnera au tueur sanguinaire des phalangistes libanais, Elie Hobeika, d'entrer dans les camps. La commission d'enquête Kahane attribuera une «responsabilité indirecte» à Ariel Sharon dans ce massacre où périrent entre 1000 et 3000 Palestiniens.
Avec sa visite provocatrice sur l'Esplanade des Mosquées, le Sharon d'aujourd'hui porte encore cette «responsabilité indirecte» dans le déclenchement d'une deuxième Intifada aussi légitime que la première. Un soulèvement survenu, comme le premier, après des années de guerre larvée, de spoliations, de destructions (7000 maisons depuis 1967), de colonisation au mépris des accords signés (34 nouvelles colonies depuis l'élection de Sharon), d'exécutions sommaires, de punitions collectives et de tortures (Israël n'a officiellement renoncé à la torture qu'en 1999). En 1987, le premier Intifada avait été réprimé dans une violence inouïe, 1000 morts, et l'on avait même ordonné à Tsahal de briser les os des Palestiniens. Ce qui fut fait.
Sûr que, tout ce temps, le terrorisme des nationalistes palestiniens aura répondu jusqu'à l'abject au terrorisme juif, puis au terrorisme d'Etat israélien. Pourtant, dans ce cycle infernal, Israël reste, de fait, l'occupant, l'oppresseur, l'agresseur, rendant la résistance palestinienne héroïque compte-tenu du déséquilibre des forces en présence. Présenter aujourd'hui les actions de Tsahal comme de l'auto-défense tout en réduisant les attentats palestiniens à un simple terrorisme aveugle relève de la malhonnêteté intellectuelle. Dans un discours à la chambre des Communes (The Guardian, 17 avril), un parlementaire du Parti travailliste britannique, Gerald Kaufman (principale personnalité politique juive outre-Manche), condamnant sans équivoque les attentats-suicides palestiniens, avait oser affirmer qu'il était «important de se demander pourquoi les Palestiniens utilisaient ces méthodes. Nous devons nous demander comment nous nous sentirions si nous avions été occupés durant 35 ans par une puissance étrangère qui vous refuse les plus élémentaires droits humains et des conditions de vie décentes.» Et il faut effectivement se demander aujourd'hui quel peuple, dépouillé de sa terre, refoulé dans des camps, soumis en permanence à des blocus criminels; quel peuple, voyant ses femmes accoucher aux check points de l'occupants, ses enfants massacrés ou tirés comme à la foire; quel peuple, constatant enfin sa souffrance ignorée, niée, banalisée, ses droits soustraits par la violence et l'apartheid dans l'indifférence générale; quel peuple n'aurait pas vu les plus désespérés des siens se jeter à corps perdu dans la terreur, dans l'assassinat. «Donnez des F-16 aux Palestiniens et il n'y aura plus d'attentats suicide», résumait un journaliste français rencontré à Jérusalem en juin dernier.
Aujourd'hui, dans l'inaction coupable d'une Europe politique égarée, et avec
le soutien criminel du cow-boy américain, Ariel Sharon poursuit un objectif qui
dépasse de loin celui de la sécurité promise pour Israël, et qui n'a que peu à
voir avec l'auto-défense invoquée. A l'heure où la pseudo guerre contre le
terrorisme fournit le prétexte à l'entier des faucons de la planète de sortir
l'artillerie lourde, Ariel Sharon voit simplement son vieux rêve d'un Grand
Israël tout à coup à portée de main. A portée de canon. Mais seule les attentats
palestiniens peuvent justifier un tant soit peu sa politique sur la scène
internationale. Et la tuerie perpétrée le
23 juillet à Gaza s'inscrit dans cette stratégie de pourrissement dont
personne ne peut plus dire
jusqu'où elle nous conduira.
«La guerre d'indépendance de 1948 n'est pas achevée. Non. 1948 n'était qu'un
chapitre», avait annoncé le général Sharon au lendemain de son élection dans
le Ha'aretz.