Danger et espérance d’une agonie
Les vertus du désordre
Or selon les commentateurs éclairés de la presse-Pravda, cette absence de
revendications précises est la faiblesse supposée qui doit inévitablement
les condamner à l’essoufflement puis à l’oubli.
Or c’est exactement l’inverse que l’on observe puisque «la
faiblesse du mouvement comme garantie de son échec assure son succès».
Aujourd’hui, aux USA par exemple, comme le relève Philippe Grasset, «tout
le monde ne parle que
d’Occupy Wall Street, alors que le mouvement n’a rien exigé, n’a
rien obtenu et a déplacé des masses extrêmement faibles de protestataires».
Le problème des commentateurs de la presse-Pravda est donc celui du
Système : ils n’ont pas de repères ni pour commenter ni pour
contre-attaquer des mouvements sans hiérarchie, sans idéologie qui
n’existent que pour ce qu’ils sont : c'est-à-dire un simple mais immense
et fabuleux cri de rejet anti-Système.
Un cri qui dit en substance à tous les prédateurs de la finance qui
spéculent sur la vie; à tous les Conseil d’Administration des
multinationales mortifères qui ravagent la planète ; à tous les
politiciens vendus et achetés qui tuent tout espoir, bref, aux serviteurs
zélés du capitalisme destructeur : «On
n’en a rien à foutre de savoir pas quoi on va remplacer votre machine.
L’urgence pour notre humanité, c’est de se débarrasser de vous,
de vous empêcher de nuire davantage». Les vertus du désordre vous dis-je ! |
13/10/2011 Les «surmorts» qui
président aux destinées du Système américano-occidental sont aux abois. La
déstabilisation en cours de
Acte
1
Avec les attentats du 11 Septembre, l’objectif était clairement de créer une
rupture, un trou dans le continuum historique qui permette de refonder la
légitimité du Système américano-occidentaliste, et de sa contre-civilisation,
alors déjà en
phase d’effondrement (1).
Le caractère monstrueusement spectaculaire de l’évènement, sorte de « shock
and awe » planétaire, devait ainsi imprimer dans les esprits le point de
départ d’une nouvelle séquence historique où le Système, brandissant l’auréole
de sainteté des victimes de la barbarie, se trouvait enfin libéré de tous les
freins et de toutes les contraintes imposées jusque-là à l’affirmation de sa
domination, au déchaînement mécanique de sa force et de son pouvoir bref, à sa
survie en tant que Système fondé sur l’idéal de la puissance.
Le message du Système était parfait : «Les
forces du mal nous attaquent. Cela prouve que nous sommes vertueux. Hors nous,
point de Salut. Aussi abominables soient-ils, nos crimes à venir seront donc
vertueux également.»
Une formidable prison idéologique sensée garantir le renouveau et la
pérennité du Système s’était alors refermée sur les esprits avec le fameux mot
d’ordre «Tous Américains», qui voulait
simplement dire : «Tous prisonniers du
Système».
Acte 2
L’opération a été de prime abord un succès.
Libéré et flanqué d’une caution impossible à contredire face à la machine de
propagande du Système, la nouvelle séquence historique a permis un déferlement
de violence et de guerres pensées à l’origine pour asseoir définitivement la
domination du Système sur ses anciens adversaires et aboutir à ce fameux monde
unipolaire si cher à Rumsfeld et consors.
Sauf que le Système, enfin autorisé à laisser libre cours à sa nature profonde
dans un déchaînement hystérique de sa puissance, n’a fait qu’accélérer et
accentuer tous les facteurs de son déclin dans un mécanisme presque naturel
d’autodestruction.
Acte 3
Les crises, financières, économiques, humanitaires se succèdent désormais à
un rythme effréné ; le désordre s’est désormais installé
(lire encadré), et la crédibilité des « surmorts » (1) qui président aux
destinées du Système est désormais ruinée. Des Etats et groupes d’Etats
(BRIC / Chine / Russie /
Amérique du Sud / pays émergents) se rebellent de plus en plus souvent et
refusent de cautionner plus avant cette fuite en avant justement. Même les
menaces et rétorsions deviennent souvent inopérantes.
Au sein des peuples, les Indignés se lèvent ;
les révoltes se multiplient et grondent à travers le monde (2008: 270 émeutes, tous continents confondus. 2009: 540 émeutes.
2010:1'238 émeutes. Août 2011: déjà plus de 1'100 émeutes); le rejet est
presque total. Le Système et sa contre-civilisation connaissent à la fois une
faillite financière et idéologique.
Acte 4
Poussé dans les cordes, le Système n’en est provisoirement que plus
dangereux.
Avec la déstabilisation en cours de
Sauf qu’aujourd’hui, la perte de crédibilité des hérauts du Système est telle,
qu’elle rend ce type d’opérations beaucoup plus difficile à mettre en œuvre.
Et désormais, les forces structurantes à l’œuvre, c'est-à-dire les forces
anti-système, les forces du désordre et du rejet, étatiques ou citoyennes, sont
là pour
épuiser le Système et peut-être l’accompagner, dans une lente étreinte,
jusqu’à son étouffement définitif.
Espoir donc.
En 1955, l’ethnologue
Claude Lévi-Strauss écrivait dans Tristes Tropiques: «La
civilisation n’est plus cette fleur fragile qu’on préservait, qu’on développait
à grand-peine, dans quelques coins abrités d’un terroir riche en espèces
rustiques, menaçantes sans doute par leur vivacité, mais qui permettaient aussi
de varier et de revigorer les semis. L’humanité s’installe dans la monoculture ;
elle s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son
ordinaire ne comportera plus que ce plat.»
Dans une lettre datée de mai 68,
l’écrivain et poète suisse Maurice
Chappaz écrivait : «J’ai localisé le
pouvoir réel, brutal dans l’économie et vu les velléités, les complicités, les
mensonges, le blanc qui devient noir dans les partis politiques, tous les
partis. Et le social a comporté pour moi un élément de dégoût que tu ne peux
imaginer : le nazisme. Le commercial totalitaire le ressuce en lui : cette
tuerie d’arbres, de phoques, cet empoisonnement de l’air, des eaux, ces
massacres divers et cette propagande, cette réclame pour l’englobant industriel,
le « progrès » carrément détachés de l’humain. Les vrais parasites modernes ne
sont pas les clochards, les beatniks, mais justement les activistes de la
construction inutile, du gaspillage des sources et des ressources, spéculateurs,
menteurs en tous produits et appétits. Nous connaissons aussi ces volontés de
puissance à l’œil parfois très intelligent de Surmorts, qui délèguent aux
fonctions publiques les bureaucrates, des types, des espèces de chauves
graisseux moins costaux qu’eux-mêmes. Les Surmorts ont besoin d’otages, de
médiocres qui limitent toujours un pays aux affaires. »