Essai : Bowling for Bataclan

28/11/2015 Dans les tueries du 13 novembre à Paris, on était peut-être bien plus proche de Bowling for Columbine (1) que du jihad des flippés de Daesh. Ce ne sont en effet pas des djihadistes syriens ou irakiens mais des jeunes issus de la voyoucratie des ghettos français qui ont massacré aveuglément d’autres jeunes dans une folie meurtrière hors sol où le délire islamiste n’aura finalement été qu’un prétexte. Il est fort probable d’ailleurs qu’aucun d’eux n’ait jamais lu le Coran, et que leur compréhension de l’Islam s’est arrêtée à la quatrième de couverture d’un Que sais-je et aux slogans prémâchés des webmasters islamistes. Ces assassins étaient ainsi d’abord des jeunes  ignorants, délinquants pour la plupart, bêtes et méchants, frustrés, égarés, revanchards et haineux d’être tenus à l’écart du paradis consumériste boboïsé qu’incarnaient à leurs yeux les victimes du Bataclan. Coutumier d’une ultra-violence devenue la norme chez les jeunes de banlieues mais pas seulement, ils semblent donc surtout avoir endossé le costume djihadiste pour se donner une identité et une place dans une société où ils n’en ont pas, pour donner un sens à leur vie dans une société qui ne leur en propose aucun.

La violence-Système
Oh bien sûr, l’ordre du massacre (comme pour les quarante Libanais et des 230 Russes tués à Beyrouth et en Egypte qui ont suscité si peu de compassion ici) est venu de Daesh. Mais un Daesh nourrit des 4 millions de victimes (2), 4'000'000 donc, essentiellement musulmanes, sacrifiées dans l’holocauste des vertueuses guerres conduites par notre vertueux Occident au Moyent-Orient depuis un quart de siècle maintenant. Quatre millions de morts, 4'000'000 donc, qui n’ont jamais empêché personne de dormir de ce côté-ci du mur, dans notre indépassable monde libre.
Bowling for Bataclan est ainsi la rencontre d’un monstre, Daesh, enfanté par la violence que le Système néolibéral sous conduite étasunienne projette à l’extérieur de son sanctuaire pour étendre sa domination, et le nihilisme d’une certaine jeunesse agressive et bête, que ce même Système a enfanté au sein de son sanctuaire en y projetant la violence d’une société inégalitaire et vide de sens.
Il semble ainsi y avoir beaucoup plus de raisons sociologiques que géopolitiques au massacre de Paris.

Une métastase néolibérale?
Il faudra donc bien s’interroger un jour sur ce modèle de société néolibérale dont on nous assure qu’il est indépassable, et qui pourtant ghettoïse à tout va, multiplie les inégalités, impose l’indécence, cultive le goût de la violence, dévaste tout et partout, organisant la guerre éternelle et le meurtre ou la privatisation du vivant à l’échelle planétaire pour satisfaire une minorité de nantis plus en plus restreinte, de plus en plus vorace.
Il faudra bien s’interroger aussi sur ce modèle de civilisation occidentale, cette «culture globale» qui n’est rien d’autre qu’une monoculture destinée à écraser toutes les autres, toutes les spécificités, toutes les identités, toutes les langues et toutes les religions pour y substituer une société globale «liquide» où doit flotter cet homme nouveau, sans sexe ni racines ni ailes, ce fameux homme «nomade» suspendu entre rien et rien et dont le vide intérieur sidéral n’est destiné qu’à abriter une ultime aspiration, celle d’acheter des choses, puis d’autres choses, encore et encore, dans la folle quête addictive d’un orgasme impossible à atteindre, où seuls se multiplient les désirs inassouvis, la frustration et le vide.
Il faudra encore oser braver les interdits, oser défier les nouveaux tabous, pour s’interroger sur ce que prétend dès lors transmettre comme «sens» à sa jeunesse une société qui semble marcher sur la tête en banalisant l’avortement jusqu'à en faire un moyen de contraction tout en punissant de prison la maltraitance animale; qui industrialise l’eugénisme; qui refuse toute forme de moralité tout en massacrant au nom de ses "valeurs"; qui ridiculise toute spiritualité tout en faisant de la laïcité la plus féroce des religions; qui prétend faire de la sexualité un sport de combat et du rapport homme-femme une compétition; où une mère peut proposer de jouer les mères-porteuses pour son fils homosexuel sous les acclamations progressistes (3); qui n’a de cesse de diviser, de fractionner, de fracturer le corps social pour y faire cohabiter tous les égoïsmes sans aucun projet commun, aucune autre perspective que celle d’être un consommateur compulsif ou un exclu.
Dans un tel projet de société, comment s’étonner dès lors que les plus ignorants, les plus violents, les plus déviants des laissés-pour-compte dévissent dans n’importe quel délire.
Quoi qu’on en dise, dans cette civilisation-là, les grandes surfaces ont finalement bien du mal à combler le vide laissé par le meurtre de Dieu et l’abolition de l’homme (4), surtout chez ceux qui sont privés de carnets de chèques.
Et ça, les illuminés de Daesh l’ont parfaitement intégré.
Bowling for Bataclan comme métastase néolibérale?

Mis en ligne par entrefilets.com le 27 novembre 2015

1 Bowling for Columbine

2 Des victimes sans valeur : les quatre millions de musulmans tués dans les guerres occidentales depuis 1990

3 Les derniers jours de la civilisation maçonnique par Michel Onfray

4 Contre l’abolition de l’homme