La fin de la Global Gouvernance

28/12/09 Le fiasco du Sommet de Copenhague fera date. Un ratage aussi complet inviterait presque à la contemplation humble et silencieuse d’une œuvre aussi parfaitement aboutie. Mais ce fiasco-là nous en dit tant...
Ce Sommet devait ainsi « marquer un tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique ». Il se devait d’être le Sommet des Sommets puisqu’il s’agissait ni plus ni moins que de survie de l’espèce. Au final ? Rien ! Le vide, le néant. Le texte d’un prétendu accord a bien été diffusé au terme de cette énième pantalonnade internationale, mais non sans une certaine gêne de « décideurs » vaguement conscients que le document n’était rien d’autre que l’acte de décès officiel de leur crédibilité.
Tout ce cirque facturé des dizaines de millions supplémentaires au contribuable n’aura donc été qu’un cirque justement, à l’image des grands n’importe-quoi du G8, puis du G20 sensés régler la crise... Cette fois encore, on a exhibé à la plèbe les attributs du pouvoir pour masquer l’absence de pouvoir.
A l’ère de la communication, l’ampleur des gesticulations est donc devenue inversement proportionnelle aux résultats obtenus. C’est une équation désormais absolument fiable.
Oh, bien sûr, les commentateurs de la presse-Pravda ont bien tenté de faire sens, pour sauver les apparences, à coup de savantes analyses sur un hypothétique bras-de-fer entre les Etats-Unis et la Chine, accusant alternativement l’un ou l’autre d’avoir torpillé le Sommet en fonction de son idéologie propre.
Mais le roi est nu. Le constat évident, sans appel que met en lumière cette série d’échecs retentissants, est bien la totale, la formidable incapacité des gouvernants à gouverner quoi que ce soit désormais. De fait, il n'y a personne à la barre de notre Hyper-Titanic.
Le Sommet de Copenhague, lieu de toutes les esquives, théâtre de toutes les impuissances, fera date en tant qu’il marque la fin officielle du rêve fascisant de Global Gouvernance.
Que reste-t-il donc aujourd’hui ? Rien d’autre que la réalité bien sûr, c'est-à-dire la crise. La formidable, l’immense crise à têtes multiples de notre civilisation.
Civilisation où le politique ne gouverne plus, réduit qu’il est au rang d’homme d’affaires plus ou moins corrompu, plus ou moins vendu, soumis à la dictature des marchés et sensé gérer la nation comme une entreprise.
Civilisation où le citoyen, lui, s’est vu réduit au rang de simple consommateur auquel le pays-entreprise ne demande que de consommer, de consommer encore, de dé-penser.
Au milieu de ce vide sidéral, de ce gouffre sans âme où toute verticalité se trouve broyée, le système, seul, impose à tous sa logique mécanique (gouverne ?).
L’effondrement d’un tel système (c'est-à-dire l’effondrement de la puissance américaine qui est à la fois sa matrice et son respirateur artificiel), n’est donc plus seulement l’aboutissement logique de la crise profondément structurelle qui le secoue, mais représente peut-être aussi la dernière utopie qu’il nous reste, la dernière révolution possible.
En finir avec la dictature des marchés, avec les cotations en continu, la spéculation, avec Wall Street et la City, avec la toute puissance des multinationales, avec l’OMC, le FMI, la BM ; en finir avec l’impunité des va-t-en-guerre, avec Washington et Tel-Aviv, le Conseil de sécurité de l’ONU, avec le Figaro Magazine, les actionnaires, avec les bons sentiments et les mauvaises manières, avec BHL et Kouchner ; en finir, oui, pourquoi pas, avec un certain capitalisme qui a donné tant de preuves de son insolvabilité. Pourquoi pas. Voilà qui serait un bon début pour notre dernière utopie, notre dernière révolution.
« Pour y mettre quoi à la place ? », rétorqueront les timorés et les zélateurs du système ? Qu’importe ! Soyons modestes et libres : nous n’avons aucun, mais alors aucun programme de rechange et aucunement l’intention d’en élaborer un. En revanche, nous avons une certitude qui sous-tend ce propos: lorsque l’on se noie, on ne médite pas sur le type de nage qu’il aurait fallu ou qu’il conviendrait d’apprendre. Lorsque l’on se noie, l’urgence est de sortir de l’eau.