Imperturbable, la Russie prépare le monde d’après

14/05/2014 La «Guerre Froide 2.0» voulue par les Etats-Unis pour tenter de freiner leur déclin agit comme un accélérateur historique. Trop lâche et trop faible pour renoncer au confort de sa soumission, l’Europe a laissé passer sa dernière chance d’échapper à ses geôliers et l’hystérie antirusse des dernières semaines a achevé de convaincre Moscou que le point de non-retour était désormais dépassé avec les Occidentaux. Imperturbable face aux provocations atlantistes, la Russie prépare aujourd’hui le monde d’après. Elle a d’ores et déjà entamé la dé-dollarisation de ses échanges, se prépare à sortir des agences de notation et bat le rappel de ses alliés. Le compte à rebours du grand chambardement a commencé.

Qui aurait pu croire…
La séquence historique que nous vivons est tout simplement stupéfiante.
Qui aurait pu croire en effet, il y a seulement quelques mois, que l’équilibre géopolitique du monde serait balayé en quelques semaines, que le Conseil de sécurité de l’ONU volerait en éclat, que la guerre surgirait en Europe, que même la possibilité d’une
confrontation mondiale deviendrait subitement impossible à exclure.
Qui aurait pu croire que Washington se lancerait dans un plan à ce point foireux, produisant en si peu de temps et aussi radicalement l’exact opposé du but recherché, à savoir
remettre l’Empire sur les rails de la domination mondiale incontestée.
Qui aurait pu croire que l’accélération des évènements initiés par le coup d’Etat de Kiev allait peut-être conduire bien plus vite que prévu l’Empire vers la phase terminable de son effondrement.
Et pour clore ce chapitre en faisant un petit détour par une spécificité de la crise ukrainienne qui nous soulève particulièrement le cœur : qui aurait pu croire que l’Europe renierait à ce point son histoire en s’alliant avec les
néonazis de Svoboda pour servir ses maîtres étasuniens.

Le plan B de Poutine
Face à
l’hystérie antirusse et aux manigances du Bloc altantiste pour retarder son naufrage, la Russie n’a donc pas eu d’autres choix que d’activer son «plan B» pour garder l’initiative (le plan A était d’encadrer l’agonie de l’Empire en essayant de le faire mourir dans son lit).
Ce plan B est un mélange d’esquives, de croche-pieds et d’anticipation. Il s’agit en effet d’éviter d’affronter directement l’Empire, dont les capacités de nuisances restent intactes, tout en créant des conditions qui vont accélérer sa chute et en préparant le monde d’après.
En adepte des arts martiaux et des échecs, Vladimir Poutine est passé maître dans l’art de l’esquive et ignore donc superbement les provocations et même les insultes des manants du Bloc. Au passage, il réussit même à tirer profit de la situation en
grugeant les prédateurs de Wall Street.

Exit le dollar et les agences de notation
Mais pour accélérer la chute de l’Empire, son principal levier est la dé-dollarisation de l’économie russe. Le dollar étant à la fois la puissance étasunienne, mais aussi son talon d’Achille.
Et là,
les grandes manœuvres sont engagées désormais pour éjecter progressivement le dollar des transactions énergétiques du pays. Poutine a ainsi mobilisé une armée d’experts pour trouver des solutions permettant d’accélérer ce processus. Les pistes envisagées sont inédites et agressives, comme ce fameux «currency switch executive order»  qui imposera aux compagnies russes du secteur un certain pourcentage de transactions en roubles.
L’affaire est, comme on dit, des plus sérieuses, car il s’agit de la première attaque frontale du dieu-dollar par une puissance nucléaire. A ce jour, les pays qui ont osé contester l’hégémonie du dollar dans les transactions pétrolières ont été attaqués et/ou réduit en cendres.
Autre signe tangible de la décision de Moscou de s’extirper du Système-Prison de l’hégémonie étasunienne, la Russie se prépare aussi à
sortir des agences de notation.

L’Occident seul au monde
Concernant l’anticipation de l’après, la Russie s’active désormais à consolider ses alliances avec les pays qui constituent un contrepoids naturel à l’hégémonie étasunienne, qu’il s’agisse de la Chine (la rencontre Poutine-Xi du 20 mai prochain revêt à cet égard une importance absolument cruciale), de l’Iran ou de nombreux pays d’Amérique latine, mais pas seulement.
La liste des alliés potentiels de Moscou, déclarés ou non, est aujourd’hui d’autant plus longue qu’elle englobe finalement tous les pays qui ont eu à souffrir de la colonisation et/ou de l’occidentalisation du monde à coups de flingues et de mensonges.
En un sens, à travers cette «Guerre Froide 2.0» déclenchée par les USA, Vladimir Poutine est peut-être en train de devenir sans le vouloir – et peut-être même sans le savoir–, une sorte de héraut antiSystème que pourrait bien soutenir toutes les victimes passées et présentes de cet Occident dont les Lumières se sont éteintes à mesure que grandissait son goût pour la domination brutale, pour l’asservissement des peuples, pour la rapine facile et sanglante des richesses du monde.
Et ça fait beaucoup, beaucoup de monde…

Mis en ligne par entrefilets.com le 14 mai 2014 à 18h18