La 3e Guerre, ou quand l’imagination invite à reprendre le pouvoir

23/09/2015 Une fois n’est pas coutume, entrefilets vous parle aujourd'hui d’un roman, une sorte d’ovni qui se dévore comme un polar mais qui est pourtant bien plus que cela. La 3e guerre de Stéphanie Aten nous raconte en effet l’affrontement final entre des altermondialistes parfaitement organisés (enfin), et la caste des Surmorts qui pilotent le Système néolibéral mondialisé. Servi par une intrigue pleine de rebondissements et une écriture nerveuse, le bouquin a aussi l’immense mérite de décrire avec justesse les techniques du Système pour briser les nations, capter leur richesse et réduire les populations en esclavage au profit d’une hyper-classe apatride. A la fin, bien sûr, la caste des prédateurs mord la poussière dans un final jouissif. A l’heure où l’éducation à l’impuissance (1) tourne à plein régime, l’ovni de Stéphanie Aten nous prend ainsi à revers pour nous inviter à croire que oui, le renversement de la pègre néolibérale qui conduit notre monde à la ruine est possible.

Des «zones spéciales de production» aux «assassins économiques»
Le 22 juin dernier, Stéphanie Aten nous écrivait : «(…) Livrant à ma manière le même combat que vous, je souhaite attirer votre attention sur le livre que j'ai publié en septembre dernier, dont l'objectif est de ranimer chez les populations leurs capacités d'imagination, de foi, et de réaction. Il s'agit d'un roman, car je pense que l'information et la fiction effectuent un travail complémentaire. Il s'intitule «La 3e guerre», est le fruit de plusieurs années d'investigations et de l'appui d'un ex-agent spécial, et relate un bras de fer colossal entre une mystérieuse organisation citoyenne baptisée "3", et les Élites. Il mélange volontairement fiction et réalité afin de pousser les lecteurs à créer un pont entre leur propre actualité, et ce qu'ils pourraient en faire.»
Noyés sous une to-do-list de 8 kilomètres en matière de lecture en retard, nous avons procrastiné autant que faire ce peu avant de nous attaquer au pavé de Stéphanie. Il faut aussi dire que la critique littéraire n’est pas la tasse de thé d’entrefilets. D’ailleurs, le présent billet n’en est pas une pour autant.
Sauf qu’évidemment, vous vous en doutez, le sujet du livre avait de quoi titiller notre curiosité…
Ce fut alors septembre et la rentrée, et l’immersion dans le monde de La 3e Guerre.
Dès les premières pages, on accroche, on s’attache aux personnages, on se prend au jeu, d’autant plus que le jeu s’articule autour d’une connaissance très pointue des rouages de la machine à broyer le monde qu’est le Système néolibéral mondialisé.
Des «zones spéciales de production» du Bangladesh aux agressions des multinationales contre les paysans du Brésil, en passant par les «assassins économiques» (2) qui travaillent sous couverture du FMI ou de la Banque mondiale pour ruiner, endetter et assujettir les pays, la plupart des outils mortifères de domination du Système sont ainsi mis en lumière tout en servant l’intrigue. Une intrigue dont le fil rouge est le lent éveil à la conscience d’un barbouze de l’armée privée de la caste des Surmorts.

«Lève la tête»
Même la machine européenne en prend pour son grade, véritable «centrifugeuse conçue pour centraliser le pouvoir jusqu’à absorber complètement les souverainetés nationales».
Stéphanie Aten décortique aussi le système des banques centrales qui permettent aux banquiers privés d’endetter les nations au prix du papier (3); elle raconte l’OPA du corporate power sur le vivant à travers les OGM; renvient aux origines de la peste néolibérale; rappelle en passant le fabuleux hold-up de la crise de 2008, et explique même la «stratégie du choc» (4) qui permet aux Surmorts de maintenir les populations dans le formol malgré les plus indécents scandales.
La machine à écraser le monde est ainsi passée au scanner au fil des pages et, pourtant, jamais l’exercice n’alourdit le rythme palpitant du roman, ce qui relève de l’exploit littéraire.
Bref, sous couvert de roman, La 3e Guerre est donc un formidable outil pédagogique pour faire connaître la mécanique anthropophage du Système.
Un autre aspect intéressant du livre de Stéphanie Aten est aussi d’avoir su imaginer une feuille de route convaincante de la révolution à venir. Et même si l’assaut final des altermondialistes contre le Système inclut des ingrédients un peu magiques, le principe d’une armée de juristes et de hackers sur-vitaminés attaquant les citadelles financières de la pègre apatride constitue un scénario assez crédible.
Du grand spectacle donc, avec, une fois le bouquin refermé, ce regain d’énergie en plus, de foi en plus, qui vous laisse un sourire sur les lèvres d’avoir assisté au renversement des prédateurs hallucinés qui rendent notre monde progressivement impropre à la vie; d’avoir assisté à la fin de cette contre-civilisation, comme le dit si justement Stéphanie Aten, «létale, destructrice et indigne de ce que nous sommes capables de bâtir».
Fiction ou anticipation?

Post Scriptum
Dialogue entre le barbouze et Mina Attale, son mentor.
Le barbouze: - Je vous envie.
Mina: - Tu nous envies quoi ?
- Votre foi… Je n’arrive pas à concevoir que le monde puisse changer, ni que l’Humanité se mette soudain à l’exiger. Ce sont deux Himalaya pour moi.
- Monte au camp de base et lève la tête. Tu commenceras à voir les choses sous un autre angle.

La 3e Guerre, Stéphanie Aten, éditions Hélène Jacob, 536 pages, disponibles en formats électroniques.

Mis en ligne par entrefilets.com le 23 septembre 2015

1 L’éduction à l’impuissance

2 Les assassins économiques

3 L’exemple en France de la Loi Rothschild qui, sur le modèle de la FED américaine, interdit à la banque nationale de prêter à l’Etat sans intérêts

4 La stratégie du choc