Tintin en Libye : «Ben quoi ?! on fait comme on a toujours fait ?!» 

 

Oui, bien sûr, il fallait faire oublier la lâcheté occidentale en général, et française en particulier, lors des révolutions de Tunisie et d’Egypte. Oui, bien sûr, l’occasion était trop belle de se refaire une virginité à bon compte en Libye, en soutenant les rebelles contre l’unanimement détesté Kadhafi (ah ! si on l’avait pas…). D’une pierre deux coups, on pouvait à la fois faire croire à la rue arabe que, narrative démocratico-droit-de-l’ hommiste oblige, on soutient évidemment son printemps ; et montrer accessoirement à la plèbe occidentale que le Système en a encore sous le pied. Car bien sûr, vu notre hyper-puissance de feu, tous nos joujoux high-tech, tous nos satellites, tous nos machins à guidage laser bourrés de puces électroniques, l’issue de la chose est entendue et elle sera forcément «courte et joyeuse». Du pain béni vous dis-je !
Oui mais voilà.
Encore aurait-il fallu avoir un objectif clair, une stratégie et… un commandement.

- Or il n’y a jamais eu d’objectif clair : renversement de Kadhafi ? Simple zone d’exclusion aérienne, comme le stipule a priori le mandat de l’ONU? «Ben euuhh… »

- Or il n’y a jamais eu de stratégie claire : et si les frappes aériennes ne suffisent pas ? On fait quoi ? On débarque ? On s’en va ? Mais comment ? «Ben euuhh… »

- Et côté commandement, c’est la bouteille à encre. Obama, déjà usé par les bourbiers irakien et afghan, n’a que faire de la Libye et voudrait bien se débarrasser de ce nouveau boulet. Sa préoccupation actuelle est de casser le printemps arabe version pays du Golfe, notamment à Bahrein, qui est la base de la 5éme flotte US. Mais côté européen, on est gêné aux entournures et on ne se bouscule pas au portillon, c’est le moins que l’on puisse dire. Le petit Nicolas essaie bien de refourguer la patate chaude à l’OTAN, mais la Turquie qui a, elle, une vraie ligne politique et de vrais objectifs, s’y oppose. Eh oh ! A la fin c’est quoi ce merdier ? «Ben euuhh… »

Fort de ces solides convictions, notre nouvelle petite coalition de libérateurs est donc partie à l’attaque sur mandat de l’ONU. Et alors que la résolution stipulait la mise en place d’une simple zone d’exclusion aérienne, voilà que nous assistons à un remake du Shock and Awe irakien, avec destruction massive et tout le toutim. C'est-à-dire une guerre américaniste classique, avec engagement sans paliers des forces aériennes et navales. 
Oui mais voilà : c’est pas du tout le mandat de l’ONU ?
 «Ben quoi… on fait comme on a toujours fait ?!»
Une nouvelle fois, le Système américano-occidentaliste brille par le désordre total et complet qui le caractérise. Au sein de l’appareil, la confusion semble avoir atteint un degré tel qu’elle autorise désormais des aventures militaires totalement désordonnées, où l’on réfléchi a posteriori sur les buts à atteindre éventuellement, sans même réussir à se décider sur qui commande, sur qui va commander, sur la suite à donner à l’affaire.
La finalité de la guerre en Libye pensée par le Système ?  Tirer des Tomahawks ! Point barre. 
Il y a dans ce spectacle aberrant quelque chose qui a attrait à la folie, à l’égarement d’un Système où le déchaînement de la matière est devenu un but en soi.
C’est l’action amputée de la réflexion.
C’est la matière triomphante.
La régression.