libye: Mission accomplished”, So what’s next !

22/08/2011 Sarkozy capitalise ventre à terre, l’OTAN soupire de soulagement et le parti des salonards parisiens  jubile à s’en faire péter les derniers boutons de chemise immaculée. Quelques mois après avoir été réintégré dans le vertueux concert des Nations, le régime de l’inénarrable Khadafi a finalement été jeté à bas. Le Système est donc tout à sa joie, même le bipolaire Wall Street exulte par anticipation (1) et, bien sûr, le gourou des salonards parisiens a promené son brushing sur les plateaux de télé pour dire la grandeur de la France, la grandeur du petit Nicolas, la grandeur de cette énième victoire de la liberté sur le côté obscur de la Force (nausée).
Et logiquement, la narrative du Système va bien sûr tenter d’accrocher cette « victoire » au train du Printemps arabe pour lui en attribuer toutes les vertus.
Que du bonheur donc.

Pas de printemps arabe en Libye
Sauf qu’il n’y a rien de comparable entre les révolutions tunisienne, égyptienne, ou même de Barhein – cette dernière ayant été tuée dans l’œuf par le Système lui-même dans l’indifférence générale–, et l’opération de regime change libyenne. Car là où les vraies révolutions arabes ont triomphé dans la rue, par la mobilisation et l’acharnement d’une population civile soulevée, pacifique mais déterminée – alors même que les capitales occidentales ont soutenu les despotes en place jusqu’au basculement–, la chute du « guide » libyen est à mettre à l’actif de la puissance de feu de l’OTAN.
L’Organisation s’est de fait très vite émancipée d’une résolution l’autorisant à protéger les civils, pour lancer une classique opération d’appui militaire aux insurgés pour renverser le régime. Ce faisant, le Système a pris les commandes d’une « révolution » libyenne devenue dès lors au moins suspecte.
Les mauvaises langues persiflent en estimant qu’en période de peak oil, l’or noir libyen n’est pas étranger à cet élan vertueux de la coalition occidentale, dont les sociétés pétrolières contrôleront sans doute bien davantage qu’auparavant la production locale grâce à une rébellion débitrice et donc désormais prisonnière de l’Occident. Mais passons, l’élasticité de la «légalité» du Système étant forcément vertueuse,  personne ne va s’encombrer de ce genre de détails. L’éviction d’un dictateur unanimement détesté comme Khadafi est d’ailleurs un slogan d’une puissance telle, qu’il interdit à lui seul tout questionnement autour du bienfondé de l’intervention occidentale.

Bouteille à encre
Pourtant, la véritable nature de cette «victoire» ne va apparaître que dans les semaines et les mois à venir.
L'envoyé du Conseil national de transition (CNT) auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim al-Huweini, a déjà affirmé lundi que son pays n'allait « pas autoriser l'installation de bases militaires de l'Otan dans son pays ». Soit. Le déploiement d’une nouvelle coalition occidentale pour assurer la transition est donc peu probable. D’ailleurs, dans son immense sagesse, Glamour-BHO a déclaré «ne pas vouloir envoyer de troupes au sol», et que «l'avenir de la Libye était entre les mains de son peuple».
Certes.
Reste donc à savoir qui va gouverner le pays, sachant que les rebelles sont plus que divisés et que la crainte du chaos est déjà bien réelle, alimentée par le spectre des stocks d’armement de « l’ancien régime » auxquels tous les groupuscules rebelles, jihadistes en tête, vont avoir accès désormais, dans une sorte de grande brocante du Bourget gratuite.
Certains imaginent que c’est aux pays arabes, Tunisie et Egypte en tête, de coacher cette transition. Fort bien. Mais comment, alors qu’ils sont eux-mêmes en pleine transition ?

Une crise de plus
Au final, cette victoire de l’OTAN, si elle est confirmée au-delà des breaking news de la presse-Pravda, laisse la Libye face à un avenir terriblement incertain, terriblement dangereux. Car avec une coalition de rebelles aussi hétéroclite, tous les scénarios sont désormais possibles, de l’afghanisation à l’irakisation.
A l’heure où nous écrivons ces lignes, la grande «victoire» libyenne pourrait même tourner au remake de la prise d’Ascalon (2). Bien qu’il semble que l’OTAN ait cette fois engagé des troupes au sol pour en finir une fois pour toute.
Mais quoi qu’il advienne dans les prochaines heures et les prochaines semaines, cette « victoire » s’apparente surtout à une crise de plus auto-injectée au sein de la grande crise générale du Système.
Vous avez dit désordre ?

(1) La production libyenne était de 1,3 million de barils/jour avant la guerre de mars ; elle est tombée à 100’000 barils/jour depuis. Il faudra entre 6 mois et 18 mois selon les estimations pour retrouver les anciens niveaux, dans l’hypothèse ou le pays ne sombre pas dans la guerre civile.

(2) Le 13 août 1153, les croisés parviennent à faire tomber une partie des murailles de la cité d’Ascalon. Bernard de Trémelay, Maître de l'Ordre des Chevalier du Temple, s'élance aussitôt avec ses hommes dans cette brèche. Il aurait été tué à ce moment-là dans une embuscade tendue par les Turcs présents dans la ville. Son corps, avec celui de ses 40 chevaliers, sera pendu aux murs de la ville. Ascalon sera finalement prise le 19 Août 1153.