On a donc tué le fantôme de Ben Laden
03/05/2011 C’est donc une photo truquée qui aura servi d’illustration à
l’annonce de l’assassinat d’Oussama Ben Laden.
Une photo d’autant
plus symbolique qu’elle montrait un visage souriant mais sans yeux, visage de
gargouille semblant nous dire aussi bien l’ultime grimace d’une créature damnée
que l’éternel aveuglement de son assassin.
Ce dernier pied de nez de l’Histoire est ainsi venu admirablement ponctuer une
trajectoire absolument mensongère, incarnant moins la représentation manichéenne
du mal absolu tel que rêvé par la narrative occidentale, qu’une immense
supercherie, une sublime et permanente manipulation au service de cette
narrative justement.
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La légende Al-Qaïda
Sans nous épuiser à relever l’improbabilité, si ce n’est l’impossibilité que
les attentats du 11 Septembre aient pu être l’œuvre de jihadistes
structurellement confinés dans des boucheries bricolées à la voiture piégée,
rappelons simplement que l’évènement a très opportunément donné le coup d’envoi
d’une série de guerres occidentales prévues bien en amont par les états-majors
étasuniens, comme nous le savons aujourd’hui.
Avec 9/11, Ben Laden a ainsi définitivement pris possession du petit Oussama,
condamné dès lors à vivre dans un costume bien trop grand pour lui. Dix ans
durant, le fantôme de Ben Laden a donc régné, dans la narrative occidentale, à
la tête de la légende Al-Qaïda, nébuleuse incernable, véritable label
fourre-tout si pratique à la fois pour les «unes» de la presse-Pravda, et pour
les conférences de presse des speakerines d’un «monde libre» enfin engagées dans
le combat final, eschatologique, à travers lequel elles pouvaient s’imaginer
quelque grandeur d’âme et de propos dans un grandiloquent foutoire messianique
ou orwelien, c’est selon, et censé durer jusqu’à la victoire finale,
c'est-à-dire indéfiniment.
Notons au passage qu’en dix ans, on a péniblement attribué
des milliers de victimes à al-Qaïda
dont le label a recouvert à peu près tous les attentats perpétrés à travers le
monde, pour quelque raison que ce soit, selon la lecture occidentale des
événements. Et que dans le même temps, la guerre sainte contre le terrorisme,
elle, a déjà fait plus d’un million et demi de victimes civiles en Irak, et
coûté la vie à des dizaines de milliers d’Afghans, selon un décompte provisoire.
Mais comparaison n’est pas raison, passons.
Toute la chienlit de la terre aux
commandes
Depuis dix ans, l’Histoire du monde est devenu déchaînement permanent de la
matière, livrée qu’elle a été aux chiens de guerre, aux industriels de
l’armement et du technologisme, aux prédateurs des multinationales de la
«reconstruction», aux pétroliers, aux spéculateurs bref, à toute la chianlit de
la terre qui gouverne nos destinées en tant de crise, c'est-à-dire quand les
politiciens croient leur heure enfin venue et se rêvent des destins
extraordinaires.
Mais revenons au cœur du sujet, la mort du fantôme de Ben Laden. Car c’est bien
de la mort de son fantôme qu’il s’agit, puisque de preuve de la chose il n’y en
a pour l’instant aucune, et qu’il n’y en aura jamais d’irréfutables.
Une bien étrange pudeur
Car comme nous l’avons appris, le corps de l’ennemi public numéro un a été
«immergé» moins de vingt-quatre heures après son assassinat, dans une
précipitation pour le moins suspecte. Il ne fallait pas de lieu de pèlerinage
nous dit-on. Soit, on n’en est plus là. Sauf qu’on a vraiment du mal à se
convaincre de la réalité d’une telle pudeur à l’issue d’une telle traque, et
face aux attentes écrasantes des familles des trois milles victimes du WTC. A
plus forte raison de la part de Services US qui nous avaient habitués aux pires
exhibitions, par exemple en fouillant sur CNN la bouche d’un Saddam Hussein
hirsute lors de sa capture, où en disséquant les cadavres de ses deux fils onze
jours durant avant de les rendre à leur famille. Pudeur bien étrange donc,
convenons-en. Et qu’un obscur laboratoire de Langley nous confirme dans trois
jours qu’il s’agissait bien du cadavre d’OBL n’y changera rien, ne serait-ce que
parce que le prélèvement d’ADN en question aurait pu être fait il y a dix ans.
Pour accréditer l’histoire, la presse-Pravda s’est toutefois vue remettre une
photo extraordinaire. Un véritable copier-coller d’une scène phare d’un vieux
block buster hollywoodien, Patriot games,
où l’on voit Harrisson Ford assister en direct, dans la fameuse «situation
room», au nettoyage d’un camp libyen supposé abriter des terroristes de l’IRA.
Sauf que là, c’est toute l’équipe d’Obama qui est sensée assister en direct à
l’assassinat d’OBL.
Un
must see
de
Réalité sans importance
De la bouillie pour les chats que tout ceci. Donc de deux choses l’une. Ou tout
cela n’est qu’une pantalonnade de plus pour permettre cette fois à un Obama en
campagne électorale de nous jouer sa propre version de «mission accomplie», et sortir enfin du coûteux bourbier afghan que
les finances US en banqueroute ne peuvent plus supporter. Ou alors, c’est
effectivement OBL qui a été occis par la grâce du hasard et, surtout, celle des
Séoudiens et des Pakistanais qui auraient finalement décidé de livrer le
bonhomme dans un grand marchandage lié au printemps arabe. OBL en
victime collatérale du printemps arabe
en quelque sorte.
Mais quoi qu’il en soit, tout cela sent le rance et n’a au final aucune
importance. Car Oussama est mort lui aussi le 11 Septembre 2001, écrasé sous le
poids du crime et du rôle qu’on lui a attribué.
Ce qui a survécu au lendemain de cet évènement, Ben Laden donc, n’aura été qu’un
personnage de fiction, une créature virtuelle au service de la narrative d’une
guerre éternelle voulue par un Système américaniste emporté par la dynamique
hystérique de sa propre désintégration.
Aujourd’hui, on a donc tué le fantôme de Ben Laden.
Soit.
Reste que la photo truquée qui a accompagné cette annonce aura tout dit de la
substance réelle de ce non-évènement.