Guerre contre l’Iran, épisode CXXV : et si on commençait au Liban…

Dans notre brève du 7 juillet dernier, nous avons parlé de l’énorme armada US qui, par le plus grand des hasards, se retrouvera à portée de tir de l’Iran en septembre prochain. Ceci en plus des préparatifs de guerre et autres déploiements sous-marins israéliens allant également dans le sens d’une attaque de la république des mollahs. Or voici qu’au Liban, pays-entonnoir de toutes les tensions moyen-orientales, des bruits de bottes se font également entendre avec, là aussi, le mois de septembre en ligne de mire.
La tension monte effectivement depuis des mois au Pays du Cèdre avec une régularité et un petit air de déjà-vu plutôt inquiétants.

Le précédent
En préambule et pour planter le décor, il faut rappeler que l’assassinat du premier ministre Rafik Hariri le 14 février 2005 avait, dans un premier temps, été imputé à la Syrie à une époque où les Américains voulaient chasser les Syriens du Liban. Et c’est précisément cette accusation et la résolution onusienne qui suivi qui forcèrent Damas à se retirer du Pays du Cèdre. Le 26 avril 2005, le dernier soldat syrien quittait ainsi le Liban après 30 ans de présence, libérant la voie à l’attaque israélienne qui devait survenir un an plus tard.
C’est qu’à cette époque, les néocons étasuniens préparaient l’avènement de leur « Nouveau Moyen-Orient » et il fallait faire place nette au Pays du Cèdre avant l’assaut israélien. Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine de l’époque, avait d’ailleurs affirmé que les pertes et les destructions au Liban représentaient « les douleurs de l’enfantement du nouveau Moyen-Orient » ? Comme on le sait, l’aventure n’a pas eu le succès escompté et les forces israéliennes, trop habituées à faire des cartons sur des enfants armés de frondes, ont finalement pris une raclée monumentale face aux combattants du Hezbollah que cette guerre devait écraser.

La nouvelle cible
Or aujourd’hui, le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), créé par l’ONU dont la commission d'enquête avait pourtant conclu à des « preuves convergentes » mettant en cause les Syriens, s’apprête à changer son fusil d’épaule et à accuser très opportunément cette fois des « membres indisciplinés » du parti chiite Hezbollah.
Hassan Nasrallah, secrétaire général du Parti, a immédiatement prévenu qu’un complot se tramait à nouveau contre le Liban et averti que le pays entrait dans « une phase délicate ». Son allié chrétien du Courant Patriotique Libre, le général Michel Aoun (dont l’alliance avec le Hezbollah représente, contrairement à la narrative de la presse-Pravda, la seule force véritablement indépendante et structurante du pays), n’a pas manqué non plus de suspecter une nouvelle machination.
En substance, le scénario redouté est désormais celui-ci : des troubles seraient « organisés » dès la publication de l’acte d’accusation du TSL, par exemple au travers d’attentats « sunnites » vengeurs contre des lieux de culte chiites au Liban Sud. Une fois le feu allumé, un bloc se formerait alors, alliant les milices sunnites de Hariri et consorts, ainsi que la milice chrétienne des Forces libanaises de Samir Geagea (servile boucher des basses œuvres américano-israéliennes tout au long de la guerre dite civile) et même certains groupes issus de camps palestiniens comme celui d’Aïn el-Héloué, près de Saïda (le président de l’AP Mahmoud Abbas a d’ailleurs déclaré récemment que  « l’automne serait chaud au Liban »).
L’objectif est de créer une situation qui, in fine, permette de prendre le Hezbollah en tenaille entre un front intérieur qui constituerait la mâchoire nord, et une nouvelle attaque israélienne d’envergure en guise de mâchoire sud.
Les stratèges US-raéliens craignent en effet qu’en cas d’attaque de l’Iran, Téhéran ne riposte notamment contre Israël au travers du Hezbollah qu’ils considèrent, à tort mais qui s’en soucie, comme une simple excroissance iranienne. Un tel scénario serait donc sensé permettre de neutraliser cette menace. Il s’agit là encore d’une erreur de calcul mais, là encore, qui s’en soucie…

Signe des temps
Encore une fois, on peut/doit bien sûr relativiser tous ces scénarios, toutes ces craintes en se disant que l’automne sera peut-être parfaitement paisible et que les bruits de bottes poursuivront leur valse hésitation.
Mais est-ce à dire que ces scénarios et ces craintes sont fantaisistes ? Certainement pas. Aujourd’hui, les scénarios de guerre les plus déraisonnables, les plus improbables ne sont plus réfutables a priori s’agissant des manœuvres du couple américano-israélien. Les Etats-Unis et l’excroissance israélienne, deux Etats imposteurs (*) par nature, sont en effet devenus au fil des ans une sorte d’entité bicéphale monstrueuse dont la structure
hyper-militarisée a fait de la guerre une raison d’être, ou à tout le moins un moyen d’être.
Au final une seule certitude : que nous vivons une époque où
l’agonie de la civilisation américaniste/occidentaliste rend tout et son contraire plausible, c'est-à-dire une époque totalement déstructurée aux commandes de laquelle flotte une élite versatile et vulgaire qui n’hésite pas à recourir à la force brute pour masquer la vacuité de sa pensée, son absence de vision ou de projet.
Je tue donc je suis : un ultime credo ?

(*) Selon nous, Israël n’est pas une nation. Elle n’est pas une construction héroïque adoubée par l’Histoire. A l’instar des Etats-Unis, l’Etat hébreu est une construction utilitaire, un conglomérat de groupes d’actionnaires établis par intérêt sur une terre volée au prix du meurtre de masse, de l’épuration ethnique et du pillage, avec le ciment à mesure. Sa naissance est artificielle, fruit déviant d’une opportunité surgie au croisement des intérêts de puissances occidentales tantôt motivées par des considérations stratégiques (USA-Russie), tantôt paralysées par le poids du crime (UE). Le tout, comme nous le savons aujourd’hui, sur fond de tricherie lors d’un vote manipulé à l’ONU par toutes sortes de pressions sur les petits pays clients de ces grandes puissances. L’Etat hébreu est donc un Etat artificiel par essence, agrégat de communautés divisées, rivales, que seule la guerre portée inlassablement vers l’extérieur empêche de s’entretuer. Avec le ciment à mesure donc.