Selon une étude de Me Elie Hatem, 

Dix ans d'un pouvoir illégal?

Après quinze ans d'une guerre présentée comme civile, la question de la légalité du pouvoir actuel reste en suspend tant au regard du droit national libanais que du droit international. Dans un examen de la situation juridique au Liban durant la période de transition qui marqua la fin de la guerre, Elie Hatem, professeur à l'Université de Boston, et Luc-Bertrand Manry, Avocat au Barreau de Paris, concluent à l'instauration d'un régime illégal imposé par la force. En substance, ils rappellent qu'en 1988, alors que la Syrie occupait le Liban et empêchait la tenue de l'élection présidentielle, le général Michel Aoun avait été nommé par le président Amine Gémayel à la tête d'un gouvernement intérimaire, cela conformément à la Constitution. Sous la pression de Damas, l'ex-premier ministre démissionnaire de Sélim el-Hoss avait toutefois poursuivit l'administration de l'Ouest sous contrôle syrien, pour faire croire à un conflit inter-libanais.

Concernant les Accords de Taëf, - Document d'entente nationale adopté en Arabie Séoudite et signé en 1989 au Liban par des députés dans une zone sous contrôle syrien -, sur lequel le pouvoir actuel fonde sa légalité, les juristes se montrent lapidaires. Primo, le Document prévoyait une révision constitutionnelle qui ne pouvait être adoptée en dehors du territoire libanais. Deuxio, la chambre des députés ne constituait qu'un collège électoral et non une assemblée délibérante depuis la vacante de la présidence. Tertio, la Chambre n'était pas investie constitutionnellement pour engager la volonté de l'Etat dans un Document ayant valeur de Traité. Enfin, les Accords de Taëf portant atteinte à la Souveraineté du Liban, le gouvernement légal du général Aoun avait prononcé la dissolution du Parlement pour "haute trahison" le 4 novembre, soit avant la signature du Traité. Sur la validité de cette dissolution, l'étude souligne toutefois que deux avis juridiques s'opposent.

Organisées dans des zones contrôlées par la Syrie, la désignation des présidents Moawad puis Haroui par cette Chambre, respectivement le 5 et le 22 novembre 1989, est également jugée anticonstitutionnelle dans l’édude, qui souligne qu’en conséquence, la nomination d'un premier ministre par un chef d'état dont la désignation est illégale, est entachée elle aussi d'illégalité.

L'étude ne porte pas au-delà des élections législatives de 1992 (13,78% de participation), mais conteste la validité d'un scrutin organisé dans un pays occupé et sous un régime dépourvu de légitimité et de légalité. Enfin, concernant la reconnaissance internationale de ce régime, les juristes évoquent la doctrine dite de Tobar pour souligner que, loin d'imposer une obligation de reconnaître, le droit international prévoit un devoir de ne pas reconnaître, en particulier en ce qui concerne les gouvernements instaurés par la force.

Aujourd’hui, après avoir modifié la loi électorale pour s’assurer l’élection automatique de députés prosyrien lors des législatives de l’an dernier, et alors que 20'000 soldats syriens tiennent toujours le pays, le régime Lahoud semble loin d’avoir tranché définitivement la question de sa légitimité au moins.

P.V.