L'ère de la prison intérieure

15/11/2011 Il y a quelque chose d’absolument fascinant à voir l’uniformité impeccable de l’information diffusée par la presse-Pravda sur la prétendue révolution syrienne. C'est-à-dire en deux mots, car il n’en faut pas plus, une opposition pacifique qui paie dans le sang sa sainte aspiration à la liberté face à un régime barbare. Un tour de force admirable au regard d’autres versions des faits  pourtant solidement étayées car, à ce jour, seuls les régimes soviet et chinois étaient parvenus à contrôler à ce point l’information destinée à la plèbe. Mais ils y étaient parvenus par la force et la menace, ce qui fait que même les individus servant leur machine de propagande pouvaient rester libres de leurs opinions, dans le secret de leur cœur au moins.

Un seul point de vue, une seule source douteuse
Il faut hélas convenir que la situation est bien pire dans le bloc américano-occidentaliste, fer de lance autoproclamé du Macdo-monde-libre. Car ici, point de commissaire politique dans les rédactions, point de menace de déportation vers le moindre goulag.
Ici, la sujétion à la voix du maître est consentie dans une perversion des valeurs si aboutie, si parachevée, si formidable que du petit tâcheron au grand éditorialiste, tous sont convaincus de participer au Grand Œuvre en luttant pour la bonne cause, le bien, la liberté, la démocratie et, bien sûr, la protection du fox à poil dur et de la baleine bleue.
La prison est intérieure donc, avec la démonstration de l’immense supériorité de la réalité virtuelle, c'est-à-dire de l’abrutissement consenti, sur la propagande.
Concrètement, les choses se passent assez simplement pour la Syrie. Une seule officine, le fameux OSDH, est devenue en quelques semaines l’unique source d’information pour l’entier des journaleux de la presse-Pravda du Bloc américano-occidentaliste. Or on ne sait à peu près rien sur l’OSDH. Officiellement, il s’agirait d’un seul type, Rami Abdel Rahmane, opposant de longue date au régime de Damas (bonjour l’objectivité), autoproclamé observateur syrien des droits de l’homme (ah, le poids des mots), basé à Londres, et qui saurait tout de ce qui se passe en Syrie grâce à son téléphone portable. Insistons au passage sur le fait que rien n’atteste en fait de son existence réelle et qu’en l’état de nos connaissances actuelles sur le bonhomme, il pourrait tout aussi bien être une pure création d’une officine spécialisée.

Oui, c’est court, très court, dramatiquement court. Et pourtant amplement suffisant pour les agences de presse et les TJ du monde entier.


Grosse fatigue

C’est que nous assistons à une formidable baisse d’exigences des tâcherons et grand éditorialistes de la presse-Pravda quant à la qualité des mensonges et des manipulations sensés justifier leur alignement sur les Macdo-Causes du Système, et leur assurer ainsi un minimum de confort psychologique.
En 1990 par exemple, lorsqu’il s’était agit
de rallier les opinions publiques occidentales aux frappes contre l'Irak, on avait au moins eu droit aux couveuses renversées au Koweit par les méchants soldats de Saddam.  Imaginez 312 couveuses jetées à terre avec des bébés agonisant à même le sol. Imaginez cette histoire relatée le 27 novembre 1990 au Conseil des Nations Unies, avec force témoignages, au cours d'une présentation audio-visuelle montée par la société Hill & Knowlton, leader international dans le domaine des relations publiques et des affaires publiques. Franchement, ça avait de la gueule.
En 1999
, le Système avait à nouveau soigné la chose pour ses «bombardements humanitaires» au Kosovo. Et puis, dès 2003 déjà, patatras, grosse baisse du «contrôle qualité» des montages avec la fable à peine tenable des ADM de Saddam, et un Colin Powell ridiculisé en agitant sa petite bouteille de talc devant le Conseil de sécurité. Et pourtant, on avait eu droit à la totale, y compris avec de formidables infographies en double page montrant les laboratoires chimiques mobiles de Saddam.
Depuis, exit la dentelle. Plus besoin de peaufiner. Le montage libyen, avec des bombardements aériens de population civile jamais étayés par la moindre preuve ; la source unique de l’OSDH dans l’affaire syrienne et l’amorce d’une réédition de la fable des ADM irakiennes, version iranienne et nucléaire cette fois, tout y passe et ont n’y met décidément même plus les formes, puisqu’elles ne sont plus nécessaires.
Psychologiquement épuisés ou simplement vaincus par la paresse, le conformisme ou le chèque de fin de mois, les tâcherons de la com’ du Système répercutent désormais absolument tout, comme un seul homme, dans une abdication aussi formidable que consentie de l’intelligence et de l’esprit critique qu’ils prétendent pourtant incarner.
Alors il faut chercher, éplucher, fouiller inlassablement pour dénicher, ici et là, les derniers esprits qui, noyés dans toute cette immense diarrhée médiatique, osent nous avouer à demi-mots, parfois même involontairement, qu’eux aussi lui trouvent tout de même un petit goût de merde.


PS en
trois constats
Premier constat :
Le Printemps arabe s’est arrêté Place Tahrir, au Caire. La Libye et la Syrie ne sont que des opérations de regime-change du Bloc atlantiste qui a d’ailleurs efficacement contribué à mater dans le sang les mouvements de révoltes dans le Golfe, en particulier à Barhrein, où est stationnée la Vème Flotte US.
Deuxième constat :
L’alignement sans condition de la presse-Pravda sur les montages du Système a achevé de la discréditer. Il confirme, ce faisant, la suprématie désormais avérée d’internet sur les médias traditionnels comme source d’information. L’argument longtemps asséné d’une presse de professionnels vérifiant l’information, par opposition à un internet où l’on trouve tout et son contraire, n’est plus recevable, l’affaire de l’OSDH en est la preuve éclatante.
Troisième constat:
L'effondrement de la crédibilité de la presse-Système fait très logiquement écho à celui des dirigeants de ce même Système.