Mission effectuée au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au Turkménistan
FRANCOIS-PONCET (Jean) ; FRANÇOIS (Philippe) ; MINETTI (Louis) ; BARRAUX (Bernard) ; BÉCOT (Michel) ; BOYER (Jean) ; BRAUN (Gérard) ; COURTEAU (Roland) ; FATOUS (Léon)
Extrait RAPPORT D'INFORMATION 412 (97-98) -
COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES
I. LES HANDICAPS ET LES ALÉAS
La politique de stabilité et de coopération du Président
Niazov se heurte à de nombreux handicaps et aléas.
A. DES RICHESSES NATURELLES DIFFICILES Á VALORISER
Le Turkménistan est confronté à deux difficultés majeures dans la valorisation de ses ressources de gaz et de pétrole. Il s'agit, d'une part, de la mauvaise solvabilité de ses clients qui ont été jusqu'au début de l'année 1997 constitués surtout des pays de la zone CEI ; d'autre part, cet Etat souffre d'un enclavement géographique.
1. La contrainte des débouchés
La définition des voies et des modalités d'acheminement des hydrocarbures de cette région constitue, aujourd'hui, le préalable indispensable à la mobilisation effective des investissements privés dans le domaine de l'exploration-production. De plus, les problèmes posés par le développement de nouveaux conduits apparaissent, à bien des égards, comme étant autant de nature stratégique que financière.
a) L'exportation du gaz turkmène
Le Turkménistan est aujourd'hui le pays le plus
concerné par la problématique de l'écoulement gazier. Cet Etat a trois objectifs
: réduire sa dépendance à l'égard du réseau de " pipes " russes, assurer le
paiement de ses livraisons de gaz dans de meilleurs délais, enfin, trouver des
investisseurs étrangers pour les projets de production.
Les gazoducs existants évacuent le gaz turkmène vers la Russie via l'Ouzbékistan
et le Kazakhstan. Le gaz est ensuite redistribué vers des pays où il n'est pas
en compétition avec le gaz russe (Ukraine et Caucase pour l'essentiel), les
autorités russes ayant en novembre 1993 mis un terme à la possibilité pour le
Turkménistan de livrer du gaz à l'Europe via le réseau Gazprom (11 milliards de
m3/an). Plus précisément, les routes d'évacuation actuelles passent par le Nord
le long de la mer Caspienne (Turkménistan-Kazakhstan-Russie), et par le
Nord-Ouest (Chardhzou-Ouzbékistan-Kazakhstan-Russie), les deux lignes se
rejoignant à Beyneu (Kazakhstan), au Sud-Est de Tenguiz.
Le Turkménistan avait passé un accord avec Gazprom, en novembre 1995, permettant
la commercialisation de 48 milliards de m3 par an. Lassé de ne plus être payé,
il ne fournit plus de gaz depuis mars 1997. Le pays recherche donc activement
des itinéraires autres que la voie russe pour exporter vers des nations à
devises fortes.
Quatre projets d'acheminement sont actuellement
à l'étude, soulevant chacun, à l'instar des
routes de désenclavement du pétrole kazakh, des
difficultés d'ordre politique, juridique et technique.
- La route de l'Est (Chine-Mer Jaune)
La construction d'un gazoduc de 6.700 km traversant le Kazakhstan et la Chine
jusqu'en mer Jaune est envisagée, le Turkménistan étant déjà relié au Kazakhstan
par le gazoduc Turkmenbashi-Beyneu. L'étude de faisabilité serait menée par
Mitsubishi, Exxon (via Esso China Inc.) et CNPC (China National Petroleum
Company). Il est à noter, par ailleurs, que la Russie et la Chine prévoient
elles-aussi, la construction d'un gazoduc de 3.000 km à partir du champ de
Kovyktin pour desservir la région de Pékin.
- La route du Sud-est (Turkménistan - Pakistan)
La construction d'un gazoduc de 1.900 km à travers le Turkménistan,
l'Afghanistan et le Pakistan est actuellement étudiée par les sociétés Unocal,
Delta, Gazprom et Turkmenrosgaz. Les pourparlers sont déjà très engagés avec la
signature du premier accord entre le Turkménistan, Unocal et Delta en octobre
1995, celle d'un protocole d'accord entre le Turkménistan, l'Afghanistan et le
Pakistan en mai 1996, suivi d'un protocole d'accord entre le Turkménistan,
l'Afghanistan, le Pakistan, Unocal et Delta en 1997. Le coût du projet est
évalué à 2,5 milliards de dollars.
- La route de l'Ouest
(Turkménistan-Azerbaïdjan)
La construction d'un " pipe " (gazoduc/oléoduc) sous-marin reliant Turkmenbashi
à Bakou permettrait d'évacuer le gaz turkmène via le gazoduc existant
Bakou-Soupsa. Une option serait de relier les champs gaziers de l'Est, tels que
Chardhzou, à Turkmenbashi.
- La route du Sud-ouest (Turkménistan-Turquie)
Un protocole d'accord entre le Turkménistan, l'Iran et la Turquie sur la
création d'un gazoduc vers la Méditerranée a été signé le 28 décembre 1996,
suivi d'un deuxième protocole d'accord conclu le 14 mai 1997. Estimé à 190
millions de dollars, le projet connecterait les gazoducs turkmènes et turc
existants au réseau iranien pour obtenir une ligne
Ekarem-Neka-Tabriz-Erzurum-Ankara. La partie Neka-Tabriz existe, la partie
Ekarem-Neka est en construction, et le tronçon Tabriz-Erzurum-Ankara est
envisagé. Une variante à ce projet consisterait à relier Tabriz à Ceyhan par une
ligne sud Ekarem-Neka-Tabriz-Midyat-Ceyhan. Une deuxième connection
Turkménistan-Iran est également envisagée, qui relierait Chardhzou, dans l'Est
turkmène, au gazoduc existant dans le Nord-Est de l'Iran (ligne Neka-Meched).
Trois accords principaux ont été signés au cours
de la période récente pour des champs situés dans l'Ouest du pays.
- Le projet Nebitdag associe Monument, Mobil et
le Turkménistan. Cet accord prévoit
l'exploration d'une zone de 2.000 km² onshore et le développement de cinq champs
gaziers et pétroliers, notamment Nebitdag, Burun et Kyzyl-Kum à l'Ouest du pays.
Après le protocole d'accord signé en 1996, par lequel Monument s'engageait à
investir 50 millions de dollars sur 5 ans (coût total de la campagne sismique
évalué à 300 millions de dollars), Mobil a rejoint le Britannique en février
1997. Le même mois, la zone d'exploration onshore a été étendue à 18.000 km²
avec des droits exclusifs accordés à Monument et à Mobil.
- Le projet Petronas Carigali (Malaisie)
concerne, d'une part, l'exploitation des champs pétroliers de Livnacvna et
Esenov et des champs gaziers de Barinova, Livanova et Gubkina au large de
Chekelen. Le forage a débuté en août 1997 sur une surface de 1.467 km².
- Le projet Larmag Cheleken
a trait à l'exploitation du champ pétrolier offshore de Cheleken. Les
partenaires sont Dragon Oil (enregistrée en Irlande mais dont l'actionnaire
majoritaire est Sinoil Philippines, filiales de Sinophil corp. HK) qui a formé
avec le Hollandais Larmag une joint venture (JV) ayant 45 % des parts, le
gouvernement turkmène (50 %) et Chelekenmorneftegaz (5 %). Le contrat, signé dès
1991 pour une durée de 25 ans, est renouvelable 10 ans à la discrétion de la JV.
Un partage de la production existante à 50/50 entre la JV et le Gouvernement
turkmène est prévu. La production dans d'autres zones à partir de puits
existants sera partagée à 50/50 et la production issue de nouveaux puits
appartiendra à 100 % à la JV. L'entrée de Cheklenmorneftegaz à hauteur de 5 % en
1997 ne bouleverse pas le partage de production initialement établi entre
Achkhabad et la JV. La production maximale visée est de 85.000 b/j contre 8.000
b/j actuellement. Lamarg a investi 90 millions de dollars cumulés depuis la
signature de l'accord.
Par ailleurs, la société saoudienne Delta et Petronas, compagnie malaisienne ont
signé avec le Turkménistan un accord d'exploitation offshore de pétrole et de
gaz, dont elle sont les seuls opérateurs.
Les difficultés du Turkménistan à trouver des clients solvables et son
enclavement sont autant de contraintes qui pèsent sur les négociations autour de
multiples projets.
b) L'exportation du pétrole turkmène
L'exportation du pétrole turkmène situé à l'Ouest du
pays (offshore comme onshore)
s'inscrit dans le cadre plus large de l'acheminement
depuis les grands gisements azéris et kazakhs.
En effet, les projets de routes vers le Sud et l'Ouest reliant le Kazakhstan à
l'Azerbaïdjan passent à proximité des zones d'exploitation turkmènes (presqu'île
de Cheleken notamment). A l'Est du Turkménistan, la route actuelle passe par le
Nord, de Chardhzou à Pavlodar, d'où le brut poursuit sa route vers la Russie. De
son côté, le pétrole de l'Ouest turkmène est actuellement évacué par rail vers
le pipe de Chardhzou.
A ce jour, trois projets principaux sont pris en
compte par les acteurs internationaux :
- La Route de l'Est et du Sud-est (Turkménistan
- Pakistan) -Central Asian Oil Pipeline (CAOP)-
avec la construction d'un oléoduc parallèle au grand projet de gazoduc
Turkménistan-Pakistan. Long de 1.700 km, l'oléoduc serait connecté à Chardhzou
au réseau existant (ligne Chardhzou-Pavlodar) pour aboutir à un terminal
offshore qui serait construit près de Gwadar (Pakistan). Les partenaires sont
Unocal, Delta, Gazprom et Turkmenrosgaz [joint venture regroupant Gazprom (44
%), le gouvernement turkmène (51 %) et l'Américain Itera (5 %)]. La signature du
premier accord entre le Turkménistan, Unocal et Delta a eu lieu en octobre 1995,
suivi d'un second protocole d'accord entre le Turkménistan, l'Afghanistan et le
Pakistan pour l'oléoduc. Sa capacité serait de 1 million b/j. Le coût du projet
est évalué à près de 3 milliards de dollars.
- La route de l'Ouest (Turkménistan-Azerbaïdjan)
avec la construction d'un " pipe " (oléoduc/gazoduc)
reliant Turkmenbashi à Bakou sous la Caspienne. Cette route sous-marine
aboutirait à l'oléoduc principal qui devrait se construire au départ de Bakou
(vers Batoumi/Soupsa et/ou Novorossisk).
- La route du Sud-Ouest (Turkménistan - Turquie)
: un mémorandum a été signé le 28 décembre 1996 par
le Turkménistan, l'Iran et la Turquie, portant sur la création d'un oléoduc vers
la Méditerranée. Il a été suivi d'un protocole d'accord intervenu le 14 mai
1997.