l’american dream est soluble dans les sucs gastriques
13/08/2010 « Dis-moi ce que tu manges et
je te dirai qui tu es.» ; « On est ce
que l’on mange. » Les proverbes et autres adages concernant le rapport
intime entre l’homme et la nourriture sont légion. Et si l’on admet un lien
entre la richesse culturelle d’une nation et la qualité de sa gastronomie, il
n’est pas absurde d’envisager qu’à l’inverse, la piètre qualité d’une
nourriture, lorsqu’elle résulte d’un choix de société et non pas de contraintes
économiques, peut aussi témoigner du caractère faussaire de l’Etat qui la
produit, ou être le reflet de sa décadence.
Dans le cas américain qui nous occupe, la contamination de l’industrie
agro-alimentaire par toutes les tares du Système (maximalisation des profits, machinisme, technologisme) abouti
désormais à une situation exemplaire où la nourriture produite est désormais
tout simplement nocive, lorsqu’elle n’est pas carrément toxique.
C’est une amie américaine habitant près de Dallas qui a attiré notre attention
sur l’ampleur du désastre en la matière, en nous faisant le récit stupéfiant cet
été de ses difficultés à nourrir convenablement ses deux garçons et son mari.
Et de nous décrire par le menu comment les cafétérias des écoles américaines
éduquent au pire en favorisant la consommation de produits frits, grillés,
sur-gras, sur-salés, sur-sucrés, colorés et bourrés d’adjuvants, et cela tout en
suivant les prescriptions du département US concerné pour lequel frites et
ketchup sont très officiellement… des légumes. Un exposé assez sidérant au terme
duquel elle nous a invités à l’urgente vision du documentaire « Food
Inc. », de Robert Kenner.
« Food Inc. »
fait l’état de lieux de l’industrie
agro-alimentaire US. C’est un uppercut
d’autant plus violent qu’il se contente d’exposer froidement des faits, la
situation d’une industrie alimentaire devenue folle, qui ne voit plus dans les
animaux, et le vivant en général, qu’un agglomérat de composants chimiques
transformables, manipulables, commercialisables. En résulte un système de
production malsain et cruel tant pour les animaux que pour les hommes, et
produisant une nourriture malsaine.
Pour ceux qui n’auraient pas l’opportunité de se procurer ce documentaire, l’on
y découvre dans les grandes lignes :
-
L’élevage du poulet dans le noir à coups
d’hormones qui divisent par deux leur temps de croissance. Ce qui fait que leur
squelette reste atrophié et incapable de supporter leur poids, provoquant de
terribles souffrances chez ces animaux et accessoirement une chair bourrée de
bactéries. A noter que ces méthodes de production sont imposées à des
agriculteurs prisonniers de dettes artificiellement entretenues.
-
L’on y découvre aussi l’élevage
industriel de bœuf nourri au maïs subventionné, ce qui développe chez ces
herbivores dont l’estomac n’est pas adapté à cette nourriture des bactéries
potentiellement mortelles pour l’homme, d’où la nécessité de « laver » ensuite
la viande à l’ammoniac avant de la vendre (70% des hamburgers US) ;
-
L’on y découvre ensuite l’élevage
mécanisé du porc, et notamment des conditions d’abattage révoltantes.
-
L’on y découvre encore la guerre
impitoyable que livre
Monsanto
aux céréaliers US, à coup de procès
ruineux et de manœuvres d’intimidation de ses enquêteurs privés, pour imposer
partout ses semences
OGM.
-
L’on y découvre enfin que toute cette
malbouffe foudroie parfois lorsqu’une bactérie survit à l’ammoniac, mais qu’elle
fait surtout son œuvre mortifère en silence en faisant exploser le nombre
d’obèses et/ou de diabétiques.
-
Et
bien sûr l’on y découvre, vieille histoire, que tout cela est rendu
possible par la puissance d’un lobby infiltré jusque dans les plus hautes
sphères du pouvoir washingtonien.
Bref, on ressort de ce film à la fois stupéfait, horrifié et incrédule. Et avec
une question lancinante à l’esprit: « Comment
est-il possible d’en arriver là ? »
Et puis l’on se dit finalement, à observer la marche du Système américaniste et
de son
idéologie nihiliste, qu’il était
en fait impossible de ne pas en arriver là.