L’huile du TSL sur la braise libanaise

05/07/2011 

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à la bergère

Décidément, les vertueuses manœuvres  occidentales aux Pays du Cèdre signifient toujours davantage de tensions, davantage de confusion, davantage de désordre.
Comme prévu, le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), créé sous l'égide de l'ONU, a donc officiellement accusé 4 membres du Hezbollah de l’assassinat du premier ministre libanais Rafik Hariri en 2005. Comme prévu, le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a aussitôt
balayé l’acte d’accusation d’un revers de la main, dénonçant une enquête «truquée» par des enquêteurs «corrompus» au sein d’un TSL qualifié d’instrument téléguidé par Washington et Tel-Aviv.
La tension est donc immédiatement remontée d’un cran entre l’opposition pro-occidentale dite du «14 mars», et le gouvernement qui vient d’être mis sur pied après 5 mois de crise, et qui est dominé aujourd’hui par l’alliance CPL-Hezbollah notamment. Retour du désordre donc, grâce à l’action du TSL, dans un Liban entonnoir historique de toutes les crises régionales.


Crédibilité douteuse
Evidemment, vu d’Occident, Hassan Nasrallah et le Hezbollah sont coupables par nature et le TSL forcément vertueux. Pourtant, force est de constater que ledit TSL a navigué en eau trouble dès ses origines.
Dans un premier temps en effet, une commission d’enquête de l’ONU a conclu à des «preuves convergentes» impliquant la Syrie dans l’assassinat de Rafik Hariri, le 14 février 2005.
Et c’est précisément cette accusation et la résolution onusienne qui suivi qui forcèrent Damas à se retirer du Pays du Cèdre. Le 26 avril 2005, le dernier soldat syrien quittait ainsi le Liban après 30 ans de présence. Les mauvaises langues, dont nous sommes évidemment, ont noté que la voie avait ainsi été libérée pour l’attaque israélienne qui allait survenir un an plus tard. Attaque dont l’objectif était précisément d’en finir avec… le Hezbollah, mais attaque impossible tant que le Liban était occupé par les soldats syriens(1).
Difficile donc de soutenir sérieusement à ce stade que l’assassinat d’Hariri ait profité à la Syrie ou au Hezbollah.

Une piste israélienne restée interdite
Autre problème dans l’enquête reprise ensuite sous l’égide du TSL: son désintérêt manifeste pour toute autre piste que celle du Hezbollah, et notamment pour une piste israélienne apparemment interdite aux enquêteurs alors même qu’au Liban, les barbouzes de l’Etat hébreu officient impunément depuis des lustres.
Le 9 août 2010, le chef du Hezbollah a bien tenté de gripper la machine en donnant des indices sérieux sur l’éventuelle implication de l’Etat hébreu dans l’affaire justement, mais qui semblent ne pas avoir intéressé outre-mesure les enquêteurs du TSL.
Enfin, que dire du travail de ce TSL qui a multiplié les vices de procédures  avec une succession de fuites orchestrées dans de si larges proportions que l’acte d’accusation d’aujourd’hui ne fait que confirmer les informations diffusées par Der Spiegel il y a…. deux ans déjà.
Partant, on ne sait donc pas trop ce qu’on fait les enquêteurs du TSL ces deux dernières années, mais on sait en revanche ce qu’ils n’ont pas fait : explorer toute autre piste, israélienne par exemple.
En fait, le déroulé de l’enquête montre que le TSL est donc bel et bien un instrument politisé puisqu’il a instruit à charge uniquement contre un Hezbollah qui, dès le début de l’enquête, aura été pour lui non pas un suspect, mais une cible.

Juste un peu plus de désordre
Au final, l’action du TSL ne fait ainsi qu’ajouter du désordre au désordre dans un pays pris aujourd’hui dans l’étau de la crise syrienne et de la peur-panique d’Israéliens prêts à allumer n’importe quel contre-feu régional pour empêcher l’éventuelle reconnaissance de l’Etat palestinien en septembre à l’ONU.
Un pays où, au demeurant, plus d’une vingtaine d’autres assassinats politiques ont été perpétrés depuis celui de Rafik Hariri, sans qu’aucun, jamais, ne soit élucidé. Or l’assassinat de Rafik Hariri a constitué un crime ni plus ni moins grave que n’importe lequel de ces meurtres.
Surtout, il a été ni plus ni moins grave que n’importe laquelle des atrocités commises tout au long de la guerre dite civile, et pour lesquelles une amnistie générale a balayé tout espoir de justice pour des milliers de Libanais.
Alors pourquoi une résolution onusienne dans ce cas, pourquoi un TSL pour M. Hariri en particulier, si ce n’est en raison des arrière-pensées de ses commanditaires ?
Dans ce Liban qui n’a jamais entrepris de travail de mémoire, le seul TSL qui se serait vraiment imposé, c’est un Tribunal Vérité et Réconciliation qui puisse permettre aux Libanais de réaliser leur deuil pour l’ensemble des atrocités commises par les milices notamment. Mais pour cela évidemment, il faudrait que ce soit bien la stabilité, la justice et la paix que l’on recherche vraiment pour le Pays du Cèdre. Ce qui n’est à l’évidence pas le souci des marionnettistes du TSL actuel.

Incendie circonscrit
Pour l’heure heureusement, hormis les gesticulations habituelles des éditorialistes du 14 mars, l’acte d’accusation est pour ainsi dire un non-évènement au Liban, étant entendu que sa teneur en était connue depuis 2 ans.
Figure de proue de l’opposition, le petit Saad Hariri est pour sa part réfugié à Paris semble-t-il, réduit à l’impuissance dans une bulle parano-sécuritaire où on lui fait croire, via des messages en provenance du Golfe, que sa vie est menacée.
Quant aux agitateurs habituels du mouvement, ils sont pour leur part sous surveillance à la fois de l’armée, avec laquelle ils sont un fameux contentieux, et du Hezbollah. Le souvenir de mai 2008 est par ailleurs là pour leur rappeler qu’à la moindre initiative armée, ils seront neutralisés en 3 heures(2).
Pour l’instant donc, l’incendie que voulait (r)allumer les marionnettistes du TSL semble circonscrit.

(1) C’est qu’à l’époque, les néocons étasuniens préparaient l’avènement de leur «Nouveau Moyen-Orient», et il fallait donc faire place nette au Pays du Cèdre avant l’assaut israélien, dont l’objectif était précisément d’écraser le Hezbollah pour asseoir définitivement l’influence occidental au Pays du Cèdre. Durant la guerre israélienne de 2006, Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine de l’époque, avait d’ailleurs affirmé que les pertes et les destructions au Liban représentaient « les douleurs de l’enfantement du nouveau Moyen-Orient » (SIC). Comme on le sait, l’aventure n’a pas eu le succès escompté et les forces israéliennes, sans doute trop habituées à faire des cartons sur des gamins armés de frondes, ont finalement pris une raclée monumentale face aux combattants du Hezbollah. Mais l’objectif US-raélien d’élimination du Hezbollah est resté.

(2) Saad Hariri avait fait venir 1000 combattants du Akkar dans la perspective d’une confrontation avec le Hezbollah. Ils furent neutralisés en 3 heures.