Ukraine, la crise (d’hystérie) de trop ?
18/03/2014 Le Bloc atlantiste nous a habitués depuis longtemps à
camoufler ses petites et grosses boucheries stratégiques sous des océans
de vertu outragée. Dressé sur ses ergots, il a ainsi torturé l’Irak pour
sauver les Irakiens ; saccagé l’Afghanistan pour sauver les Afghans,
dévasté la Libye pour sauver les Libyens ; ruiné la Syrie pour sauver
les Syriens etc… Sauf qu’à force de prétendre œuvrer pour éclairer le
monde de sa lumière forcément divine, il s’est enfermé peu à peu dans un
messianisme politique radical dont il ne contrôle plus la dynamique.
Prisonnier de ses «grands principes» supposés; encagé dans son
illumination permanente, il se retrouve aujourd’hui incapable de freiner
la surenchère que lui impose sa posture dans une crise Ukrainienne qui
pourrait bien être la crise de trop.
Le coup d’Etat mené à Kiev par le Bloc atlantiste pourrait donc bien
avoir été le coup de trop. Alors que,
off record, les derniers
politiciens européens éclairés paniquent déjà à l’idée du saccage et du
danger formidables que représenterait une détérioration trop forte des
relations avec la Russie, personne ne semble en mesure de bloquer une
mécanique qui a échappé à tout contrôle.
Pour l’heure, les sanctions prises sont bien sûr ridicules dans leur
portée réelle pour la Russie. Et tout le monde le sait. Mais après tant
de vociférations, de cris d’orfraie, tant de menaces, tant de vertu
outragée, comment le Bloc pourrait-il faire marche arrière désormais,
inverser la vapeur, calmer le jeu ?
Les Etats-Unis, véritable ennemi
de l’UE
De leurs côtés, les Etats-Unis ne partagent pas tout à fait les
mêmes angoisses que leurs laquais européens. Et pour cause : ce sont les
Européens qu’ils envoient à la casse.
C’est que cette crise sert l’un des objectifs principaux de la stratégie
de domination US, dont l’un des piliers a toujours été d’empêcher tout
rapprochement significatif entre l’Europe et la Russie. Car les
Etats-Unis savent que si un tel rapprochement, pourtant logique et
naturel, devait s’opérer un jour, ils auraient définitivement perdu le
contrôle du continent eurasien, et s’en serait fini de leur hégémonie.
Voilà pourquoi les Etats-Unis mettent tant d’énergie à semer la discorde
entre Bruxelles et Moscou ; voilà pourquoi ils ont mis tant d’énergie à
diaboliser Poutine, à construire de toutes pièces une nouvelle guerre
froide, notamment avec
leur projet de bouclier anti-missile.
Drogués par la propagande hollywoodienne; prisonniers de leur
fascination imbécile pour un «grand frère étasunien» qui n’a jamais
existé que sur les écrans du soft
power, les Européens sont tout simplement incapables de prendre
conscience de ce double-jeu. Pourtant, comme dit le philosophe, les
Etats étant, à l’état de nature, des monstres froids, les Etats-Unis
n’hésiteraient pas deux secondes à plonger l’Europe dans la guerre et la
désolation si cela pouvait servir leurs intérêts.
Aujourd’hui, le lien transatlantique représente ainsi pour l’Europe la
pire des escroqueries, le plus terrible des malentendus que cautionne
une élite européenne de technocrates totalement coupée des réalités du
monde. D’où cet apparence d’union sacrée du Bloc atlantiste dans sa
surenchère messianique.
Une crise pour les gouverner
toutes
Cela dit, les Etats-Unis se font des illusions s’ils croient pouvoir
sortir indemnes de la passe d’armes à laquelle
ils poussent les Européens
face à la Russie.
Car si des sanctions économiques réelles devaient être finalement prises
contre la Russie, les conséquences seraient immédiatement
catastrophiques en cas de riposte de Moscou. L’Allemagne plongerait la
première dans la crise du fait de sa dépendance au gaz russe; suivie de
près du Royaume-Uni après l’éclatement d’une City qui ne pourrait, elle,
survivre au retrait brutal des capitaux des oligarques russes. Sans
parler de la possibilité que la Russie a de
renoncer au dollar
le cas échéant. La Russie n’a que
l’embarras du choix pour riposter
si elle le désire.
A terme, cette montée aux extrêmes ne manquerait pas de provoquer un
séisme économique d’une amplitude inégalée à ce jour à l’échelle
planétaire.
Et puis après, quoi ?
On en vient aux mains? Aux ogives ? Pour savoir qui a la plus grosse ?
Pour l’heure, les jeux sont faits en Ukraine.
La Crimée est
revenue dans le giron russe
mais, sous l’impulsion étasunienne, le Bloc atlantiste reste prisonnier
de sa narrative, de son illumination, de sa vertu outragée.
Et l’on peut bien sûr compter sur la presse-Système et tous ses
pisse-copies embedded en mal
de «Guerre d’Espagne» pour jeter de l’huile sur le feu, pour critiquer
la mollesse de l’Europe le cas échéant et, à coup d’éditos dégoulinants
de vertu, appeler in fine à
la guerre.
Désormais, le seul qui pourrait désamorcer la bombe, c’est encore
Vladimir Poutine qui, en bon joueur d’échecs, pourrait chercher à offrir
une porte de sortie aux Occidentaux, comme il l’avait déjà fait
en septembre 2013
pour Obama dans la crise syrienne.
Et c’est, semble-t-il, ce qu’il est
en train de faire.
Reste à savoir si le Bloc saisira la balle au bond.
Sans quoi, la montée aux extrêmes qui s’annonce pourrait bien faire de
la crise ukrainienne la crise de trop, la crise ultime pour le Système.
Publié par
entrefilets.com
le mardi 18 mars 2014 à 18h..