2012 : vers l’impasse salvatrice

 21/12/2011 A la fin 2010, nous avions estimé que l’année écoulée avait été celle de la montée en puissance d’un désordre plein d’espérance.  2011 aura confirmé et amplifié la tendance, poussant le Système conduit par le Bloc américano-occidental dans ses derniers retranchements.
Crise de la dette ; crise financière ; crises climatique, énergétique et environnementale ; débâcles militaires en Irak et en Afghanistan ;  irakisation de la Libye , crise iranienne ; crise en Palestine ; crise en Syrie, cyber-insurrection ; émeutes et contestation des Indignés : les crises s’accumulent, se conjuguent et s’amplifient dans une accélération phénoménale de l’immense
crise générale de notre Système.

La fin du mythe
Même la réalité virtuelle du Système, c'est-à-dire
la vertueuse narrative servant d’écran de fumée à la l’occidentalisation violente du monde (1), est venue se fracasser sur les arêtes de la réalité. Plus personne n’y croit. Ni dans les chancelleries ni dans les rues ni même dans les salles de rédaction de plus en plus fatiguées de la presse-Pravda.
Et lorsque les principaux lieutenants du Système tentent encore d’en faire l’apologie, c’est n’est même plus l’agacement qui domine, mais bien plutôt la lassitude ou la nausée.
Ainsi en va-t-il lorsqu’un Rasmussen, tueur en chef du Système, proclame refermer une «glorieuse page de l’histoire de l’OTAN» (sic) en quittant une Libye dévastée et livrée clés en mains aux bandes armées ?
Ainsi en va-t-il lorsqu’un Glamour-BHO célèbre la «réussite extraordinaire des Américains» (sic) en Irak, où le Système a massacré plus d’un million et demi de personnes, laissant un pays dévasté et en voie d’éclatement sous la poussée d’une guerre civile de basse intensité.
Sur les écrans cathodiques sensés faire la promotion du Système et de ses vertueuses actions, les Rasmussen, Obama et consorts ressemblent désormais à des acteurs de sitcoms dont l’énormité bouffonne des textes rend leur posture martiale du dernier ridicule.
La mayonnaise ne prend plus.
Le mythe de la démocratie-libérale supposée marquer la fin de l’Histoire, par incorporation de l’humanité dans une multinationale joyeuse et prospère, s’est effondré.
Ne reste que le grotesque et le chaos, avec la perspective de davantage de chaos encore.

De l’ivresse de la puissance à l’autodestruction
Bâti sur l’idéal de la puissance et le déchaînement de la matière, encagé dans sa dynamique conquérante et mortifère, le Système a déployé sa toxicité dans toutes ses zones d’influence, laissant la bride sur le cou aux spéculateurs, aux Banksters et aux multinationales. Résultat : son prétendu «miracle capitaliste» n’aura pas duré au-delà des 30 Glorieuses avant de déployer les véritables effets : meurtre de l’environnement ; marchandisation du vivant ; asservissement des peuples ; néo-esclavagisme ; paupérisation galopante ; impasse à tous les étages.
Ecoutons le poète suisse Maurice Chappaz, dans une lettre à un ami datée de mai 68 :
«J’ai localisé le pouvoir réel, brutal dans l’économie et vu les velléités, les complicités, les mensonges, le blanc qui devient noir dans les partis politiques, tous les partis. Et le social a comporté pour moi un élément de dégoût que tu ne peux imaginer : le nazisme. Le commercial totalitaire le ressuce en lui : cette tuerie d’arbres, de phoques, cet empoisonnement de l’air, des eaux, ces massacres divers et cette propagande, cette réclame pour l’englobant industriel, le « progrès » carrément détachés de l’humain. Les vrais parasites modernes ne sont pas les clochards, les beatniks, mais justement les activistes de la construction inutile, du gaspillage des sources et des ressources, spéculateurs, menteurs en tous produits et appétits.»
Or l’immense débauche d’énergie nécessaire à la propagation de ce qu’il faut bien appeler une «contre-civilisation», a conduit le Système à l’épuisement.
Qu’ils soient dédiés au climat, à sauver le Fox à poil dur ou la zone euro, tous les Sommets du Système partent en sucette.
Et la sempiternelle «photo de famille» ne fait même plus rire.
Une dynamique d’autodestruction irréversible s’est mise en marche, presque naturellement, tant elle est l’aboutissement logique d’un modèle fondé sur la violence et la prédation ; d’un modèle dépourvu d’ambition haute, ne proposant pour tout Sublime que la possession compulsive et les pauvres jouissances offertes par la technologie, seul domaine dans lequel le Système est effectivement capable de proposer un progrès, mais un progrès détaché de l’humain donc.


Rejet global
Aujourd’hui ce Système n’est plus seulement un hyper-Titanic embroché sur mille icebergs à la fois – et dont la poussée constante de moteurs emballés ne fait qu’élargir toutes les brèches–, mais un hyper-Titanic que plus personne ne veut vraiment sauver, hormis sa commanderie et ses éditorialistes les plus hystériques.
C’est ce que nous avons constaté avec le
rejet du modèle occidental dans les votations issues du printemps arabe par exemple.
Ecoutons à ce propos le nouveau Président tunisien, Moncef Marzouki : « Imaginez des mafieux de la Côte d’Azur ou Mesrine à l’Élysée: c’était ça, la Tunisie de Ben Ali, que les grandes puissances [le Système donc] présentaient comme le sauveur de la démocratie… (…) Tous les régimes dictatoriaux du monde arabe avaient besoin de la légitimation du monde occidental pour exister. Ne serait-ce que parce qu’ils avaient planqué leur fric là-bas. Moi, je n’ai aucun compte en Suisse ou en France. Je suis désormais le président indépendant d’un pays indépendant. L’esprit colonial, c’est terminé.»
Le rejet du Système, nous le constatons aussi dans la fronde grandissante des pays émergeants en général, et du BRICs en particulier.
Nous le constatons encore dans l’insondable lassitude des fourmis ouvrières du Système qui, de vagues de suicides en délocalisations forcées, ont bien compris de quoi seraient fait tous les lendemains de leur vie, et même ceux de leur retraite désormais.
Nous le constatons enfin dans l’ampleur et la détermination de tous les Indignés de la Terre qui réclament haut et fort la fin du Système justement.

Dérive totalitaire
Or nous observons une fois de plus que, poussé dans ses derniers retranchements, le Système révèle sa vraie nature, qui est totalitaire. Déjà, aux Etats-Unis, matrice du Système, le masque de vertu se craquèle sous la pression du peuple, et la dérive totalitaire pointe son nez face au mouvement Occupy Wall Street.  Une nouvelle loi vient d’ailleurs d’être votée qui autorise aujourd’hui l’armée US à détenir désormais sans procès toute personne soupçonnée de représenter une menace pour les Etats-Unis. Sans parler d’une offensive législative en préparation aux Etats-Unis qui fournira des outils permettant la censure et la fermeture de sites, Internet étant de plus en plus perçu par le Système, à juste titre d’ailleurs, comme une menace (on s’active sur le sujet en France aussi).
Dans la phase ultime d’effondrement du Système, dont le coup d’envoi sera dans doute donné par l’effondrement des Etats-Unis eux-mêmes (>>), la dérive totalitaire sera, à n’en pas douter, l’un des principaux défis auxquels les peuples devront faire face.

2012, année de la tension maximum
Sans présager de ce qu’il adviendra en 2012, on constatera simplement ceci :
- L’an prochain, une série de présidentielles cruciales pour le Système (USA, France, Chine, Russie notamment) viendra ajouter au désordre grandissant son lot de
tiraillements, de magouilles et de pression supplémentaires.
-L’an prochain, le grand chambardement en cours au Moyen-Orient continuera à délivrer son lot de secousses avec, peut-être, une émancipation définitive de l’Egypte du carcan américaniste et, il faut l’espérer, l’échec de la tentative de déstabilisation de la Syrie.
- L’an prochain, la crise de la dette (dette US (ici dans le détail) et mondiale (ici seulement la dette publique), mère de toutes les crises, devrait entrer dans sa phase explosive.
- En résumé, toutes les crises qui écartèlent aujourd’hui le Système dans un grand mouvement centrifuge ne feront que se péjorer, s’amplifier, se multiplier. Aucun mécanisme n’est en effet en mesure de les résorber, ou même de les contenir, puisque c’est précisément le Système et sa gouvernance américano-occidentale qui en sont à la fois la cause et le combustible.
Partant, on ne peut être certain que d’une chose : 2012 verra la grande crise générale du Système s’amplifier et s’amplifier encore.
Reste à savoir jusqu’où le Système pourra supporter la tension avant
l’impasse salvatrice qui grippera peut-être définitivement la machine, offrant enfin l’opportunité d’un nouveau départ.

Rendez-vous donc l’an prochain pour de nouvelles aventures en cette époque épique et quelque peu opaque, et dans l’intervalle, entrefilets vous souhaite de chaleureuses fêtes de fin d’année.

(1) Dans l'essai intitulé L'Islam, l'Occident et l'avenir, Toynbee observe que «la civilisation occidentale ne vise à rien moins qu'à l'incorporation de toute l'humanité en une grande société unique, et au contrôle de tout ce que, sur terre, sur mer et dans l'air, l'humanité peut exploiter grâce à la technique occidentale moderne ». Il relève aussi que «la rencontre contemporaine entre l'Islam et l'Occident (…) ne constitue qu'un incident dans une entreprise de l'homme occidental pour “occidentaliser” le monde.»