2013, L’ÉVEIL ET LA CONFRONTATION

Le prix de notre infamie en Syrie

Vingt mille ? Quarante mille morts ? Qui sait ? Depuis plus de vingt mois maintenant, la Syrie est plongée dans une guerre dite «civile» de plus en plus meurtrière. Mais comme tous les citoyens libres le savent grâce à la Toile dissidente, il ne s’agit bien évidemment pas d’une révolution populaire bisounours réprimée dans le sang. Ça, c’est la version de Libé, du Monde, du Figaro, de France 1, 2 ,3 ,4 et 5, d’I-Télé et de BFMTV et de tous leurs clones bref, de la machine à enfumer du Système.
La guerre en Syrie est une vulgaire opération de regime-change pilotée par le Bloc occidental et sous-traitée dans sa partie opérationnelle à ses vertueux et progressistes alliés du Golfe principalement. Les objectifs de guerre sont connus et permettent à chacun des prédateurs d’espérer tirer ses propres marrons du feu. La principale cause en est la poursuite du plan occidental de remodelage du Grand-Moyen-Orient avec l’ambition d’une prise de contrôle totale de la Méditerranée orientale.
Face au blocage concerté des Russes et des Chinois sur ce dossier, le Bloc occidental a donc décidé de jouer le pourrissement, allant jusqu’à s’allier avec tout ce que le Moyen-Orient compte encore de groupuscules terroristes et jihadistes plus ou moins franchisé al-Qaïda.
Dernier coup de génie en date des Hollande, BHO et autres «ennemis de la Syrie» : la reconnaissance d’une coalition de gangs armés comme représentants légitimes (SIC) des Syriens. De quoi assurer des années de ruines et de morts dans ce pays. Au moins jusqu’à ce que Washington, Moscou et Pékin tombent finalement d’accord sur les modalités de l’inévitable partage d’influence que l’Occident devra concéder dans la région à l’aune du reflux de sa puissance.

Un baroud de déshonneur
Nos plus anciens lecteurs savent qu’entrefilets a été un opposant de la première heure au régime totalitaire des Assad, notamment à l’heure de son occupation du Liban. Mais sous l’impulsion des révolutions tunisienne et égyptienne, un processus de renversement du régime avait été enclenché par le peuple syrien et des réformes engagées. L’ingérence occidentale dans ce dossier, qui a conduit à une militarisation quasi immédiate de la rébellion, n’aura abouti qu’à confisquer cette révolution aux Syriens au profit d’une stratégie désastreuse qui a conduit le pays à la guerre et à la ruine. 
Là encore, le coup de force tenté par le Bloc occidental se solde donc par des océans de sang et de destruction.
Le prix de notre infamie donc, toujours payé par d’autres, pour ce qui sera sans doute un baroud de déshonneur du Bloc au Moyen-Orient.

20/12/2012 Ainsi donc, vendredi 21 décembre 2012 devait être le jour de la fin du monde à en croire le désormais fameux calendrier maya. Pourtant, pas de Melancholia en vue; pas plus que de cieux qui se déchirent pour laisser entendre une voix sentencieuse clamer: «Bande de ploucs, vous avez vraiment été nuls ces 20’000 dernières années et c’est l’heure de passer à la caisse». La mésaventure humaine a de bonnes chances de continuer, et nous avons donc tout le loisir de nous livrer à notre traditionnel petit bilan de fin d’année.
Une année qui confirme une accélération tout simplement phénoménale de l’Histoire. En vedette américaine : la décomposition au pas de charge d’un Système néolibéral pris en étau entre ses propres mécanismes autodestructeurs d’un côté et, de l’autre, un puissant mouvement d’émancipation des sociétés civiles. L’éveil a commencé, et la confrontation est inéluctable.


Bilan mi-ruines mi-chaos
Tout est allé très vite à partir de la chute de l’URSS. Libéré de l’autocensure qu’il s’imposait face à la menace socialiste, le capitalisme triomphant enfanté par le Bloc occidental a rapidement tombé le masque pour révéler l’essence mortifère et totalitaire de sa substance. Le saccage du vivant au service de la seule rémunération du capital s’est alors propagé comme une peste avec les conséquences catastrophiques que l’on sait pour les sociétés humaines et l’environnement.
Longtemps, l’idéologie capitaliste a pu faire croire à ses vertus en s’appropriant le mérite des Trente Glorieuses dont le boom économique doit absolument tout aux destructions de la Seconde Guerre mondiale, et absolument rien ni à Wall Street ni à la City ni au génie supposé de la modernité. Mais l’illusion a parfaitement fonctionné, à grands renfort de dettes, d’enfumage médiatique et de block busters hollywoodiens.
Dans notre essai intitulé «Pourquoi notre hyper-Titanic va couler», nous avons longuement exposé les processus décrivant la perversité intrinsèque du projet néolibéral.
Sans revenir par le détail sur le saccage perpétré par ce modèle de société indépassable donc, on se bornera à rappeler ici ses derniers hauts faits : un million et demi de civils tués en deux ratonnades pétrolières en Irak ; des dizaines de milliers de morts pour une tentative de contrôle stratégique de l’Afghanistan ; un Moyen-Orient maintenu à l’état de poudrière permanente pour permettre la captation de ses ressources ; le déclenchement ou l’entretien de conflits dévastateurs sur le continent africain pour les mêmes raisons ; une Libye détruite ; une Syrie en passe de l’être (lire encadré); une guerre froide réactivée et, bien sûr, une gouvernance globale par la peur et la menace de guerres à venir toujours plus folles (Syrie et Iran aujourd’hui, Russie et Chine demain). Tout cela pour garantir encore un peu d’american way of life à un Occident malgré tout en faillite.
Voilà, grosso modo, le bilan des 20 dernières années du capitalisme militarisé et conquérant du Bloc occidental, cela sans compter l’orgie sans précédent de tueries de tout ce qui pousse, vole, gambade ou nage sur notre planète sacrifiée sur l’autel de la croissance éternelle.
D’un point de vue religieux, on pourrait sans hésitation reconnaître l’essence parfaitement satanique d’un tel Système en ce que ses faux prophètes, dégoulinants de vertu préfabriquée, s’acharnent à l’évidence à plonger la Création dans le chaos.

L’éveil
Aujourd’hui ce Système est regardé pour ce qu’il est : une machine à broyer le vivant pour le transformer en bonus et dividendes.
D’abord marginale, cette prise de conscience au potentiel révolutionnaire a peu à peu gagné les masses que le Tittytainment de sa machine de propagande ne parvient plus à endormir.
Les médias officiels en général, télévisuels en particulier, sont en effet eux aussi regardés aujourd’hui pour ce qu’ils sont: la machine à enfumer du Système.
En quelques années, la société civile a ainsi bâti ses propres canaux d’information véritablement indépendants. Sites web, blogs et forums alternatifs, réseaux de contacts et réseaux sociaux forment désormais une Toile dissidente à l’intérieur même de la Toile du Système. Et si, au début d’internet, on vérifiait encore ce que l’on y trouvait dans les médias officiels pour en estimer la validité, c’est désormais exactement l’inverse qui se passe : on jette un coup d’œil méfiant sur les liens de google-actu et ses clones, et on «rétablit» les faits déformés que l’on y trouve grâce aux sources de la Toile dissidente.
Cet effondrement de la crédibilité et, partant, de la légitimité de l’autorité journalistique a bien sûr son pendant au niveau politique.
La corruption quasi généralisée du politique par les lobbies et la succession ininterrompue de scandales sociaux, sanitaires ou alimentaires qui en ont déjà découlé ont confirmé que la loi sacrée du profit supplante désormais toutes les autres.
Face à des agences de sécurité alimentaires ou sanitaires phagocytées par les industriels, chacun sait d’avance aujourd’hui que les prochaines pandémies, qui viendront sans doute des OGM, où des ondes de nos si précieux GSM, trouveront leur épilogue dans la vieille rengaine du «responsable mais pas coupable». Et puis tout continuera, tout recommencera avec son cortège de maladies, de souffrance et de destruction.
C’est la fameuse loi de la «contre-productivité» d’Yvan Illich, qui veut que lorsqu'elles atteignent un seuil critique en situation de monopole, les grandes institutions de nos sociétés modernes industrielles produisent une situation où tout bascule vers son contraire : le système de santé produit des malades ; celui de l'éducation des ignorants ; celui de la communication davantage d'isolement; celui de la sécurité toujours plus d’insécurité ; celui de l’alimentation toujours plus d’intoxications etc…
Enfin, l’immense hold-up pratiqué par les gouvernants sur des populations déjà précarisées – pour renflouer les caisses des «surmorts» de la finance mondiale après la crise dite des subprime –, a achevé d’ouvrir les yeux d’une multitude jusque-là hypnotisée par l’enfumage télévisuel.
Même l’un des principaux gourous de la mondialisation néolibérale, Zbigniew Brzezinski, a récemment prévenu ses coreligionnaires que la prise de conscience politique universelle des masses serait de plus en plus difficile à réprimer («persistent and highly motivated populist resistance of politically awakened and historically resentful peoples to external control has proven to be increasingly difficult to suppress.»). 
La société civile est en train de s’émanciper de la prison-Système.
C’est l’éveil.

La confrontation
Partant, 2013 ne pourra qu’être le théâtre de deux radicalisations. Celle de masses précarisées hurlant de plus en plus fort leur rejet d’un Système nihiliste et destructeur ; et celle du Système lui-même, encagé dans ses déterminismes et redoublant d’agressivité pour «persévérer dans son être», c’est-à-dire pour perpétuer tant que faire se peut la rémunération du capital et la préservation des privilèges d’une élite numériquement de plus en plus insignifiante. Mais ce mécanisme de pillage du vivant et de concentration des richesses ne fera que nourrir et renforcer la rébellion des laissés-pour-compte de la mondialisation néolibérale.
Face à la montée en puissance prévisible de la contestation, la réaction du Système sera sans surprises: guerres pour les ressources à l’extérieur, criminalisation de la contestation à l’intérieur avec développement de technologies sécuritaires et répressives, contrôle accru des individus ; offensive contre la Toile dissidente par la multiplication de lois restrictives; bunkerisation des élites prédatrices et, bien sûr, offensive généralisée de la machine à enfumer du Système pour reprendre le contrôle de l’information globale.
Mais rien n’y fera. Le Système néolibéral enfanté par l’Occident est dans une impasse qu’il ne peut plus dépasser. Car ce Système EST l’impasse.
C’est la confrontation.

Le monde l’après
Pour l’heure, la tension monte donc autant que le désordre grandit au rythme des crises économiques insolubles ; des crises énergétiques ingérables, des crises écologiques dévastatrices, des bulles financières sans cesse renouvelées ; des plans d’austérité criminels et, désormais, des menaces de guerres régionales ou même mondiale.
Le désordre est complet, total, et s’autoalimente dans une spirale sans fin prévisible ni même possible.
Le vieux rêve de gouvernance mondiale des illuminés de l’american dream agonise dans un fracas mortifère.
A terme, le basculement est inéluctable.
La dislocation géopolitique mondiale entamée en 2008 va donc s’accélérer sous nos yeux, avec, en point d’orgue, le probable effondrement définitif de l’hyper-puissance américaine, matrice du Système.
Ce sera le coup d’envoi d’un immense Grand-Jeu où le Système va tenter, pour survivre, de se recomposer de manière plus ou moins chaotique au travers de nouvelles alliances, de nouveaux pactes.
Mais comme nous l’avons vu en Egypte où le peuple marque désormais à la culotte ses dirigeants, il n’est pas impossible que les 99% réussissent alors à dicter eux-aussi les conditions de ce monde d’après en contraignant les politiques à réinvestir leur véritable rôle de serviteurs des peuples et non des banksters ou des multinationales prédatrices.
Si cette espérance est trahie, il ne s’agira alors que d’un jeu de chaises musicales  qui permettra au Système de «persévérer dans son être» avec de nouveaux habits, de nouveaux masques, mais toujours sous le drapeau avilissant de la dictature libérale.
Et nous n’aurons plus qu’à trinquer alors à l’absurdité sans fond de la mésaventure humaine en regardant sombrer notre hyper-Titanic.
En revanche,  si cette espérance abouti, alors la page blanche qui s’ouvrira marquera le début du monde d’après. Un monde nécessairement tourné vers une décroissance raisonnée et bien évidemment purgé de Wall Street et de la City, du cancer néolibéral et de son utopie criminelle de croissance éternelle.
Que 2013 nous serve donc à nourrir cette espérance, à la partager, à rassembler toutes nos forces et notre volonté pour la faire triompher.
Heureuses fêtes de fin d’année à toutes et à tous et, surtout, n’achetez rien qui ne soit pas forgé pour durer mille ans par un artisan !

PS : entrefilets a accueilli plus de 120'000 visiteurs cette année. Merci de votre fidélité et de votre intérêt.