2014, l’année où l’Empire a refusé de mourir dans son lit
15/12/2014 On
espérait un peu naïvement que l’Empire US mourrait dans son lit (1). Il n’en est rien. Gangrené par sa faillite financière, morale
et sociale, il décline bien sûr comme prévu et le Système atlantiste
avec lui. Sauf que tout se passe beaucoup plus vite qu’attendu. Saisi de
panique, l’Empire a donc mis à profit l’année 2014 pour semer partout le
chaos pour tenter de conjurer son déclin, allant jusqu’à construire
toutes les conditions d’une Troisième guerre mondiale. Il aura
évidemment pris soin de fixer l’épicentre de la chose loin de son
sanctuaire (2), avec
l’assentiment d’une élite européenne de groupies-technocrates, et autres
idiots utiles, encadrés par un proconsul allemand rétabli
dans sa grandeur (3). 2014
aura donc été l’année d’un emballement stupéfiant et d’une montée aux
extrêmes terrifiante, l’année où l’Empire aura refusé de mourir dans son
lit, ouvrant une nouvelle séquence historique plus folle que jamais.
Du grand frère protecteur au
tortionnaire
Lorsque des clowns formatés dans des écoles de com’ prétendent lui
commander, l’Histoire peut se montrer d’une cruauté infinie. Ainsi en
va-t-il du dernier POTUS, Barack Hussein Obama, à la fois Prix Nobel de
la Paix, geôlier en chef du camp de torture de Guantanamo et artisan
d’une nouvelle guerre froide à l’issue potentiellement apocalyptique.
Le mythe hollywoodien du grand frère américain protecteur, un peu
couillon mais bienveillant, est bel et bien définitivement enterré,
malgré la puissance de la machine de propagande mobilisée pour
l’entretenir.
Aujourd’hui, la plupart des peuples du monde sont ainsi passés de la
fascination pour l’American Dream
au dégoût à l’égard d’une hyperpuissance aussi vorace que brutale, qui
n’hésite pas à semer la mort et le chaos pour
«perdurer dans son être».
2014 fait à ce titre un peu figure de point d’orgue, où l’on aura vu
l’Empire étrenner l’année par une alliance avec des groupes néonazis
ukrainiens – pour perpétrer le coup d’Etat que l’on sait–, puis la
terminer dans la puanteur exhumée de ses habituelles pratiques
tortionnaires (4).
Et c’est aux pieds de cet Empire-là que les élites européennes n’en
finissent plus de ramper, se soumettant à tous ses diktats, couvrant
tous ses crimes, se prêtant à toutes ses manigances les plus folles.
A cet égard, le cas de l’Allemagne mérite désormais une attention
particulière.
«We've
beaten the Germans twice,
and now they're back!»
On se souvient des craintes de Mitterrand et de la Dame de fer à l’aube
de la réunification allemande, craintes parfaitement résumées par
Margaret Thatcher lorsqu’elle s’était écriée : «Quoi,
nous avons battu deux fois les Allemands et les voilà encore de
retour ! (5)».
De facto, l’Allemagne est en effet (re)devenue la puissance dirigeante
en Europe, au point que certains observateurs, comme Emmanuel Todd,
n’hésitent plus à parler d’un Empire allemand reconstitué (6).
Or la soudaine adhésion de la chancelière allemande à l’hystérie
guerrière antirusse de l’Empire US pose de graves questions.
Suite au scandale des écoutes perpétrées par la NSA sur son téléphone
portable, on pensait pourtant que la lune de miel avec Washington ne
serait pas pour demain, la chancelière allemande faisant savoir qu’«entre des amis proches et des pays partenaires comme le sont la
République fédérale d'Allemagne et les Etats-Unis depuis des décennies,
une telle surveillance d'un chef de gouvernement ne saurait exister. »
Parlant même d’un «coup
sérieux porté à la confiance mutuelle entre les deux pays».
C’était en octobre 2013, peu avant le début du coup d’Etat de Kiev.
Mme Merkel s’était ensuite joint à la meute des toutous pour hurler avec
l’Empire contre Moscou, mais toutefois sans excès. Du moins jusqu’au
discours de Sidney, le 17 novembre dernier, où la chancelière a attaqué
la Russie avec une agressivité inédite, affirmant notamment «que les agissements de la Russie mettaient en péril la paix en Europe» (7).
Comme le souligne Philippe Grasset dans
dedefensa (8),
«aucun élément nouveau décisif, dans les trois ou quatre derniers mois,
ne paraît devoir justifier le revirement de Merkel exprimé dans des
termes si dramatiques et alarmistes, et encore moins l’expliquer.»
D’où l’hypothèse, de plus en plus répandue, que les écoutes de la NSA
ont finalement payé, et que les USA feraient tout simplement chanter la
chancelière. Les Etats-Unis disposeraient donc de «moyens
de pression pouvant aller aussi bien de documents récupérés de l’ex-RDA,
par exemple des archives de la Stasi, que de certaines affirmations et
confidences de la chancelière interceptées par la NSA.»
C’est bien évidemment possible, la politique étrangère étasunienne
relevant davantage du gangstérisme que de la diplomatie.
«Une
autre guerre en Europe ?
Pas en notre nom !»
Il n’en reste pas moins que la volonté des Etats-Unis de faire de
l’Allemagne leur principal supplétif en Europe ne date pas d’hier, et
qu’ils estiment apparemment depuis longtemps déjà qu’Angela Merkel a le
profil idéal pour le rôle (9).
De son côté, en jouant ainsi la carte US de l’affrontement contre la
Russie, l’Allemagne d’Angela Merkel paraît tentée par un nouvel
impérialisme (10) qui soulève
des questions il est vrai dérangeantes compte-tenu de l’Histoire du
siècle dernier.
Bien sûr, en Allemagne même, les critiques commencent à fuser. Le
Spiegel a ainsi récemment
ouvert les feux avec un article fleuve très mordant contre la politique
de la chancelière (11).
Puis ce fut le discours fantastique tenu à la tribune du Bundestag
devant la représentation nationale par Sahra Wagenknecht (12), vice-présidente du parti Die Linke
(La Gauche). Un discours où tout est dit avec les mots les plus
justes.
Enfin, il y a eu cet appel lancé par des personnalités allemandes
(anciens présidents,
intellectuels, artistes ou industriels) dont le titre se passe de
commentaire : «Une autre guerre en
Europe ? Pas en notre nom !» (13).
On voit toutefois mal Angela Merkel reculer, à plus forte raison s’il y
a chantage.
Aujourd’hui l’Empire US semble donc avoir trouvé dans l’Allemagne le
pivot européen idéal pour articuler sa croisade contre la Russie. Servie
par la quasi dissolution d’une France qui ne pèse strictement plus rien
en matière de politique étrangère, Berlin peut en effet s’appuyer pour
ce faire sur la russophobie «naturelle» d’anciennes républiques
soviétiques qu’elle contrôle largement (14).
L’Empire aux abois
De son côté, l’Empire poursuit furieusement sa montée aux extrêmes.
Le 12 décembre dernier, le Congrès US a ainsi autorisé la livraison
d’armes létales à l’Ukraine en votant à l’unanimité un texte que
d’aucuns considèrent comme une véritable déclaration de guerre contre la
Russie (15).
Nous en sommes donc là, en cette fin 2014.
En s’appuyant sur les faiblesses, les aveuglements ou les rêves de
grandeur inavoués d’acteurs européens parfaitement lamentables dans
cette affaire, l’Empire a décidé de privilégier la politique du pire
pour tenter de conjurer son déclin, fixant une guerre en Europe de l’Est
en acceptant avec une inconséquence inouïe la possibilité d’une
confrontation militaire entre puissances nucléaires.
C’est peut-être que pour lui le temps presse de plus en plus.
L’offensive menée contre la Russie a en effet convaincu les pays du
Brics de passer à la vitesse supérieure et les rapprochements entre
Moscou et Pékin, et même plus récemment New Delhi, font paniquer
Washington (16).
Sur le plan intérieur, la situation étasunienne se détériore d’heure en
heure. Un Américain sur 5 bénéficie désormais de bons d’alimentation
pour vivre (17), et une
réplique amplifiée de la crise des subprime de 2008 est d’ores et déjà
sur dans les starting blocks.
Pour éviter la rébellion des 99% contre les prédateurs du
corporate power US, c’est-à-dire du peuple contre le gouvernement,
l’administration Obama a même exhumé la vieille technique de la division
raciale pour noyer le poisson (18),
ce qui est tout de même un comble pour un premier Président noir US.
Mais passons.
La faillite des Etats-Unis est consommée tant sur les plans financier
que moral ou social.
Ne reste dès lors que l’Empire en tant que structure, en tant que
Système, en tant que machine à dominer et à écraser, dans toute sa
froideur et toute sa brutalité.
Un Empire aux abois, qui refuse de mourir dans son lit.
1
L’empire et le docteur Kübler-Ross
2
Enfumage ukrainien, contre propagande
3
L’Allemagne tient le continent européen
4
Torture à la CIA, les passages les plus terrifiants du rapport
5
L’Allemagne, puissance hégémonique à reculons
6
L’Empire allemand reconstitué
9
Angela Merkel va-t-elle entraîner l’Europe et le monde dans les
prochaines guerres?
10
L’essor de l’impérialisme allemand et la pseudo-menace russe
11
Summit of Failure: How the EU Lost Russia over Ukraine
12
Le discours de Sahra Wagenknecht (sous-titré français)
13
«Une autre guerre en Europe, pas en notre nom»
14
L’Allemagne tient le continent européen
15
Ukraine: la Russie menace les Etats-Unis de mesures de rétorsion
16
Avec la Crimée, l’Inde défie les USA
17
Explosion du nombre d’Américains ayant recours à l’aide alimentaire