Effondrement du Système : les suisses font le buzz
18/10/2012
Durant la première quinzaine de septembre dernier, l’armée suisse s’est
engagée dans un exercice d’une actualité aussi brûlante que dérangeante,
et surtout très instructif.
Le scénario retenu, baptisé
Stabilo Due,
mettait aux prises la soldatesque helvétique avec des problèmes posés
par
«l’instabilité d’une partie de l’Europe»,
scénario qui incluait des violences et des attentats sur territoire
national, en plus d’un afflux massif de réfugiés en provenance de…
«Grèce, d’Espagne, d’Italie, de
France et du Portugal». Les stratèges helvétiques estiment en effet
que face aux troubles sociaux qui montent en puissance suite à
l’aggravation de la crise économique,
«la concentration militaire
européenne actuelle, au plus bas depuis la Guerre Froide», est une
véritable
«porte ouverte aux insurrections».
Bref, la Suisse pense que ses voisins ne seront pas en mesure de mater
une éventuelle insurrection des laissés-pour-compte de la globalisation
si elle devait survenir. Et de manière très décomplexée, Dame Helvétie
se prépare donc très scrupuleusement à l’éventualité d’un
chaos social
échappant à tout contrôle dans la zone euro.
Un buzz révélateur
L’exercice suisse, qui a mobilisé environ 2000 soldats, reste en soi
assez anecdotique. Ce qui l’est moins, c’est le buzz qu’il a provoqué.
La chaîne d’informations
BFM
TV
a ainsi choisi d’y consacrer un très long développement, relevant que
les états-majors européens planifiaient sans doute également de tels
scénarios, mais sans oser en parler ouvertement. Nombreux ont également
été les analystes en matière de sécurité qui se sont saisis de
l’évènement pour développer leur argumentation autour du
chaos à venir
dans la zone euro.
Même
les médias Russes
ont repris la nouvelle pour mettre en exergue eux-aussi le caractère
explosif de la crise de la dette. Et aux Etats-Unis, c’est entre-autres
le site
infowars
qui s’en est fait l’écho dans le même sens.
Dans l’ensemble, chacun s’est en quelque sorte saisi de l’évènement pour
conjurer ou accréditer sa propre perception dramatique de la situation.
L’une des vertus de l’exercice helvétique a donc été de montrer que
l’hypothèse d’un naufrage inéluctable de notre Hyper-Titanic n’est plus
confinée aux analyses «dissidentes», mais est bel et bien en train
d’être intégrée par l’élite même du Système.
La menace intérieure
En retenant sans complexe la probabilité de troubles sociaux et
d’insurrections liés à la crise à têtes multiples qui secoue le Système,
le scénario helvétique a aussi brisé un tabou. A savoir qu’au niveau des
états-majors des Etats du «monde
libre», le péril rouge et la menace du terroriste islamique sont
désormais has been, et que ce
sont bel et bien les déshérités, les crève-la-faim, les smicards, les
réfugiés, les sans-emplois, les sans-avenirs, les sans-espoirs bref, les
Indignados qui sont
aujourd’hui la principale menace contre laquelle les Etats-cellules du
Système vont sans doute chercher à se prémunir.
Dans notre essai
«Pourquoi notre hyper-Titanic va couler»,
nous évoquions cette perspective en ces termes : «Même
dans sa zone d’influence, d’abondance, le Système n’est donc plus en
mesure de résoudre ses contractions, de gaver tout le monde. Chômage,
paupérisation, marginalisation : un pourcentage sans cesse grandissant
des populations occidentales rejoignent peu à peu les
laissés-pour-compte du Système. Autant d’Indignés en puissance. La
supercherie d’un projet néolibéral définitivement insensé et intenable,
est devenue impossible à cacher. ( …)
Comme tous les systèmes, le
Système néo-libéral cherchera donc à persévérer dans son être. Tant que
ses moteurs ne seront pas totalement à l’arrêt, la violence va aller
grandissant à l’intérieur de sa zone d’influence et les hordes de
laissés-pour-compte qui vont vouloir affronter sa machine de répression
seront criminalisées et combattues.»