UE-Hezbollah: à terroriste, terroriste et demi
25/07/2013 Ainsi donc, les ministres des affaires étrangères de l’UE ont
finalement cédé aux pressions de Washington et Tel-Aviv en inscrivant la
branche armée du Hezbollah libanais sur la liste des organisations
terroristes. Trafic normal dirons-nous, dès lors qu’au moindre
claquement de doigt étasunien, notre bel Europe n’hésite pas à fermer
son espace aérien à des Présidents. Bien sûr, concernant la mesure
frappant le Hezbollah, on peut immédiatement tirer la chasse sur les
raisons officielles invoquées qui ne sont que bouillie pour les chats et
les rampants de la presse-Système. Cette décision s’inscrit en fait dans
le cadre de la guerre que mène le Bloc atlantiste contre le dernier axe
de résistance à sa domination au Moyen-Orient, axe qui regroupe l’Iran,
le Hezbollah, la Syrie et le Hamas palestinien.
Les faux-nez d’une guerre de
conquête
Pour mémoire, rappelons que l’option haute de la guerre atlantiste
au Moyen-Orient vise à asseoir définitivement la domination du Bloc sur
la région et ses ressources ; l’option basse étant de créer un chaos
permanent aux frontières des zones d’influences russes et chinoises,
pour encombrer «l’ennemi véritable».
Rappelons aussi que c’est la fable du
11 Septembre
qui a permis le déclenchement de la guerre perpétuelle contre le
terrorisme, elle-même devenue le faux-nez d’une simple guerre de
conquête menée sur plusieurs fronts à la fois. On a fait définitivement
éclater l’Irak ; on a occupé l’Afghanistan et accessoirement pris le
contrôle du Pakistan ; puis on a fait imploser la Lybie.
Concernant l’axe de résistance Iran-Syrie-Hezbollah-Hamas qui est au
cœur de notre sujet, la stratégie du Bloc a toujours été d’isoler
l’Iran, sa cible la plus compliquée à
«traiter» comme ils disent au
Pentagone. Pour ce faire, Washington a commandité à Israël une première
guerre ratée contre le Hezbollah libanais en 2006 et, face à l’échec de
cette tentative, les stratèges atlantistes ont ensuite décidé de
faire exploser la Syrie
avec le faux-nez du «Printemps arabe» cette fois. Il s’agit désormais de
tuer l’allié régional de Téhéran mais aussi, et peut-être même surtout,
de couper les vivres au Hezbollah dont une partie de l’armement transite
bien évidemment par la Syrie.
Car il se trouve que le Hezbollah s’est révélé être une pièce maîtresse,
et peut-être même la pièce de résistance, c’est le cas de dire, de l’axe
de résistance régional.
De Salah al-Din à Nasrallah
C’est que le Hezbollah a gagné ses galons et lettres de noblesse ces
dernières années. Il a rendu
sa fierté aux Libanais d’abord, mais aussi aux arabes plus généralement,
en chassant en 2000 les coupe-jarrets israéliens du Liban-Sud qu’ils occupaient
depuis 20 ans. Et cela sans condition ni Traité.
Sous nos contrées étouffées par la pensée unique et la propagande molle,
il est difficile d’imaginer l’impact fantastique de cette divine
victoire dans le cœur des arabes. A l’instant précis où les Israéliens
ont été chassés, Hassan Nasrallah représentait alors pour les arabes,
tous les arabes, une sorte de Salah al-Din réincarné. Il leur avait
rendu leur dignité.
Puis ce fut
la guerre de 2006
et la raclée infligée à l’une des plus puissantes armées du monde par
quelques milliers de combattants retranchés dans des tunnels. A ce
moment-là, l’entité sioniste a pourtant engagé
l’équivalent de l’armée de terre
et de l’armée de l’air françaises réunies dans son assaut. Un véritable
pont aérien a aussi été organisé par les Etats-Unis pour fournir de quoi
inonder toute la région sous les bombes.
Tout y est passé : des bombes à guidage laser aux vieux stocks de bombes
à sous munitions datant de la guerre du Vietnam.
Rien n’y a fait. L’expertise et l’héroïsme des combattants du Hezbollah
ont permis au Liban de préserver son intégrité et de repousser
l’agresseur. Au final, la guerre a coûté 6 milliards de dollars à
l’entité sioniste, 120 hommes, des dizaines de chars et, surtout, cette
cuisante défaite a signifié la fin du mythe de son invincibilité. C’est
beaucoup. C’est énorme.
Malgré la souffrance endurée par le pays tout entier ; malgré les morts,
les blessés et la dévastation, la victoire militaire du Hezbollah a été
totale. Et là encore, les chants et la fierté ont enflammé la rue arabe
d’une clameur que l’on pensait oubliée.
C’est aussi à ce moment-là que l’Occident a véritablement découvert
Hassan Nasrallah,
le chef du Hezbollah, l’homme à abattre désormais.
L’homme jouit d’une popularité de star du rock. Il est d’une honnêteté
sans tache et sa parole n’a jamais été prise en défaut. C’est un homme
dont la vivacité d’esprit n’a d’égale que la hauteur d’âme, et ses
qualités de commandant le disputent à ses compétences de stratège
militaire. Hassan Nasrallah est un chef politique complet, frontal,
évident, intimidant même, face auquel les grossiers Tony Blair et W.
Bush de l’époque
faisaient bien pâle figure.
C’est en effet un miroir terrible que tend M. Nasrallah aux élites
formatées de notre vertueux «monde-libre». Pas étonnant dès lors que le
président-Poire français ou ses alter-egos européens ou américains
rêvent de le voir disparaître.
La médiocrité, la petitesse et la fourberie ne détestent rien moins que
l’exception, la grandeur et la droiture.
Haro sur les résistants d’hier et
d’aujourd’hui
Mais c’est aussi en 2006 que l’Occident va surtout comprendre le
degré réel de sophistication et d’expertise auquel est parvenu le
Hezbollah dans la guerre asymétrique dite du faible au fort, ou plus
techniquement dite de quatrième génération (G4G).
Or ce savoir-faire est une menace autrement plus sérieuse pour le
Système atlantiste que n’importe quel hypothétique programme nucléaire
iranien (1). Car la G4G est
la guerre par laquelle tous les résistants de tous les temps ont pu se
libérer du joug de la tyrannie et de l’occupation. C’est la seule
tactique à même de triompher de la technologie et des rouleaux
compresseurs de l’OTAN, de mettre en échec l’hyper-puissance militaire
du Système en somme.
Si l’on se projette dans cet avenir orwellien qui nous menace désormais
tous, c’est même la seule tactique qui pourrait éventuellement permettre
le triomphe d’une insurrection
généralisée des laissés-pour-compte de la globalisation contre
des 1% surarmés.
Le Système ne souhaite donc pas, cela va sans dire, qu’une telle
expertise, qu’un tel modèle, s’expatrie du Liban.
Enfin, au chapitre de l’infamie devenue mode de vie, on mesurera encore
non sans nausée le cynisme de ministres européens dont nombre de pays
ont subi le joug d’une occupation que seule la résistance armée a pu
tenir en échec. Assimiler la résistance du Hezbollah à du terrorisme est
donc
une injure faite à leur propre histoire,
à leur propre mémoire, à leurs propres résistants.
Avec une élite pareille, Vichy n’aurait eu aucun souci à se faire.
Par paresse, compromission ou ignorance ces gens-là sont, Monsieur, à la
fois la honte de leur père et celle de leurs enfants.
Apostille : tous terroristes ?
Il n’existe pas de définition consensuelle du terrorisme.
Comme le relève
wikipedia.
«La définition du terrorisme est
de façon inhérente sujet à controverse. L'utilisation de la violence à
des fins politiques est commune aux états et aux groupes non-étatiques.
La difficulté est d'arriver à un accord sur une base déterminant quand
l'usage de la violence (dirigée par qui, contre qui et pourquoi) est
légitime. La majorité des définitions en usage ont été élaborées par des
organes directement associés à un gouvernement, et ont un biais
systématique excluant les gouvernements de la définition. Certaines
de ces définitions sont si larges, comme le Terrorism Act 2000, qu'elles
incluent la perturbation d'un système informatique sans intention ou
conséquence violente. »
Finalement, dans le bric à brac des définitions proposées, nous allons
élaborer notre propre définition en nous inspirant de celle proposée par
le Groupe de personnalités de haut
niveau et le Secrétaire général de l'ONU en 2004 et soutenue par la
France et qui dit ceci : «Toute action […] qui a pour intention de causer la mort ou de graves
blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le
but d'un tel acte est, de par sa nature ou son contexte, d'intimider une
population, ou de forcer un gouvernement ou une organisation
internationale à prendre une quelconque mesure ou à s'en abstenir
»
Notre définition :
Terrorisme :
«Toute
action qui a pour intention de causer la mort ou de graves blessures
corporelles à des civils ou à des non-combattants, ou de causer la
destruction de leurs biens, lorsque le but d'un tel acte est, de par sa
nature ou son contexte, d'intimider une population et ses représentants
afin de les forcer à prendre une quelconque mesure ou à s'en abstenir.
»
Peuvent donc être qualifié de terroriste :
«Tout groupe, étatique ou non, qui
systématise l’usage de la violence contre des civils ou des
non-combattants, dans le but d’imposer à une population ou à ses
représentants, de prendre une quelconque mesure ou de s'en abstenir.»
On se dit dès lors que la liste des groupes, étatiques ou non, qui
mériteraient de figurer sur une liste impartialement établie des
mouvements terroristes devraient bousculer quelques idées reçues.
Car à n’en pas douter, nous pourrions allègrement y inscrire
la CIA,
mais aussi
l’Etat d’Israël,
le gouvernement étasunien, l’OTAN et, bien sûr,
«Les amis de la Syrie» pour l’appui logistique et financier qu’ils
apportent aux égorgeurs d’al-Nosra en Syrie…
A terroriste, terroriste et demi.
(1) En 2007, Chirac avait tordu le
cou à cette fable aussi :
«Où l’Iran enverrait-il cette bombe ? Sur
Israël ? Elle n’aura pas fait 200 mètres dans l’atmosphère que Téhéran
sera rasée.»