L’Empire US, vers l’internationale totalitaire en chantant
(De la bataille contre le Système: épisode V)
26/08/2014 Comme disait l’autre, les Etasuniens sont des gens vraiment
formidables, pour peu que l’on puisse faire abstraction des morceaux de
cervelles d’enfants qui pendouillent à leur parka. Et si eux-mêmes y
arrivent parfaitement, c’est que leur ascension en tant
qu’hyper-puissance mondiale s’est accompagnée d’une descente dans une
pathologie à mesure. Pathologie de
la domination mêlant messianisme, exceptionnalisme
(version américanisée de
l’élitisme israélien), ivresse de puissance et, surtout,
inculpabilité. Une pathologie protéiforme terrifiante lorsqu’elle ronge
l’âme d’un Empire disposant d’une capacité technologique et d’une
puissance de feu inégalés dans l’Histoire de l’humanité, le tout
dissimulé sous les paillettes hollywoodiennes et le vernis d’une machine
de propagande qui le font passer pour vertueux. Décryptage.
Violence permanente
Au risque de nous répéter –risque
parfaitement assumé car il est pour nous cri par l’écrit–, il faut
dire et redire encore que les Etats-Unis ont été parmi les principaux
pourvoyeurs d'atrocités à travers le monde depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, que ce
soit directement ou par supplétifs interposés. Vietnam, Cambodge,
Panama, Nicaragua, Salvador, Guatemala, Chili, Pérou, Iran, Somalie, RDC
et Serbie sont quelques-uns des pays qui ont eu à affronter dans un
passé récent la machine de guerre US, ou ses commandos d’assassins et
autres spécialistes du coup d’état.
Ces vingt dernières années, les seuls massacres de masse commis sur la
planète l'ont été par l'Empire. Sa projection de violence, au besoin à
l’aide de sa milice globalisée qu’est l’OTAN, n’a fait que gagner en
intensité avec les tueries à grande échelle et l’emploi méthodique de la
torture (Irak / so called War on
Terror) ; les guerres d’occupation (Afghanistan) ; les
regime change ou tentative de
(Libye
/ Syrie /
Ukraine) ;
les campagnes systématisées d’assassinats extrajudiciaires
(Yémen-Pakistan) ; les boucheries à grande échelle et les épurations
ethniques par supplétifs interposés (Liban 2006 / Palestine
2002-2006-2008-2012-2014).
Tout cela sous couvert de lutte contre le communisme, puis contre le
terrorisme ou, encore, en vertu de fumeux concepts d’inspiration
droit-de-l’hommistes comme le
«devoir de protéger», pour rendre vertueuses des guerres d’hégémonie
ou pour le pétrole.
Cet océan de barbarie, de violence à grande échelle et d’assassinats
plus ou moins ciblés – auquel il faut encore ajouter l’établissement
d’un goulag électronique globalisé par la NSA et ses clones–, n’entament
pourtant en rien l’image que l’Empire assassin-espion a de lui-même, ou
que ses admirateurs ont de lui. C’est-à-dire d’une vertueuse nation de
défenseurs de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme.
A cela deux raisons principales : une pathologie de la domination qui
empêche toute culpabilité ou introspection au sein de l’Empire, et bien
sûr une formidable machine de propagande dont le grand œuvre est une
inversion quasi complète de la réalité avec réécriture en temps réel de
l’Histoire.
De la pathologie de la domination
Pour évoquer cette pathologie
de la domination, nous allons largement piller
un texte admirable de l’écrivain américain Norman Pollack.
Et tout d’abord son constat que nous partageons sans réserve lorsqu’il
dit : «Gaza symbolise où nous en
sommes : l’éradication des aspirations humaines par des forces de
procuration, ici Israël, là l’Ukraine, résidus fascistes de la Seconde
Guerre mondiale (…). Le fait est là. Où que l’on regarde, on ne voit que
les destructions et les souffrances humaines dues à ceux que nous
soutenons, alors que, pendant ce temps, les USA agissent, de leur côté,
pour mettre en place l’architecture militaire d’un modèle global dévoué
au commerce, à la finance,
et au pouvoir, avec son industrie de guerre fonctionnant à plein régime.»
Pour expliquer ce que nous nommons habituellement
l’inculpabilité de l’Amérique au regard de ses innombrables crimes,
Pollack avance l’idée de
«bulle solipsiste»,
c’est-à-dire l’enfermement des Etats-Unis dans une perception du monde
dans laquelle il n’y a pour le sujet pensant d’autre réalité que
lui-même. Une bulle «qui entoure
et engaine l’Amérique, avec ses caractères respectivement associés de
xénophobie et d’ethnocentrisme, la peur de l’étranger, la relation
dichotomique du nous-eux
fondant l’idéologie de l’Exceptionnalisme. Et ses conséquences : un
autoritarisme prépondérant, structurellement enraciné dans la
personnalité américaine, ayant beaucoup à voir avec la rigidité, qui
unifie et intègre l’élaboration de la politique actuelle du gouvernement
des USA.»
Aux origines du mal, Pollack renvoie à cette version ultime du
capitalisme sur les bases de laquelle l’Amérique a été fondée : «Un capitalisme qui cherche et promeut la création d’une uniformité
politico-culturelle de la personne humaine nécessaire à l’installation
de la discipline sociale (1).
(…) Et tout cela en continuant par ailleurs de battre le tambour de la
guerre, des interventions, de la supériorité et de l’infériorité dans la
hiérarchie des nations.»
Ce dernier point renvoyant à la fameuse théorie de
«l’exceptionnalisme américain» reprise par Obama, et qui offre
d’ailleurs un inquiétant miroir au concept délirant de
Peuple élu israélien.
Pollack a encore raison lorsqu’il dénonce le fait que la récente
polémique opposant Obama à Clinton s’est exercée «dans
un bocal hermétiquement fermé». Tous deux n’étant que des fauteurs
de guerre, les deux visages d’une
même tête pilotée par le complexe militaro-industriel étasuniens (2).
Et Pollack en vient ensuite à sa sentence : «Irak, Afghanistan, Ukraine, Gaza, tout exhibe une arrogance
systématique, qui fournit une couverture utile à ce que je considère
être une carence morale, imperméable à la souffrance humaine, jouissant
de l’auto-indulgence de la nation. (…)
Froideur et rigidité, nous sommes
au-delà de ça [la culpabilité face à nos crimes],
protégés culturellement, institutionnellement, et politiquement de toute
introspection (du retour sur soi) sur les faits que nous commettons ou
omettons.»
«L’opinion publique dominée par
un égrégore ?»
Ce constat fait, on ne peut qu’être consterné par le suivisme
européen d’un tel Empire nihiliste, par cette fascination et cette
croyance en l’Amérique d’Hollywood propagée par la plus formidable
machine à enfumer jamais conçue. Machine qui réussit le tour de force de
convertir au fantasme d’un Empire vertueux des esprits que l’on peine
pourtant à soupçonner d’idiotie.
Dans un billet intitulé
«L’opinion publique est dominée par un égrégore»,
Pascal Roussel s’interroge alors sur cette uniformité de la pensée en se
demandant si «en Europe et aux
États-Unis, le monde politique et les grands médias qui couvrent les
questions financières ou géopolitiques ne sont pas collectivement sous
l’influence malfaisante d’un égrégore –concept désignant un esprit
de groupe, une entité psychique autonome ou une force produite et
influencée par les désirs et émotions de plusieurs individus unis dans
un but commun. Cette force vivante fonctionnerait alors comme une entité
autonome– ? La position atlantiste
poussant alors les autres pays à se radicaliser.»
Et, souligne-t-il, «l’Histoire a
montré qu’une opinion publique dominée par un même esprit de groupe peut
rapidement se retrouver confrontée à une guerre qu’elle n’a pas
souhaitée.»
Où nous en sommes
Or c’est bien là où nous en sommes avec la crise ukrainienne, où
l’on a vu l’alignement complet de tous nos medias sur la grande hystérie
antirusse voulue par Washington. Avec, en point d’orgue, la fumeuse
accusation sans preuve mais néanmoins globale contre Poutine suite au
crash MH17, et dont on est à peu près sûr aujourd’hui qu’il a été abattu
(pour une opération false flag ou
par erreur) par l’armée ukrainienne.
Tout cela nous menant donc à la possibilité d’une
guerre à grande échelle
que sans doute peu de peuples souhaitent vraiment
in fine.
C’est l’aboutissement de deux décennies de formatage complet de la
pensée dans les médias occidentaux où, là aussi, les opinions, les
sensibilités, les divergences d’analyses restent confinées dans un «bocal hermétiquement clos» où domine l’alignement complet à la
narrative messianique de Washington, à ses axes du mal à géométries
variables, à son pseudo-devoir d’ingérence sélectif à souhait, à sa
stigmatisation soudaine de méchants dictateurs qu’il est tout à coup
vertueux de renverser après les avoir soutenus des décennies durant.
Il aura par exemple fallu plus de deux ans à la
so called grande presse bobo-atlantiste française pour commencer à
admettre les abominations commises par les djihadistes de Syrie ; et
c’est seulement depuis l’avènement de l’Etat islamique en Irak et au
Levant (EIIL), et de ses carnages contre les minorités, que nos
héroïques médias commencent à retrouver quelques vertus à Bachar
al-Assad en tant que moindre mal sur la scène locale, comme par hasard
là encore sous l’impulsion de Washington.
«Qui paie commande»
La question de Pascal Roussel est donc pertinente.
Toute cette élite politico-médiatique occidentale est-elle, en quelque
sorte, hypnotisée, contaminée par cet égrégore ?
Pourquoi pas.
Si l’on considère, et Dieu sait si nous avons
de bonnes raisons de le faire,
que le Système néolibéral américaniste représente ce qui peut se
rapprocher le plus de l’avènement du Mal absolu – avec le triomphe de
ses faux prophètes et son âge des ténèbres –, qu’il incarne peut-être
ainsi le réveil de la Bête immonde dont les 99% sentent de plus en plus
nettement le souffle brûlant sur leur nuque, alors oui, on peut admettre
que cet égrégore puisse en être une émanation tangible.
Plus prosaïquement, on doit aussi considérer que les grands médias,
télévisuels en particulier,
obéissent à des lignes éditoriales
simplement dictées par le Système puisque c’est lui qui les finance à
coups de
généreuses subventions
et de publicité, et que comme dit l’adage, «qui paie commande».
L’effet de troupeau, la complicité ou la couardise de nos élites
politico-médiatiques faisant le reste pour nous conduire, sous
l’aiguillon de l’égrégore peut-être, vers l’internationale totalitaire
en chantant.
(1) C’est
ce qu’observe aussi l’historien
Arnold Toynbee
lorsqu’il dit que «la civilisation
occidentale ne vise à rien moins qu'à l'incorporation de toute
l'humanité en une grande société unique, et au contrôle de tout ce que,
sur terre, sur mer et dans l'air, l'humanité peut exploiter grâce à la
technique occidentale moderne ».
(2) Soulignons
toutefois que cette confiscation de la démocratie au profit d’un
simulacre d’oppositions à l’intérieur d’un cadre strictement régulé par
le Système n’est pas une spécificité américaine. Comme nous l’avons
détaillé dans notre essai
Pourquoi notre Hyper-Titanic va couler,
«l’avènement de la société libérale interdit en effet l’alternative. Les
divergences de pures formes, qui opposent ce que l’on nomme les
«sensibilités politiques», se discutent à l’intérieur du statuquo
qu’elle impose. C’est à cela que se réduit l’opposition. Dans une
société qui prétend pourvoir de manière satisfaisante aux besoins du
plus grand nombre, l’opposition n’a en effet plus aucune raison d’être,
elle est même une menace pour la collectivité.»
Ainsi, lorsque certains pensent se montrer réalistes en affirmant qu’en
France, par exemple, «la gauche
est un sous-programme de la droite pour gruger les pauvres», ils
sont à mi-chemin de la vérité dont l’équation réelle est:
«Gauche et droite sont des
sous-programmes du Système pour gruger tout le monde».
Pour crédibiliser la farce, le Système prend toutefois soin de favoriser
le développement stérile de quelques mouvements extrémistes sur ses
marges, mouvements dont la fonction est alors d’absorber le
mécontentement le plus radical, de le contrôler et de le maintenir dans
l’impasse politique permanente.
Quant aux personnalités ou mouvements réellement antiSystèmes qui
tenteraient tout de même d’émerger, toutes les composantes agréées du
Système se retrouvent alors pour faire bloc et les diffamer afin de les
éjecter de l’échiquier (cf. Dieudonné, Alain Soral etc…).
>>Tous les épisodes
"De la bataille contre le Système".