Surtout ne pensez plus ! Dé-pensez !

30/06/2009 Puisque l'état de crise (climatique, énergétique, économique, systémique) est devenu en quelque sorte l'état normal de notre époque, voici quelques nouvelles de la crise économique pour nous reposer un peu de la crise iranienne. Et d'abord pour vous inviter à la lecture d'un article de dedefensa.org, intitulé les "Green-Shoots de la lobotomisation". Article qui nous paraît bien résumer le fonctionnement actuel du système qui, après avoir opéré le hold-up du millénaire en arrachant des milliers de milliards de dollars aux collectivités publiques pour se renflouer, entend bien poursuivre son petit bonhomme de chemin sans rien changer à ses habitudes anthropophages.
Seul problème qui irrite le sérail économico-financier: les consommateurs refusent de jouer le jeu, de dépenser donc! De defensa.org: "Ainsi se résume le sentiment général de tous ces milieux dirigeants et cadres-experts du monde financier, cornaquant sans une hésitation le monde politique: les dégâts sont réparés, on a remis sur pied l’édifice financier qui s’est écroulé par on ne sait quelle malédiction, quel complot diabolique; on a travaillé comme des bœufs, on a fait un effort sans précédent, tant de sacrifices, jusqu’à ces $9.000 milliards qu’on nous a distribués et dont on ne sait où ils sont allés, on a rétabli les bonus plantureux des dirigeants; tout est en place, tous les sacrifices faits par le secteur financier pour consentir à exister de nouveau, plus “too big to fall” (“…to fell”) que jamais, – et voilà que le consommateur ne consomme pas! Il y a de quoi se scandaliser, en vérité. “We are désappointés”… "
Dans sa conclusion, de defensa.org explique en substance que le système est un système de l'instant, du présent absolu, qui exige donc non seulement qu'on lui sacrifie le passé, c'est à dire qu'on oublie que c'est sa seule perversité qui a provoqué la mise à genoux de l'économie réelle, les fermetures d'entreprises, les taux de chômage record, mais aussi qui exige qu'on lui sacrifie l'avenir, que l'on n'y pense pas, qu'on l'oublie, pour que le consommateur puisse tenir le rôle qu'on lui a assigné dans l'édifice, à savoir celui de dépenser "sans compter, c'est à dire sans penser au lendemain". Nous sommes donc dans un système, nous dit dedefensa, "où par conséquent, à côté du passé l’avenir doit être aussi éradiqué, parce que les spéculations sur l’avenir impliquent une structuration qui soumet effectivement l’acte de dépenser à la critique de cette spéculation. Il s’agit du citoyen tabula rasa, la formule étant d’ailleurs la référence générale de ce système, sans passé et sans avenir, sans rien du tout, sinon sa fonction monstrueuse de dévorer l’univers comme il se dévore lui-même." Or donc, la fonction de tous les éditos des éditorialistes agréés du système qui croient déjà, veulent croire déjà, discerner les premiers signes de la reprise, ne semblent viser qu'à redonner confiance au consommateur, à le lobotomiser donc, pour qu'il retourne à sa fonction première: dé-penser.
La révolution dans la non-consommation? Dans ce même article, Philippe Grasset soulève une question intéressante en s'interrogeant sur le fait que ce refus de consommer est peut-être une nouvelle forme de révolution face au système: "Au fond, c’est peut-être simplement la question de la révolte et de la révolution qu’on ne peut plus faire selon les normes habituelles, dans le système tel qu’il est devenu: (...) la révolte et la révolution sont-elles dans ce refus de dépenser?" Notre civilisation est à la fois décadente, donc naturellement vouée à disparaître, et hyperpuissante, donc artificiellement invincible. L'émergence d'une nouvelle civilisation-relais, obéissant au cours naturel d'une Histoire faite d'une chaîne de civilisations, est donc impossible. Seule solution: une implosion contrôlée (ou non) à travers un schisme. De même, le système capitaliste a beau être perverti à l'extrême, il est surpuissant et donc virtuellement invincible par une opposition frontale. Reste donc l'implosion par le schisme, où l'on verrait le consommateur faire sécession en refusant de prolonger la partie. Allez savoir...
Pour faire bonne mesure, voici donc l'une ou l'autre analyse du Laboratoire Européen d'Anticipation Politique (LEAP) qui avait, dès 2007, annoncé la crise actuelle et dont les thèses tranches singulièrement avec celle des économistes agréés du système.qui eux, n'avaient rien vu venir du tout et nous disent aujourd'hui que tout va redémarrer en 2010.