L'inquiétante résurrection de Samir Geagea
Une position, à Beyrouth en 1989, de la milice des force libanaises de Samir Geagea, peu après son retournement contre l'armée légaliste du général Aoun à la demande des Américains. |
L'homme est tristement célèbre. Assassin sans scrupules, il a
été condamné trois fois à la prison à vie en 1995 pour les meurtres de Dany
Chamoun et de sa famille, d'un responsable chrétien, Elias Zayeck, ainsi que
pour la tentative d'assassinat de Michel Murr. Ce sont aussi ses hommes qui, en
juin 1978, ont assassiné Tony Frangié, le fils du président, sa femme et ses
enfants dans leur propriété d'Ehden. Samir Geagea a été blessé dans l'opération
mais n'aurait pas directement participé aux assassinats. Ses détracteurs disent
le contraire. En 1999, Geagea à nouveau été condamné à la prison à perpétuité
pour le meurtre de l'ancien premier ministre Rachid Karamé. Sa milice, financée,
entraînée et armée par Israël, avait aussi été instrumentalisée pour diviser le
camp chrétien à l'heure où le général Michel Aoun, nommé premier ministre en
1988 conformément à la Constitution libanaise, tentait d'unifier le Liban et de
le libérer de l'occupation syrienne. Dans cette guerre faussement baptisée
fratricide par la presse, ses troupes s'étaient livrées aux pires exactions en
bombardement les populations civiles, en massacrant des prisonniers
(Entrefilets a en sa possession des photos de plus de 30 officiers de l'armée
légaliste du général Michel Aoun qui, durant la pseudo guerre fratricide, ont
été massacré à la hache par des membres des Forces libanaises).
Gracié (!!!) le 19 juillet 2005, l'homme est pourtant à nouveau accueilli
par le sérail, est interviewé à la télévision bref, s'est vu offert à grand
renfort de propagande une nouvelle virginité. Or il semble bien que ce monsieur
ait été exhumé pour reprendre du service dans les seuls domaines d'activités
dans lesquels il a toujours excellé: la trahison et l'assassinat.
En effet, Entrefilets a appris de sources bien informées que, parmi les
42 personnes arrêtées à ce jour dans le cadre de
l'assassinat de Pierre Gémayel, un certain nombre incriminerait des
hommes de la milices de Samir Geagea, les Forces libanaises.
Par ailleurs neuf personnes ont récemment été arrêtées en train de préparer
manifestement l'assassinat du général Michel Aoun. Or toutes ces personnes
étaient, elles aussi, membres des Forces libanaises. Certaines d'entre-elles
étaient plus précisément d'ex-membres d'une troupe d'élite de Forces libanaises,
l'unité «El Sadem» [«le choc»], spécialisé dans les basses oeuvres de la milice.
L'événement a fait la une des quotidiens
Safir
(traduction sur Al-tayyar.org) et du
Akhbar, et a été développé par la chaîne du Hezbollah al-Manar, mais
n'a bien sûr trouvé aucun relais auprès des grandes agences qui "font"
l'actualité, ni même auprès de l'Orient le jour d'ailleurs, devenu
l'organe de parti du clan Hariri.
Selon l'article du Safir, l'armée libanaise a arrêté un groupe de neuf hommes
s'entraînant dans la région de Shahtoul dans le Ftouh Kesrwan au tir sur cible
avec des fusils «M16» et «AKF», des viseurs «MT5», et plusieurs pistolets GLOCK.
Les hommes disposaient en plus d'un matériel de communication extrêmement
sophistiqué. Les neufs hommes ont avoué qu'ils faisaient partie de l'appareil
sécuritaire des Forces libanaises (FL). L'armée a confisqué leurs trois
véhicules tout-terrain, qui avaient tous le même numéro de plaque
d'immatriculation et qui étaient peints en marron et noir. Une carte de la zone
de Rabieh, ou vit le général Michel Aoun, a été trouvée dans un des véhicules,
ainsi que sa photographie et un mannequin placé sur un des sièges. Six des
personnes interpellées ont reconnu que, avant la dissolution des FL en 1994,
elles faisaient partie de l'unité «El Sadem» [«le choc»], constituée а l'époque
de plus de 40 combattants, trente d'entre eux ayant été а nouveau recrutés par
les FL il y a environ un an. La plupart d'entre eux vivaient а l'étranger, et
l'un d'eux est actuellement chef de la sécurité de Samir Geagea. Lorsque la
chaîne Al Manar a diffusé la nouvelle, une série de déclarations contradictoires
ont été émises, et tentaient d'orienter l'affaire dans la direction de
personnels de sécurité de la LBC [la chaîne de télévision initialement fondée
par les Forces libanaises de Bachir Gemayel].
Les FL ont immédiatement et «sans équivoque» nié les informations d'Al
Manar et les ont qualifiées de «mensonges», tandis que le PDG de la LBC, Pierre
Daher, a fait savoir а l'armée libanaise et aux autorités judiciaires que les
détenus sont des membres de l'équipe de sécurité de la LBC et sont également а
son service personnel, et qu'ils effectuaient leur entraînement hebdomadaire du
lundi. Bien sûr, bien sûr. Mais Daher n'a pas pu fournir d'explications
convaincantes quant aux armes non enregistrées, sur les documents trouvés dans
les véhicules, et le problème des plaques d'immatriculations identiques pour les
trois tout-terrain saisis. Le conseiller-média de Geagea, Antoinette Geagea, a
par la suite affirmé que les détenus faisaient partie du service de sécurité de
Daher, tandis que le département-média des FL a émis une déclaration expliquant
clairement que les FL sont un parti politique qui obéit aux lois et qui pense
que les armes devraient uniquement être aux mains de l'état libanais et de
personne d'autre. Certes.
Le dimanche 25 février dernier dans une interview à la chaîne NBC, Soleimane
Frangié, a demandé pourquoi personne ne se demandait où était Tony Obeid, un
ancien responsable de l'unité Al-Sadem des FL, le jour de l'assassinat de Pierre
Gémayel. Obeid était sensé être en Australie mais serait entré clandestinement
au Liban peu avant l'assassinat de Pierre Gemayel. M. Obeid a démenti la chose
bien sûr. Affaire à suivre donc.