L'hypothèse d'une dislocation des Etats-Unis (épisode II)
03/07//2009 La Californie est en
cessation de paiements
! Et sept autres Etats US sont en passe de l'être ! Par ailleurs, à en
croire les prévisions, jusqu'à ce jour vérifiées, du
LEAD, ce sont les Etats-Unis dans leur ensemble qui pourraient être en
cessation de paiements à la fin de l'été. L'hypothèse d'une disloquation des
Etats-Unis à la faveur de la crise et des temps extraordinaires que nous vivons
prend dès lors une certaine chair. Et si les Européens, prisonniers à la fois du
déni face à l'ampleur de la crise et du fantasme paralysant de l'American Dream,
sont psychologiquement incapables d'envisager sérieusement une telle hypothèse,
il n'en va plus de même aux Etats-Unis où le thème de la sécession, pudiquement
rebaptisé "dé-volution",
n'est
plus un tabou
. Ce qui en dit long sur l'évolution quasi révolutionnaire qu'impose la
crise aux psychologies Outre-altantique. L'idée générale est que des Etats
naturellement et historiquement rétifs au centralisme washingtonien pourraient
être tentés par des manoeuvres de
tax-rébellion
et ne plus verser leur dîme au pouvoir central. Ce qui amorcerait la pompe
d'un mouvement sécessionniste.
Impossible ? Là encore, il convient de sortir des mythes:
Fin mars, dans notre
première brève sur le sujet, nous évoquions la fragilité extérieure des
Etats-Unis, notamment l'effondrement de sa puissance militaire, de son influence
et de sa crédibilité sur la scène internationale. Mais aussi et surtout sa
fragilité intérieure, sa fragilité structurelle. Soulignant que les Etats-Unis
ne sont pas à proprement parler une nation, mais bien plutôt un assemblage, un
système utilitaire. De defensa.org: "L’Amérique est une fondation utilitaire,
nullement une fondation héroïque. (...) Elle n’a pas cette transcendance qui est
notamment établie par la vertu de l’héroïsme (ou «sacrifice de l’intérêt
particulier au bien général»). L’intérêt particulier a trouvé un bon placement
dans une association et une organisation générales, justement nommées “bien
général”; ce n’est nullement un “bien public” au sens classique, impliquant une
mise à la disposition de tous d’une manière générale, comme à une collectivité
historique, renvoyant ainsi à la notion de transcendance. Les citoyens US sont
les actionnaires de ce “bien général” et lui demandent régulièrement des
comptes, avec bien sûr les plus malins qui remportent la mise. Tout cela marche
bien, comme une entreprise bien gérée, où la rentabilité pour les actionnaires
est la référence suprême." Nous ajoutions que les circonstances mêmes de la
création de ce pays le prive de tout lien naturel avec la terre qu'il occupe
puisqu'il a été bâti sur un territoire volé au terme du génocide des Nations
indiennes. La légitimité du lien à la terre, qui constitue la référence
première, le socle organique de la constitution d'une véritable nation, fait
encore ici défaut. En cela, les Etats-Unis sont donc un pays "flottant" à la
surface d'une terre volée. En résulte un assemblage artificiel profondément
divisé où les tensions permanentes entre les diverses régions et communautés
évoquent "la révolte encore contenue des différences antagonistes rassemblées
de force par un système",
souligne encore de defensa.org, qui rappelle que "Lincoln et Grant
savaient ce qu’ils faisaient lorsqu’ils ordonnaient à Sherman de tout détruire
de la culture sudiste, de la “nation sudiste”, dans sa fameuse “marche de
Géorgie” de 1864, parce qu’ils savaient que le système ne peut accepter une
véritable diversité".
Une fois débarassés des fantasmes hollywoodiens, nous nous apercevons
donc que les Etats-Unis sont structurellement relativement faibles, et qu'ils
sont confrontés aujourd'hui à une situation générale, la crise systémique, tout
à fait extraordinaire de par sa nature et son ampleur. C'est cette conjuguaison
qui rend plausible désormais l'hypothèse d'une disloquation.
Et si c'était la solution? Une disloquation des Etats-Unis est-elle
souhaitable? Sans nul doute oui. Absolument. Le système américaniste dans lequel
nous vivons depuis l'après guerre a accouché d'un système capitaliste d'une
voracité extraordinaire, totalement pervers dans son fonctionnement et ses buts,
monstrueux même puisque fondé sur l'injustice, le pillage et la dilapidation des
ressources, l'accumulation et la concentration extrême des richesses, la
privatisation du vivant, l'exploitation du Sud par le Nord, le retour de
l'esclavage (déguisé certes). Un système antropophage d'une agressivité et d'une
brutalité inouïe dans lequel les contraintes générées par les sociétés humaines,
le règne animal, la biosphère bref, la vie en général, sont tenues pour
ennemies. La disparition d'un tel système est donc non seulement souhaitable,
mais vitale.
Sauf que nous en sommes arrivés au point où un paradoxe particulier
empêche tout renversement du système. La civilisation qui a créé ce système est
naturellement décadente, donc vouée à disparaître, mais en même temps, grâce à
la technologie, elle est devenue hyperpuissante, donc artificiellement
invincible. Le cours naturel d'une Histoire faite d'une chaîne de civilisations
s'en trouve donc gelé, aucune civilisation-relais ne pouvant émerger. Cette
situation ne peut naturellement conduire qu'au pourrissement et/ou au
totalitarisme. En quelque sorte une civilisation-cadavre (dont la dernière
capacité serait celle d'anihiler ou d'incorporer toute concurrence) sur
laquelle la technologie pratiquerait la respiration artificielle. L'on mesure
immédiatement que seul un schisme, une fracture venue de l'intérieur donc, peut
encore briser le cercle vicieux. C'est en ce sens que la disloquation des
Etats-Unis dont l'existence même est paralysante (notamment pour des
Européens enchaînés à leurs fantasmes), est peut-être notre seule porte de
sortie.