La fenêtre d’opportunité du Bloc se referme

22/02/2012 Dès le lendemain des attentats du 11 Septembre, les faucons étasuniens avaient déposé leur liste sur le bureau ovale : l’Afghanistan bien sûr, mais aussi l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et l’Iran devaient être détruits ou, à tout le moins, leur régime renversé. Pour les idéologues de la suprématie étasunienne, il s’agissait de profiter enfin au maximum du «moment unipolaire» inauguré (1) après l’effondrement de l’URSS pour asseoir la domination de l’Empire et de ses zélateurs au sein du Bloc atlantiste. Ceci avant que de nouvelles puissances émergentes ne fassent valoir leur prétention.
Aujourd’hui, la «fenêtre d’opportunité» est en train de se refermer.
Certes, l’Irak a été démembré, l’Afghanistan dévasté, la Somalie détruite, le Soudan divisé et la Libye écrasée. Mais le bilan quantitativement positif – 5 pays atteints sur huit visés– est trompeur.
L’Afghanistan est en passe de retomber aux mains des talibans ; l’Irak a basculé dans l’escarcelle chiite et la Libye sombre tranquillement dans la guerre tribale. Le Liban a, quand à lui, repoussé efficacement l’assaut lancé contre lui en 2006, et le Bloc peine aujourd’hui à faire chuter le régime syrien alors qu’il n’a pas encore été en mesure de porter le fer à Téhéran. Tout l’agitation entretenue autour de la question absolument dérisoire (2) du nucléaire iranien ne sert ainsi qu’à figer artificiellement la tension. Mais la situation s’enlise, se complique, notamment à cause de la résistance syrienne, et s’embrouille même jusqu’à créer la discorde chez l’ennemi.

Le BRICs et la dette en embuscade
C’est que la marge de manœuvre du Bloc atlantiste s’est considérablement réduite depuis quelques mois sous une double pression.
D’abord, sous la pression des puissances émergentes du BRICs – avec comme fer de lance une Russie revenue aux affaires–, qui font désormais valoir clairement leurs prétentions et contrecarrent ouvertement les projets atlantistes.
En Chine, on avance ainsi tranquillement ses pions en travaillant efficacement en sous-main à l’affaiblissement de l’Empire, tout en s’alliant à la Russie pour contrarier le Bloc sur le front syro-iranien.
La position dominante en Amérique latine peut globalement se résumer par le jubilatoire «Yankee di mierda» du truculent Chavez. De son côté, l’Inde se tient à bonne distance de l’hystérie atlantiste et négocie ses propres accords avec Téhéran, y compris sur la question pourtant si sensible de la vente de pétrole hors la prison-dollar, au grand dam de l’Oncle Sam.
Partout, le rejet du modèle occidental fait l’unanimité à la moindre votation et il n’y a plus guère que les petits pays clients et des pétro-monarchies domestiquées pour obéir encore aveuglément aux injonctions du Bloc.
«La haine de l’Occident» d’une part et, d’autre part, les ambitions de puissances montantes désormais décomplexées sont donc en train de marquer la fin du «moment unipolaire», et plus généralement de sonner la fin de la partie pour le Bloc atlantiste.
Ça sent le sapin, comme on dit, pour l’hégémonie occidentale.

Sauve-qui-peut
La deuxième pression qui plombe l’élan mortifère du Bloc est, bien sûr, la banqueroute généralisée qui le ronge et qu’il n’arrive plus à masquer depuis la crise des subprime. Le sauve-qui-peut a commencé en matière de bons du Trésor US et, accessoirement, les histoires les plus effarantes voient désormais le jour autour de la monnaie de singe étasunienne.
En Europe, la tragédie grecque dégringole d’un plan de sauvetage à l’autre et un défaut de paiement est toujours probable. Certains pensent d’ailleurs savoir quand le grand cirque commencera, et Wall Steet semble d’ores et déjà se préparer au pire.
Dans le pipeline maudit, le Portugal, l’Espagne, l’Italie peut-être, et pourquoi pas la Grande-Bretagne, attendent leur tour. Quant aux pays qui «vont bien», on se demande souvent à quoi ils doivent exactement leur bonne santé puisque la paupérisation galopante se poursuit même chez eux. Et bien sûr, tout ce petit monde est prisonnier, à un degré ou à un autre, de l’immense bombe à retardement de la dette américaine.
Dans ces conditions, difficile de soutenir des campagnes militaires aussi coûteuses que risquées, et dont les retours sur investissements paraissent de plus en plus hasardeux.
La fenêtre d’opportunité se referme donc, et le forcing de Tel-Aviv pour en découdre avec Téhéran montre que l’entité sioniste a pris conscience des changements en cours, et craint de voir la petite boucherie perse tant désirée (3) lui échapper. 

(1)    La première guerre du Golfe, survenue quelques mois seulement après la chute du mur, a été la première tentative orchestrée de capitalisation de ce moment unipolaire.

(2)     Profitons au passage de souligner que tous les spécialistes un peu sérieux admettent en effet que même si Téhéran devait se doter de l’arme atomique un jour, elle ne servirait qu’à sanctuariser son territoire dans une politique de pure dissuasion, sans qu’il y ait le moindre risque qu’elle ne soit utilisée un jour. En janvier 2007, Jacques Chirac avait très simplement résumé l’équation: «Où l’Iran enverrait-il cette bombe ? Sur Israël ? Elle n’aura pas fait 200 m dans l’atmosphère que Téhéran sera rasée.» Ah, le bon sens chiraquien !

(3)      Israël veut rester le seul gendarme au Moyen-Orient et a toujours œuvré et œuvre encore à la destruction de tous ses rivaux potentiels en appliquant sa politique du morcèlement arrêtée il y a près de 30 ans. L’objectif des guerres de l’entité sioniste est aussi économique. Elle entend rester la principale puissance économique régionale en réduisant ses concurrents par la force militaire si nécessaire. On a pu observer ce «volet économique» des guerres israéliennes au Liban en 2006. Hormis l’aéroport international de Beyrouth, les centaines de ponts, de routes, d’autoroutes et de ports détruits par les bombes israéliennes, des dizaines d'usines et de manufactures sans aucune valeur militaire avaient  été visées. Dont Lecico, la plus importante entreprise de… sanitaires, et Liban-Lait, grande usine de produits laitiers (on a su par après qu’il s’agissait d’éliminer dans ce cas un concurrent aux entreprises israéliennes pour la fourniture de produits laitiers aux contingents de la Finul. A ce tableau viennent évidemment d'ajouter les centaines de commerces et d'infrastructures touchés ou détruits par l'Etat hébreu, laissant des milliers de patrons et d'employés sur le carreau, et privant pour longtemps le pays de la confiance des investisseurs.