Jeux de guerre en méditerranée

29/11/2011 Avec leur 50'000 milliards de dette totale, les Etats-Unis sont en banqueroute, talonnée dans leur débâcle par une Europe vassalisée, le tout formant la tête de pont de ce que nous appelons familièrement ici « le Système» [américano-occidentaliste pour être précis], et dont l’effondrement occupe l’essentiel de nos réflexions.
Or, même déjà embroché sur l’iceberg de ses contradictions, notre hyper-Titanic est incapable d’inverser la manœuvre, de lever le pied, totalement prisonnier qu’il est de son idéal de la puissance et du déchaînement de la matière qui en constituent la substance. Substance qui a accouché de cette sorte de contre-civilisation où le haut est en bas, où le noir est blanc, où le nihilisme est vertu, où la violence et l’absence de sens dominent tout.

Un million et demi de morts
Résultat : c’est la fuite en avant vers davantage de dettes, davantage de désordre, davantage de guerres, avec un jusqu’au-boutisme absolument fascinant qui est généralement celui non pas des conquérants, mais bien celui des désespérés. La mécanique déchaînée du Système est devenue, assez logiquement d’ailleurs, mécanique d’autodestruction.
Ainsi, après la destruction de l’Irak, celle de l’Afghanistan et celle de la Libye  ; donc après le massacre d’au bas mot un million et demi de personnes sacrifiées sur l’autel de sa vertueuses narrative droit-de-l’hommiste, le Système cherche désespérément d’autres territoires où semer la mort et le chaos. Et dans le fracas des armes, créer cet écran de fumée si pratique pour dissimuler l’impasse dans laquelle il se trouve, dissimuler les fractures qui le gagnent, dissimuler la contestation qui enfle en son sein.
Ce qui nous amène tout naturellement au cas syrien, où les légitimes revendications populaires du début ont été grossièrement instrumentalisées, amplifiées puis finalement militarisées pour justifier une éventuelle réédition du scénario libyen, histoire d'achever le Grand-Oeuvre de remodelage du Moyen-Orient amorcé par le gang W. Bush et consorts.

Relents de guerre froide
Sauf qu’il semble aujourd’hui qu'une ligne rouge se dessine, tracées par la Chine et les pays du BRICs, et principalement la Russie, que l'hystérie militariste du Système commence vraiment à agacer. Une ligne rouge aux relents de guerre froide donc.
Selon Russia Today, le porte-aéronefs Amiral-Kouznetzov avec son groupe de bataille ferait ainsi route vers la Syrie. Cette visite de courtoisie était officiellement prévue depuis un an. Mais le simple fait que les évènements survenus depuis en Syrie n’aient pas conduit Moscou à bousculer son agenda en dit long sur sa détermination à réaffirmer avec force son opposition à l’offensive militaire atlantiste apparemment prévue contre Damas.
L’Amiral-Kouznetzov embarque accessoirement huit chasseurs Soukhoi Su-33 ; une dotation significative de MiG-29K d'interception et de combat aérien ; deux hélicoptères Kamov Ka-27 et un armement naval fixe très lourd (12 missiles surface-surface anti-navire Granit, deux systèmes ASM UDAV-1, un système de missile surface-air Kinzhal et huit batteries de canons de défense aérienne rapproché Kashtan).
De son côté, Al Quds Al Arabi croit même savoir que la Syrie a déjà reçu des missiles sol-air ultrasophistiqués de type S-300 de la part de la Russie , engins capables d’intercepter des missiles balistiques ainsi que des cibles aériennes. Des experts russes se seraient rendus en Syrie pour aider à déployer et à rendre opérationnelles ces batteries de missiles. La Russie aurait également livré en Syrie un système de radars couvrants tous les objectifs aériens militaires jusqu’à Tel-Aviv, et qui couvre également tous les mouvements de la base aérienne d’Incirlik en Turquie, qui sert à l’US Air Force et aux forces de l’OTAN. Evidemment, le Bloc atlantiste avance également ses pions. Outre la mobilisation de l’entier de la presse-Pravda pour préparer les esprits à une nouvelle guerre humanitaire contre un méchant dictateur génocidaire et phallocrate, les USA ont fait manœuvrer l'USS George H.W. Bush (code CVN 77 sur la carte) et plusieurs destroyers lance-missiles de la VIe Flotte. Après une escale à Marseille, ils devaient également se diriger vers les côtes syriennes.

De la Syrie à l’Iran, en passant par l’Afghanistan
La probabilité d’un affrontement entre les deux superpuissances est toutefois nulle.
D’ailleurs, la manœuvre russe obéit sans doute davantage à des considérations de politique intérieure,  défier l’Empire étant toujours électoralement profitable à l’heure où la cote d’amour de Poutine patine. Mais en même temps, elle vise à allumer aussi un petit voyant rouge qui dit clairement au Pentagone de ne pas pousser trop loin grand-mère dans les orties.
Les Russes ont d'ailleurs quelques moyens de pression non négligeables. Avec la récente bavure de l’OTAN au Pakistan par exemple, c’est le couloir logistique de ravitaillement des troupes US qui est désormais menacé dans ce pays. Or si le blocage d’Islamabad devait s’inscrire dans la durée, ne resterait pour l’OTAN que le couloir russe justement pour ravitailler ses troupes. Et si celui-ci devait faire défaut pour cause de querelle, c'est une retraite d'Afghanistan façon "Saigon" qui attend les fiers combattants du Bloc.
La Russie dispose donc de solides arguments pour modérer les ardeurs atlantistes sur la question syrienne et, par extension, sur la question iranienne puisque, pour le vertueux Bloc atlantiste, la Syrie n’est qu’une étape sur la route de Téhéran.
Au final, on en viendrait donc presque à penser que la Russie , et accessoirement la Chine et les pays du Brics, sont aujourd'hui les meilleurs, en fait les seuls garde-fous aux délires bellicistes du Système.
Ironie de l’Histoire ?