Un Liban si rassurant

10/06/2009 Or donc, voilà l'intelligentsia politico-médiatique de l'Occident bien pensant qui respire. Ouf, on l'a échappé belle. L'opposition et plus singulièrement les barbus du Hezbollah libanais n'ont heureusement pas décroché la majorité, même avec l'aide de leurs alliés chrétiens du CPL de Michel Aoun. Et peu importe que la coalition victorieuse dite du 14 mars, conduite par l'étincelant Saad Hariri, regroupe des assassins (Geagea, Joumblatt et consors) et autres corrompus qui ont été les collaborateurs zélés de l'occupant syrien entre 1990 et 2005 (Siniora, Hariri et consors); peu importe que le fameux héros de la nation, Rafic Hariri, père du petit Saad, ait ruiné le pays et rempli les poches de sa famille (2 milliards de dollars de dette publique au sortir de la guerre, 40 milliards à la fin de son règne); peu importe que le petit Saad, grâce à ce trouble héritage et aux centaines de millions de dollars séoudiens débloqués pour l'occasion, ait fait venir des expatriés Libanais par dizaine de milliers en leur offrant leur billet d'avion en échange de leur vote dans les circonscriptions à risque; peu importe que 10'000 habitants sunnites ait été inscrits fauduleusement dans le village de Zahlé pour contrer le CPL; peu importe les pressions sur les électeurs aounistes et le festival indécents des ingérences américaines en faveur du 14 mars; peu importe en définitive que ces élections ait été manipulées par tous les moyens possibles; et surtout peu importe que le Hezb et ses alliés chrétiens aient voulu précisément en finir avec la corruption et le clientélisme qui ravagent le pays; peu importe, peu importe, peu importe.
Pour l'Occident et les dociles éditorialistes agréés du système, la seule chose qui compte est que les supposés grands méchants du Hezb ne se soient pas imposés avec leurs affolantes idées de changement et de réformes. Tout le reste, c'est à dire le fond, l'âme de la chose, les valeurs qui sont sensées fonder la réflexion de l'Occident dans sa défense d'une démocratie dont il affirme qu'elle est le seul modèle moralement défendable, et bien tout cela n'a, en fait, absolument aucune importance, aucun intérêt. L'essentiel est que l'on puisse continuer à faire des affaires avec le gang désenturbané d'Hariri, continuer à manipuler le Liban, à le malaxer, à l'ingérer, à le digérer, et tout cela au détriment du peuple libanais bien sûr. Mais vous l'aurez deviné, le peuple libanais, on s'en fout. Et la démocratie itou.
Rien de nouveau toutefois, me direz-vous. Car avec son boycott du Hamas, pourtant victorieux en Palestine occupée à l'issue d'un scrutin d'une transparence exemplaire, l'Occident avait déjà tombé le masque en démontrant que, pour lui, la seule démocratie respectable est celle dont le résultat des urnes favorise ses intérêts stratégiques et/ou pécuniaires. Point barre. D'où son soutien aux dictateurs ou despotes algériens, tunisiens, égyptiens etc.... etc... etc.... Le reste, c'est à dire le fond, l'âme de la chose, la démocratie, la liberté, les droits de l'homme, c'est du discours, du papier d'emballage, du pipeau quoi, dont la seule fonction est de permettre aux "électeurs" du système de dormir tranquille, de croire qu'ils sont dans le bon camp, au service de la bonne cause.
 Soporifique tout ça. 
Au fait, conscients d'avoir été floués mais plaçant l'intérêt supérieur de la Nation au-dessus de tout autre considération, les barbares barbus de l'opposition ont immédiatement accepté le résultat de ces élections frauduleuses pour éviter le pire. Comme quoi, il y a bien des démocrates et des souverainistes au Liban, mais ce n'est décidément pas ceux que croient l'Occident et ses dociles éditorialistes.
Ultime précision à l'adresse de ces dociles porte-voix du système: avec 865'012 voix, l'opposition (et ses barbus donc) totalise 54,9% des voix, alors que la majorité actuelle n’a à son compte que 680'000 voix, c’est à dire 45,1% des 1'575'617 électeurs libanais qui ont voté. Au suffrage universel, l'opposition (et ses barbus donc) est donc largement victorieuse. Ce qui permet toutefois à la fausse majorité du 14 mars de se maintenir au pouvoir, c'est notamment le système de répartition des sièges issu des Accords de Taëf adopté en 1989, durant la guerre, par une poignée restante de parlementaires achetés, vendus ou menacés. 
Soporiphique donc tout ça, et, avouons-le, un tantinet agaçant.