Epuisée pas sa propre médiocrité, l’élite française n’y croit plus

29/07/2010 Interrogé au JT d’une chaîne française mardi soir sur de possibles représailles après la mort de l’otage français au Sahel, le ministre de la Défense, Hervé Morin, a synthétisé en quelques phrases ce vide sidéral, cosmique, qui constitue la pensée de l’élite hexagonale, sous Sarkozy en particulier.
Bredouillant rapidement quelques évidences pour dire que non, il n’y aurait pas de représailles (« le Sahel est trop grand »), il a immédiatement tenté de noyer cet aveu un peu honteux par une envolée qui se voulait lyrique sur l’ubuesque al-Qaïda, qualifiant la menace de « planétaire » et même d’« universelle », disant ensuite l’impérieuse nécessité de combattre un réseau qui peut frapper « partout, dans le monde entier ». On croyait entendre Doobleyou…
Sauf qu’au-delà des faits, qui ont de moins en moins d’importance dans la narrative occidentale, l’on sentait bien que le pauvre Morin n’y croyait pas vraiment, à son histoire de réseau islamo-dark-vadorien, qu’il était là pour faire son show, mais que tout cela le fatiguait un peu, assez en tout cas pour le rendre incapable de fournir la « niaque » nécessaire à crédibiliser un tant soit peu son propos.
C’est qu’il le sait bien, le pauvre Morin, que comme le disent les meilleures spécialistes, al-Qaïda est mort dans les montagnes de
Tora-Bora en 2002 déjà. Et que si quelque obscurs groupuscules de bandits s’en réclament régulièrement, c’est précisément parce qu’ils savent les réflexes pavloviens que cela suscite en Occident, et que ce label les sortira de l’ombre instantanément.
Mais bon, il faut bien vendre la semoule à la plèbe, en essayant de convaincre au moins ceux qui peuvent l’être encore, ceux qui ont l’intelligence la plus humble, la moins exigeante, les islamophobes peut-être ? Les militants UMP?
Et puis il faut bien justifier la mort des « gars » (*) en
Afghanistan, où la France est du côté des gentils pour défendre la démocratie, la liberté, les droits du fox à poil dur et préparer l’arrivée du prochain Macdo-phone ; et pour ce faire, c’est encore al-Dark-vador-Qaïda qu’il faut combattre héroïquement (*), à moins que ce ne soit ces ignobles talibans, ou peut-être ces fourbes de Pakistanais infiltrés, ou encore ces étranges rebelles Hazaras sans doute inféodés aux méchants iraniens, et pourquoi pas le proconsul Karzaï lui-même, lui qui n’arrête pas de nous accuser de tuer des innocents...
Pauvre France, pauvre Morin, pauvre Occident. Qui n’y croit plus, n’y comprend plus rien et qui, sans le vouloir, nous le dit fort bien.

 

(*) En octobre dernier, le  Times de Londres révélait les circonstances de la mort de 10 soldats Français en Afghanistan en août 2009 dans une zone pourtant réputée calme. Mais calme parce-que, nous apprenait le Times, les Italiens qui occupaient le terrain avant l'arrivée des Français payaient des seigneurs de guerre locaux pour ne pas avoir à en découdre. Sauf qu'ensuite, les Italiens ont juste oublié de prévenir les Français de leur petit arrangement.... Etrange pays où les troupes de l'OTAN tentent de survivre tant bien que mal à l'absence de sens de cette étrange guerre en alternant les boucheries aéroportées et les minables petites magouilles de quartier. Tout cela en dit long sur l'esprit de la chose. On fait, comme on dit, avec ce qu'on a. Et ce qu'on a, c'est une machine de guerre occidentale qui a certes la puissance de feu nécessaire à renvoyer des pays entiers à l'âge de pierre, mais c'est tout ce qu'on a. A force d'ânonner les mêmes âneries démocratico-droit-de-l'hommistes pour servir d'écran de fumée à des guerres essentiellement mercantiles, l'élite occidentale a tant perdu de sa crédibilité qu'elle n'arrive plus à convaincre personne, même pas sa soldatesque. En résulte une guerre molle, larvée, sale et surtout ingagnable car menée par des trouffions peut-être magnifiquement high-tech, superbes à l'exercice, mais minables sur le terrain d'y être sans conviction, sans esprit, sans âme et surtout, sans raison.