Les nuages s’amoncèlent autour de l’Iran
29/06/2010 Le coup
d’accélérateur donné ces derniers jours à la montée aux extrêmes face à l’Iran
ne présage rien de bon. Après la
résolution
onusienne et les nouvelles sanctions votées dans la foulée par le bloc
occidental, voici qu’une série de déclarations alarmistes des Services
étasuniens semblent traduire une volonté désormais assez claire de préparer les
opinions publics à une possible attaque « autorisée » des installations
iraniennes par l’Etat voyou israélien.
C’est le Secrétaire d’Etat US à la défense lui-même, Robert Gates, qui a
ouvert les vannes de cette accélération en déclarant le 18 juin dernier (jour
symbolique s’il en est pour les Français) que les Renseignements US faisait état
de la possibilité pour l’Iran de lancer « des
dizaines, voire des centaines de missiles sur l’Europe » si elle le voulait.
Certes.
Dix jours plus tard, c’était au tour du patron de la CIA, Leon Panetta, de
déclarer que L'Iran disposait de suffisamment d'uranium faiblement enrichi « pour
fabriquer deux armes » nucléaires d’ici à deux ans. « Cela
leur prendrait sans doute un an [pour fabriquer la bombe], a précisé M.
Panetta, et ensuite une autre année pour
mettre au point un système opérationnel d'utilisation de cette arme.»
Une énormité qui contredit toutes les évaluations d’experts fournies jusque-là
et qui place l’Iran à des années d’une telle réalisation si tant est, bien sûr,
que la République des Mollahs trouve judicieux de fabriquer une bombe nucléaire
face à un ennemi héréditaire qui en possède déjà 300, et qui peut compter le cas
échéant sur les milliers d’ogives étasuniennes.
Mais qu’importent les énormités dans ce domaine. Plus c’est gros…
Côté psychologies
Après deux ans d’une diabolisation à outrance de l’Iran et de son
inénarrable Ahmadinejad, la pression psychologique semble déjà avoir eu raison
de la raison chez les premiers ministres du G8 au moins. Silvio Berlusconi a
ainsi déclaré à l’issue du Sommet que « les premiers ministres du G8 sont
absolument convaincus qu’Israël attaquera l’Iran préventivement ».
Soit.
Dans les hautes sphères de notre remarquable élite, l’affaire est donc entendue.
Côté pratique
Il faut dire que le dispositif militaire est effectivement en bonne voie.
Trois sous-marins israéliens équipés d’ogives nucléaires sont en train
d’être déployés dans le Golfe persique.
Côté américain, une récente armada a franchi le
canal de Suez et le porte-avions
US Truman vient d’être dépêché sur zone en complément du
Eisenhower, déjà sur place.
Le dispositif est certes insuffisant pour une attaque américaine d’envergure,
mais peut en revanche tout à fait suffire comme appui logistique à une attaque
aérienne de l’Etat hébreu (La menace des
ogives nucléaires israéliennes n’est là que pour interdire toute riposte
d’envergure de la part de Téhéran, du moins sur le papier).
Vertige suicidaire ?
La fable des armes de destruction massive a donc repris du service et la
presse-Pravda tourne à plein régime pour créer les conditions psychologiques
nécessaires à cette nouvelle guerre dans l’opinion publique.
Mais au moins, la
mascarade irakienne obéissait à des calculs tangibles de real-politik
(dollar-pétrole-géostratégie), avec des objectifs compréhensibles dans leur
cynique évidence.
En revanche, concernant l’Iran, rien de tel. La pseudo menace nucléaire étant de
la bouillie pour les chats, toutes cette « mise en place » vers le pire semble
se faire pour des raisons plus sombres, plus nauséeuses, plus sous-terraines,
qui semblent échapper aux principaux protagonistes même de l’affaire dans une
dynamique, nous l’avons déjà dit, qui a définitivement plus à voir avec la
pathologie qu’avec la stratégie.
L’agonie occidentale, dont la webcam de BP diffusant en temps réel
l’hémorragie de pétrole du Golfe du Mexique est une parfaite métaphore,
rendrait-elle nos élites en quelque sorte suicidaires ? Un peu comme ces
personnes qui, atteintes de vertige, préfèrent se jeter dans le vide et mourir
plutôt que de subir ladite sensation de vertige ?
Pour l’élite occidentale, et américaniste en particulier, il semble que cette
sensation de vertige soit celle de l’impasse dans laquelle chacun est encagé,
incapable qu’il est de trouver la parade aux crises en cascade provoquées par un
Système désormais parti en vrilles.
Peut-être la tentation d’éteindre l’ordinateur en espérant pouvoir en reprendre
le contrôle en le rallumant ? Pari ridicule s’il en est, mais séduisant lorsque
l’on est désespérés.
Sauf que l’Iran n’est pas l’Irak. Sauf que les Etats-Unis ne sont plus que
l’ombre d’eux-mêmes. Sauf que, sauf que, sauf que…
Comme le relevait récemment Thomas Naylor, leader des néo-sécessionnistes du
Vermont : «Il y a trois ou quatre
scénarios possibles pour conduire l’empire à l’effondrement, et l’un d’eux est
une guerre contre l’Iran » («There are three or four possible scenarios that will bring down the
empire. One possibility is a war with Iran»).
Wait and see...