Obama broyé, digéré et peut-être bientôt éjecté
31/10/2012 En quatre ans
d’illusions perdues, le pauvre Obama aura au moins apporté la preuve que
la présidence américaine est un titre devenu essentiellement
honorifique. Animé d’une foi à laquelle on reconnaîtra volontiers une
certaine pureté; dévoré d’une ambition que nous ne jugerons pas; aussi
brillant qu’intelligent et, qui plus est, porté par une élection
officiellement jugée comme «historique»,
l’homme avait pourtant tout pour devenir ce président de rupture, ce
grand réformateur, cet
american-Gorbatchev tant attendu. Or Barak Obama n’a été capable de
rien, d’absolument rien. Poussé dans les cordes, il s’est même révélé
capable du pire.
Certes, BHO n’a jamais incarné ce moment «historique»
où le bon peuple américain se serait levé, grave et sublime, pour briser
les dernières chaînes raciales qui l’empêchaient d’accéder enfin à cette
maturité cosmique à même d’ouvrir une nouvelle ère dans l’Histoire des
Etats-Unis, et donc du monde cela va sans dire.
Ça, c’est la narrative-Système que vous ont servie jusqu’à la nausée les
humides plumitifs de la sous-culture journalistique. La réalité est
beaucoup moins glamour. Obama a été élu par la crise des
subprime de 2008, au moment où le chômage et les faillites
ravageaient le pays. Point barre. Il a, en quelque sorte, gagné par
défaut de concurrence un concours de circonstances. Le reste, c’est de
la bouillie pour les chats made in
Hollywood.
Une faiblesse, une faute
Ceci posé, comme nous le disions en préambule, l’homme a au moins
apporté la preuve éclatante que le pays ne se gouverne pas depuis la
Maison-Blanche. Que les vrais leviers du vrai pouvoir son ailleurs, au
cœur de la machine-Système, dans les méandres d’une mécanique brutale où
se mêlent corruption, intérêts particuliers et déterminismes.
La plus grande erreur d’Obama aura sans doute été de ne pas avoir le
courage de s’opposer frontalement au Système en s’appuyant sur le
soutien populaire que lui offrait la configuration particulière de son
élection. Il a cru que son
élection représentait un aboutissement alors qu’elle n’était que
l’opportunité d’un commencement. Il a préféré chercher à tout prix le
compromis, le consensus, l’approbation de ses rivaux.
Cette faiblesse, cette faute, aura rapidement permis au super-organisme
washingtonien de le broyer, de le digérer, de l’assimiler, lui et ses
rêves de changement.
Sa réforme de santé, qui devait être son principal héritage, a ainsi été
vidée de toute substance par l’accumulation de compromis désespérés. Qui
plus est, elle n’a été votée que par les seuls démocrates, sans la
moindre voix républicaine : du jamais-vu.
Aujourd’hui, le pays est plus que jamais divisé et des gouffres
insondables séparent désormais Démocrates, Républicains et mouvances
radicales de type Tea Party. Les groupuscules d’extrêmes droites
associées ou non à des milices armées ont même proliféré sous son règne.
Et bien sûr, les prédateurs de Wall Street ont été recouverts d’un océan
de nouveaux bonus, et le Complexe-militaro-industriel dicte toujours sa
loi. Accessoirement, on notera aussi que le camp de torture de
Guantanamo n’a jamais été fermé.
Que de rêves brisés, que d’espoirs déçus, que de promesses trahies.
Le Prix-Nobel assassin
Blessé dans son orgueil, Obama a encore révélé des aspects beaucoup
moins glamour de sa personnalité face à l’adversité. Réduit à
l’impuissance sur les fronts intérieurs, il a cherché à marquer des
points à l’extérieur. Sous son règne, le rythme des bombardements
effectués par des drones au Pakistan et en Afghanistan a donc
littéralement explosé,
même par rapport aux années Bush réputées mortifères. Même constat
au
Yémen.
Obama a également donné son feu vert à la multiplication des
assassinats extra-judiciaires
comme ceux de Ben Laden ou de l’imam américain el-Awlaki. Un tableau de
chasse auquel on peut aussi ajouter Kadhafi puisque ce sont des
missiles américains
qui ont livré le bonhomme à ses bourreaux. Dans la foulée, BHO a
également approuvé toutes, absolument toutes les opérations secrètes de
la CIA qui lui ont été proposées, hormis celles, laissons-lui cette
pudeur, incluant la torture.
Bref, le Prix Nobel de la paix a certes achevé de retirer les GI d’Irak
et annoncé un retrait des troupes US d’Afghanistan qui reste d’ailleurs
à réaliser, mais il ne s’en est pas moins vautré dans le meurtre de
masse et l’assassinat. Et il l’a fait non pas par conviction, ce que
l’on peut au moins consentir à un esprit aussi trivial que celui de son
prédécesseur, non, Obama l’a fait par calcul politique.
L’échec de sa présidence est donc absolument complet, tant en terme
d’action politique que de magistère moral.
Bon et alors, Obama ou Romney ?!
Aujourd’hui, Obama est devenu l’homme de la division. S’il n’a rien
pu faire, explique-t-il à longueur de meeting, c’est la faute des
autres, de tous les autres, des Républicains, du Tea Party, de ces
adversaires qui ne lui ont pas laissé la chance d’accomplir son Grand
Œuvre.
L’homme qui voulait unifier l’Amérique tente de capitaliser désormais
sur les clivages, sur les différences, sur les oppositions et les
contraires.
Triste spectacle.
Alors quoi, qui donc va porter le prochain masque de Potus, pour la
parade au moins ?
D’un côté ce BHO si glamour, si orgueilleux, si naïf, si disqualifié
désormais ; ou son rival, le multimillionnaire Romney, sorte
d’industriel de la politique, girouette sans idéaux tantôt
pro-avortement, tantôt anti au gré des sondages. D’un côté, un homme
déçu, broyé et digéré donc, mais qui persiste à croire en lui-même et
voudrait bien sa revanche ; de l’autre un CEO parfaitement formaté, sans
état d’âme, prêt à servir la machine-Système avec zèle, à accompagner le
Titanic US sur son Iceberg le menton en avant et la mèche impeccable.
Franchement, on serait tenté de dire, bonnet blanc, blanc bonnet.
Au jeu des pronostics, on pourrait aussi se réfugier derrière de petites
maximes du genre : l’Histoire ne
repasse que rarement les plats, pour dire notre pessimisme quant aux
chances de voire Obama rempiler
(et rempiler pour faire quoi au juste ?).
Mais ce qui nourrit le plus sûrement notre pessimisme est une étude qu’Associated
Press vient de publier et qui montre une
recrudescence des idées racistes
aux
Etats-Unis, tordant ainsi définitivement le cou à la narrative de la
soudaine maturité du peuple évoquée plus haut. 51% des Américains
expriment désormais des idées explicitement racistes, contre 48% en
2008. Et si 49% des sondés de 2008 affichaient des comportements
implicitement racistes, ils sont aujourd’hui… 56%. Bref, un sacré coup
de canif dans la narrative américaniste.
Ironie de l’Histoire ? Peut-être même pas.
Le fait est qu’il n’y a pas grand chose à attendre de cette élection.
Sauf peut-être une fracture plus radicale encore du pays, avec un risque
non négligeable de troubles sociaux majeurs en cas de défaite démocrate.
Le grand projet rassembleur d'Obama accoucherait alors de son exact
contraire dans une métaphore quasi parfaite de la toxicité du Système.
Notre
Hyper-Titanic
poursuit sa course, inexorablement.