De l’orgueil à l’abîme

03/01/2012 Il y a des choses sur lesquelles on peut toujours compter. L’orgueil du Bloc occidentaliste en est une, avec son cortège de certitudes imbéciles et d’aveuglement complet sur les réalités du monde. Le déchaînement mécanique du Système qu’il croit piloter en est une autre, qui le pousse inexorablement à conquérir, incorporer et assimiler ; à envahir, dévaster et détruire selon les cas, puisque telle est sa nature, sa fonction, sa pathologie.
Dans la foulée d’une vertueuse déstabilisation de la Syrie – qui plonge tranquillement le pays dans la guerre civile sous les acclamations humides de la presse-Pravda–, Washington et Paris redoublent donc aujourd’hui d’agressivité face à l’Iran, votant et/ou promettant des sanctions qui sont autant
«d’actes de guerre» d’une confrontation déjà largement engagée.
Et toutes ces choses, toutes ces mécaniques sur lesquelles ont peut toujours compter nous incitent désormais à envisager comme possible…
cette improbable attaque de l’Iran dont on nous parle depuis maintenant près de 7 ans.

Le Système, hors la raison
Oh, bien sûr, si la raison triomphait dans le Système (la raison éclairée s’entend, et non la raison pervertie de la contre-civilisation occidentaliste), tout devrait a contrario plaider pour la retenue, le dialogue, la négociation.
Par exemple le fait que le Bloc atlantiste a accumulé les débâcles et les erreurs à chaque étape de sa laborieuse tentative de remodelage du Moyen-Orient.
Par exemple le fait que l’Iran ait démontré des capacités insoupçonnées à ce jour en termes de technologies
anti-aériennes ou navales.
Par exemple le fait que
Chine et Russie semblent soutenir de plus en plus vigoureusement la République islamique, échaudés qu’ils ont été par l’arnaque libyenne.
Par exemple parce-que les économies du Bloc sont exsangues, et qu’un fiasco militaire de grande ampleur en plus pourrait même leur être fatal.
Par exemple, enfin, parce que les accusations d’un hypothétique programme nucléaire militarisé de Téhéran ne sont que des accusations politiques qu’aucune preuve n’est jamais venue étayer.
Mais le Système tourne à plein régime sur lui-même, emballé dans son sprint autodestructeur.
Et chacun des arguments s’en trouve dès lors renversé.
Revisités par la psychologie exaltée des spin doctors du Système, les débâcles du Bloc sont devenues comme on le sait de glorieuses «missions accomplies».
Les énormes capacités de riposte de l’Iran imposent non pas la retenue mais l’action, suivant l’idée que plus on attend, pire ce sera, même si le fiasco est d’ores et déjà garanti…
Quant au soutien éventuel de la Chine et de la Russie, le Système table sur une esquive de dernière minute de leur part dans cette affaire, sûr qu’il est que personne n’oserait contrarier la Veme Flotte du monde libre...
Or
rien n’est moins sûr. C’est oublier un peu vite, au lendemain du feu vert donné par W. Bush à Saakachvili pour attaquer l’Ossétie du Sud, l’invasion éclair de la Géorgie par des chars Russes certes rouillés et pétaradants, mais diablement efficaces et admirablement coordonnés. Invasion qui avait surpris tout le monde, à commencer par l’inénarrable situation room de la Maison-Blanche qui en était resté sans voix, au propre comme au figuré.
Or il est clair que tout en affichant une neutralité de façade, Pékin et Moscou trouveront dans une guerre contre Téhéran le moyen rêvé de mettre définitivement le Bloc à genoux avec quelques discrets coups de pouce  aux Iraniens le moment venu.

La montée aux extrêmes
Aujourd’hui, la tension est à son comble et les Iraniens n’hésitent plus à
hausser également le ton face aux provocations atlantistes. Ils semblent même tout à fait prêts à affronter la machine de guerre du Bloc.
Téhéran vient en effet de démontrer qu’il est en mesure de bloquer le détroit d’Ormuz très facilement, et c’est d’ailleurs
exactement ce qu’il a fait lors des manœuvres militaires engagées à la fin de l’année passée.
De son côté, le Bloc est prisonnier de sa propre surenchère belliqueuse. Son arrogance naturelle l’empêche de voir la dangerosité de sa stratégie, et encore moins ses faiblesses à l’heure où sa capacité réelle à soutenir un tel engagement sur le terrain n’est pas, mais alors
pas du tout certaine.
En 2006, l’armée israélienne – considérée pourtant comme l’une des plus puissantes du monde et soutenue 33 jours durant par un pont aérien US–, a essuyé la plus humiliante défaite de son histoire face au Hezbollah libanais, démontrant aux stratèges américanisés de Tsahal que la seule capacité de destruction d’une armée ne peut en aucun cas lui garantir la victoire.
Mais c’est une éventualité que le Système, aveuglé par sa propre propagande et son formidable orgueil, ne peut même pas concevoir.

Tout ce qui n’est pas avec nous…
Nous voici donc peut-être aux portes d’une guerre voulue par le Système qui tente désespérément de pousser les Iraniens à la faute, histoire  sans doute de sauver sa vertueuse narrative.
Mais l’Iran doit être écrasé parce que l’Iran résiste au Système, à sa domination, freine son expansion.
Notre Système, gouverné par l’idéal de la puissance, ne vit en effet que pour l’expansion de lui-même, de sa matière, au mépris de ce qui est hors lui.
«Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous», avait prévenu Doobleyou en lançant sa croisade au lendemain du 11 Septembre.
Le trait avait suscité l’ire des salonards parisiens.
On se demande pourquoi.
Car c’est exactement ce que proclame sans cesse à coups de canon la contre-civilisation occidentale triomphante.
Les Lumières sont bel et bien éteintes.
C’est le temps de l’aveuglement, qui conduit logiquement de l’orgueil à l’abîme.