syrie-iran: Le point de fusion approche  

03/08/2012 Il y a des époques comme cela où tout devient possible, où il est raisonnable de ne plus écarter aucun scénario, pas même les plus improbables. C’est que dans un climat où partout dominent l’hystérie, les tensions, les machinations, les crises et les montées aux extrêmes, on résiste mal à la tentation de donner à l’ensemble de la chose un avenir parfaitement merdeux à 9 chances sur 10. Inutile de dire que nous sommes dans une telle époque, avec une conjonction soudaine d’évènements qui attestent que le dangereux point de fusion approche entre les crises syrienne et iranienne.

La flambée syrienne
Il y a d’abord bien sûr la soudaine montée aux extrêmes dans la crise syrienne depuis la mi-juillet. Le Bloc atlantiste a jeté toute son huile sur le feu de la bataille en multipliant les incendies spectaculaires. A Damas d’abord, où l’assassinat de hauts responsables syriens a donné le coup d’envoi des grandes manœuvres de l’insurrection syrienne et des mercenaires libyens, somaliens, algériens, afghans et turcs qui en forment l’élite combattante.
Mais l’opération fut un échec. D’où le lancement de la bataille d’Alep toujours en cours. Mais, là encore, les rebelles syriens et les mercenaires jihadistes piétinent. Plus grave : leur barbarie commence désormais à faire tache dans la narrative bisounours développée par la presse-Système pour justifier le l’opération atlantiste (>>2 / >>3) de regime change, et un massacre de prisonniers à Alep a même fait la une de youtube. Pas bon pour l’image ça. Il faut donc accélérer la manœuvre.
Dès lors, le Bloc occidental a décidé de mettre les bouchées doubles et, comme promis après le troisième double véto russo-chinois à leur dernière résolution, ils vont agir «en dehors» du cadre de l’ONU pour aider les insurgés. Le département d'Etat américain vient ainsi de débloquer 25 millions de dollars pour aider les rebelles syriens et, moins officiellement, Glamour-BHO a signé une directive «secrète» autorisant la CIA à soutenir activement les mercenaires de l’ASL.
Bon, inutile de dire que tout cela ne fait que «légaliser» des pratiques en cours depuis plus d’un an maintenant puisque des «conseillers» de la CIA entraînent les combattants syriens (et leurs compagnons de l’amicale jihadiste) dans de faux camps de réfugiés en Turquie depuis longtemps. Sans parler des Britanniques qui ont été repérés dans les rangs des insurgés eux-mêmes, ni des camps d’entraînements financés en Turquie également par les alliés US que sont le Qatar et l’Arabie Saoudite.

L’étrange disparition du Sultan
Autre évènement intéressant : l’assassinat (ou pas ?) du prince Bandar ben Sultan ben Abdelaziz Al Saoud, qui venait d’être nommé chef des services secrets d’Arabie Saoudite. Le bonhomme a été annoncé mort dans un attentat le 22 juillet dernier, notamment par le réseau Voltaire, plutôt bien renseigner dans ces affaires habituellement. Figure du royaume et le relais privilégié du Bloc atlantiste dans la Maison des Saoud, Bandar ben Sultan est aussi la tête pensante de l’activisme saoudien contre l’axe irano-syrien et il aurait été l’un des maîtres d’œuvre de l’attentat perpétré contre des responsables syriens le 18 juillet dernier à Damas.
Sauf qu’à ce jour, l’Arabie Saoudite n’a ni confirmé ni infirmé la mort du Sultan, laissant ouverte toutes les spéculations.
Quoi qu’il en soit finalement, l’épisode semble attester au moins que dans le Royaume saoudien, lui-même en proie à une contestation qu’il peine à endiguer malgré l’aide zélée des Américains pour écraser les contestataires du régime, la confusion gagne du terrain.

«La guerre dans quelques semaines»
Enfin, le 27 juillet dernier en Iran, l’Ayatollah Ali Khameneï  a annoncé à tous les chefs des armées et des services de sécurité qu’ils participaient à leur «dernier conseil de guerre» car «nous serons en guerre dans quelques semaines».
Cette déclaration étonnamment précise, quelque soit le fond des choses, atteste au moins du fait que l’Iran veut faire savoir qu’il est parfaitement préparé à l’attaque souvent annoncée, et toujours reportée, de l’entité sioniste contre ses installations nucléaires (1). Une attaque par laquelle Israël jouerait les alliés en rupture de ban, histoire de forcer les Etats-Unis à s’engager dans l’aventure.
C’est que Washington et Tel Aviv n’ont pas le même agenda concernant l’Iran. Bien sûr, tout le monde est d’accord sur le fond : il faut briser le dernier axe de résistance à la domination US-raélienne et occidentale au Moyen-Orient que forment l’Iran, la Syrie, une partie du Liban (Hezbollah) et de la Palestine (Hamas). D’où les opérations menées en Syrie pour noyauter Damas et limiter ainsi les possibilités de riposte de Téhéran, qui reste l’objectif final de toute ces manœuvres.
Mais Obama n’a pas nécessairement envie de s’empêtrer dans un conflit potentiellement dévastateur avec le puissant régime iranien durant sa campagne électorale.
De son côté, Tel Aviv est au contraire pressé d’en découdre. L’entité sioniste se méfie en effet d’Obama dont elle n’est pas sûre du soutien une fois les élections passées. Les Israéliens savent donc que c’est maintenant, avant les élections US, qu’ils ont le plus de chance de forcer Obama à les suivre dans une guerre contre l’Iran.
Un échange de propos illustre parfaitement ce bras de fer entre amis. Lors de son récent déplacement dans l’entité sioniste, le secrétaire d’État à la Défense US, Léon Panetta, a ainsi fait savoir aux Israéliens que, pour l’heure, «les sanctions étaient préférables à une action militaire» contre l’Iran. Ce à quoi parano-Netanyahou a répondu: «Le temps est désormais compté».
Le point de fusion entre les crises syrienne et iranienne semble donc se rapprocher et, au final, nous nous retrouvons dans une situation où, désormais, l’entité sioniste a le doigt sur le détonateur d’une guerre régionale dont l’hystérie occidentale en Syrie ne fait que paver la voie depuis des mois. Et fidèle à elle-même, l'entité sioniste semble bien vouloir ouvrir les portes de ce nouvel enfer.

(1)           La stratégie israélienne est connue : organiser régulièrement une tempête de feu et de sang autour de lui pour briser ses rivaux et permettre ainsi à l’entité sioniste de prospérer, seule, dans l’œil du cyclone. L’idée est d’empêcher toute possibilité d’émergence d’un concurrent économique ou militaire, tout en bloquant toute possibilité de coalition contre elle. C’est une stratégie arrêtée depuis longtemps et qui a même fait l’objet d’une publication dans les années 1980.