PRISM : le cœur de la narrative du Bloc explose
01/07/2013 Les élites européennes n’en finissent plus de
s’effarer.
Ainsi donc, l’Allié avec un grand A, le partenaire de toujours, le
protecteur, le grand Frère avec un grand F, les Etats-Unis d’Amérique
donc, traitent et considèrent leurs amis européens avec la même méfiance
que l’ennemi chinois ou russe, voire iranien ou nord-coréen,
c’est-à-dire en
piratant
les ordinateurs de ses élites, leurs emails, en
écoutant
leurs coups de fils bref, en les espionnant sans vergogne. Et nos chères
élites de pousser des
cris d’orfraie
en alternant vapeurs et malaises devant tout ce qui porte micro ou
plume. Sauf que les étasuniens ont toujours espionné les Européens et
que tout le monde le sait. Ce qui pose vraiment problème aux élites
européennes aujourd’hui est qu’ils passent officiellement pour ce qu’ils
ont toujours été pour les Etats-Unis : à savoir des laquais certes
serviles, mais dont il faut tout de même se méfier. Blessure d’orgueil
donc, avant tout. Mais le cœur de la narrative du Bloc vient aussi
d’exploser.
Une vieille histoire
Pour ceux qui ont suivi de près la fantastique manipulation qu’aura
été la deuxième guerre du Golfe, l’affaire est entendue.
Sur entrefilets,
nous avions recensé à l’époque divers scandales d’espionnages US des
élites européennes. Début mars 2003 par exemple, des systèmes
électroniques d'écoutes téléphoniques avaient été découverts dans des
bureaux utilisés par six délégations au siège du Conseil des ministres
de l'Union européenne à Bruxelles
(France, Allemagne, Espagne, Italie, Grande-Bretagne et Autriche).
Le député Philippe de Villiers avait alors dénoncé des
«procédés totalitaires»,
affirmant «qu'aujourd'hui, les
Etats-Unis ont perdu tous sens de la mesure et sont en train de changer
complètement d'attitude en piétinant le droit».
Rappelons qu’à la même époque, l’ONU avait de son côté lancé
une enquête
sur des écoutes téléphoniques
et autres espionnages d’emails
de ses membres par les services US également.
Il fallait donc être bien naïfs pour penser que les Etats-Unis avaient
changé leurs habitudes à l’heure où l’équilibre du monde n’a jamais été
aussi précaire ; à l’heure où la présidence d’Obama s’est inscrite dans
la parfaite continuité de celle du va-t-en-guerre Doobleyou
(guerres en Afghanistan et Libye,
maintien de Guantanamo, multiplication des
assassinats extrajudiciaires,
banalisation des
drones,
octroi de
super-pouvoirs
liberticides,
surveillance
tous azimuts et bien sûr, PRISM).
Le Bloc fissuré
Aujourd’hui, les révélations de Snowden viennent donc d’accoucher d’une
crise inattendue qui s’ajoute au
malaise
initial suscité par PRISM. Ce scandale à l’intérieur du scandale fissure
ainsi le Bloc atlantiste.
C’est la belle narrative des
«Special relationships» entre les Etats-Unis et l’Europe qui
explose.
C’est le réel qui, une fois encore, fait irruption dans le fantasme pour
rappeler quelques douloureuses vérités aux funan-somnambules européens :
- A l’état de nature, les Etats sont des monstres froids.
- Les Etats-Unis, en tant que puissance dominante, sont seuls contre
tous.
- Ils n’œuvrent pas pour le bien collectif, mais dans leur seul et
unique intérêt.
- A cet égard, il ne travaille pas avec l’Europe mais contre l’Europe
qu’ils ont toujours veillé à maintenir en état de dépendance et à
affaiblir au besoin (voir
l’offensive US en faveur d’un élargissement suicidaire).
- Au final, l’Europe n’est de
loin pas un allié pour les Etats-Unis, mais un laquais.
Que nos élites, du niveau que l’on sait,
le découvre aujourd’hui
ou, plutôt, n’arrive plus à se le cacher, ne peut être que salutaire.
La vérité l’est toujours.
De notre côté, à entrefilets, nous avons souvent répété qu’à défaut de
rivaux, le Système ne pouvait qu’éclater de l’intérieur,
par indigestion de lui-même,
sous la pression centrifuge des crises successives qu’il génère.
En voici une nouvelle, et de taille, en attendant la prochaine, qui ne
tardera pas.
L’indigestion menace.