Qui a (encore) peur de la guerre nucléaire ?
07/08/2014
L’offensive antirusse de l’Etat profond qui gouverne les Etats-Unis –
c’est-à-dire l’appareil
sécuritaire alliant CIA, NSA, Pentagone et industries de l’armement
–, est probablement le plus grand danger que le monde moderne ait eu à
affronter. Agitant le très télégénique Obama au bout de ses ficelles
pour faciliter le travail d’enfumage de la presse-Système, il s’est
totalement radicalisé ces deux dernières décennies, à mesure que
devenait inexorable un effondrement de l’hyperpuissance US et de son
système néolibéral. Aujourd’hui, pour ces esprits en surchauffe obsédés
par la préservation à tous prix de l’hégémonie US, même l’option d’une
«attaque nucléaire de première frappe» n’est plus un tabou alors
qu’autour de la crise ukrainienne, la montée aux extrêmes se poursuit,
et que le risque (désir ?) de guerre grandit à mesure.
Le retour du Docteur Folamour
En 2006, un article du Foreign
Affairs,
The Rise of U.S.
Nuclear Primacy,
estimait que les Etats-Unis disposaient désormais d’une supériorité
nucléaire telle qu’elle leur permettrait d’envisager une attaque
nucléaire «de première frappe» (first
strike) victorieuse contre deux adversaires, Russie et Chine,
supposés incapables de riposter.
La chose n’avait pas été du goût des Russes. Poutine
himself avait réagi en affirmant que «l'analyse de la situation internationale et des perspectives de son
évolution poussait la Russie à considérer la dissuasion nucléaire comme
le principal garant de sa sécurité».
Une pluie
d’articles de la presse russe
s’était ensuite abattue sur les affirmations de
Foreign Affairs pour le
dégommer.
Si le message US avait été entendu 5 sur 5 à Moscou, la réponse russe
n’avait bien évidemment ému personne à Washington.
A travers le
déploiement de
l’OTAN
et l’installation de leur fameux
bouclier
antimissiles
dans les ancienne républiques soviétiques, les USA n’ont en effet cessé
depuis de venir menacer directement la
dissuasion russe, sous couvert de parer à la menace iranienne. Un
argument parfaitement ridicule qui
fit d’ailleurs
beaucoup rire Poutine.
Aujourd’hui, certains analystes comme l’ancien sous-secrétaire au Trésor
de Reagan, Paul Craig Roberts, estiment que cette doctrine de la
«première frappe victorieuse»
est (re)devenue une option parmi d’autres dans les esprits malades de
l’Etat profond US, et
tirent la sonnette
d’alarme,
dans le désert bien sûr…
L’Ukraine, mère de toutes les
crises
Pourtant, la crise ukrainienne
déclenchée par
l’Etat profond US
– avec l’aide des groupies européennes du très
télégénique Obama
–, concentre tous les risques de dévissage.
La désormais fameuse émission
Truthseeker,
sur Russia Today, a d’ailleurs
consacré un épisode à cette hypothèse de première frappe nucléaire sur
la Russie, et pour laquelle les Etats-Unis auraient déjà un plan, et
même une date… 2016…
Il ne s’agit pas ici de se perdre en conjectures sur la pertinence
des avertissements de Paul Craig Roberts, ou sur la crédibilité
partielle ou totale de l’enquête de
Truthseekers. Il se trouve simplement que ces signaux d’alerte
s’inscrivent dans un contexte et un enchaînement de faits qui sont
suffisamment graves pour les rendre parfaitement audibles.
Un risque bien réel
Ces faits sont simples.
- La Etats-Unis et leur modèle
néolibéral sont en train de s’effondrer ;
- La suprématie du dollar, devenu monnaie de singe, est ouvertement
contestée (et sans cette
suprématie, plus d’hégémonie);
- La montée en puissance des pays du BRICs est perçue comme une menace
par les USA ;
- Ces dernières années, toute la puissance militaire US a été concentrée
pour encercler la Russie et la Chine, ses principaux rivaux ;
- La crise en Ukraine a été déclenchée pour empêcher la création d’un
bloc concurrent Euro-BRICs, et pour enfermer définitivement l’U E dans
les griffes US (et du
TAFTA) derrière
un nouveau rideau de fer;
- La guerre économique déclenchée par le Bloc atlantiste contre Moscou (qui
réplique
désormais) – alors même
qu’absolument aucune preuve crédible de l’implication des séparatistes
du Donbass dans
le crash du MH17n’a
été produite –,
dénote une volonté claire de montée aux extrêmes «coûte que coûte»;
-
Un projet de loi
concocté par le Sénateur Bob Corker (loi S.2277 /
«The Russian Aggression Prevention
Act») pourrait ouvrir légalement la voie à
une guerre contre
la Russie.
- Le Congrès US,
gangréné comme on le sait par la corruption du
Corporate power, n’a jamais
été aussi fanatiquement mobilisé contre la Russie. Même en pleine Guerre
Froide, on n’avait jamais connu ça.
- L’armement et la formation annoncées de la Garde nationale ukrainienne
par les USA, et la probable implication de l’OTAN dans le dispositif,
forcera la Russie à réagir militairement car, à ce niveau d’intensité de
la confrontation, elle ne peut plus reculer. Face à l’avancée du
dispositif atlantiste, Moscou pourrait donc être contraint d’envahir
l’Est de l’Ukraine pour préserver la «profondeur stratégique» nécessaire
à sa dissuasion.
- Aux dernières nouvelles l’OTAN est en train de
concentrer des
troupes et des équipements
près de l’Ukraine, multipliant d’autant les
risques de dérapages.
Le danger d’une confrontation militaire directe entre les deux
puissances nucléaires est donc bien réel, et augmente désormais de jour
en jour au gré de l’hystérie atlantiste.
L’Europe doit se réveiller
A ce stade, il est important de relever que sans le concours des
laquais européens dans le coup d’Etat fomenté par Washington à Kiev :
point de crise ukrainienne.
Et sans le suivisme de ces mêmes laquais européens dans la montée aux
extrêmes voulue par Washington : point de risque de guerre.
Il faut donc que les élites européennes ouvrent les yeux sur ce qui se
passe réellement ; brisent leurs chaînes atlantistes et cessent d’obéir
aveuglément à Washington.
Dans nos démocraties libérales le peuple n’ayant rien à dire sur les
sujets sérieux, ce réveil pourrait venir de pressions des milieux
économiques ou d’une mobilisation des pays qui ont le plus à perdre dans
ce jeu de dupe imposé à l’UE par Washington.
Compter sur l’intelligence de nos élites est en effet formidablement
hasardeux (on en serait pas là) ;
mais peut-être pouvons-nous compter sur la peur salvatrice qui pourrait
les saisir lorsque, à la faveur d’un évènement ou d’un autre, ils vont
tout à coup prendre conscience que oui, un risque de guerre nucléaire
entre l’Etat profond étasunien et la Russie existe bel et bien
désormais.
Et que l’Europe, comme par hasard, est en première ligne.
Publié par
entrefilets.com
le 7 août 2014 à 17h13