Snowden : une crise de rupture ?


07/08/2013 L’affaire Snowden est en train de prendre des proportions tout simplement fantastiques. Depuis l’éclatement du scandale PRISM, la séquence des évènements témoigne en effet du véritable vent de panique qui balaie désormais le Système américaniste. On a ainsi pu assister : 1) au scandale provoqué par les révélations elles-mêmes ; 2): au quasi détournement d’un avion présidentiel ; 3) à la crise diplomatique qui s’en est suivi entre l’Amérique latine et le Bloc atlantiste ; 4) à l’accélération formidable de la crise entre Moscou et la Maison-Blanche autour de la question de l’asile accordé au lanceur d’alerte ; 5) à l’éclatement d’une crise interne à Washington entre pro et anti-NSA qui dépasse les clivages politiques traditionnels ; et, enfin, 6) à une tentative désespérée d’enfumage généralisé avec le lancement d’une alerte terroriste globale aussi bidon que potentiellement dangereuse.
La situation est pour le moins explosive. Il semble en effet que l’affaire Snowden ait agit comme un véritable détonateur dans la crise à têtes multiples qui secoue le Système, et en particulier sa matrice étasunienne. Partout à travers le monde, la révélation du scandale a ouvert les vannes d’une hostilité souvent jusque-là contenue contre le leadership et les méthodes US.

«Quelque-chose dans l’air»
L’affaire a particulièrement affecté les relations des USA avec les pays du BRICs : colère flamboyante de l’Amérique latine ; relent de guerre froide avec la Russie ; même les Chinois sont sortis de leurs gonds pour dénoncer «le plus grand voyou de notre temps». Le bilan est lourd, très lourd, et seuls les laquais européens ont courbé l’échine comme le veut la tradition.
Mais c’est aux Etats-Unis que les dégâts sont les plus spectaculaires. Dans la société civile, la colère est manifeste contre le pouvoir central. Pas moins d’une vingtaine d’associations ont porté plainte contre la NSA par exemple. Surtout, une véritable fronde s’est levée au Congrès qui regroupe autant des Républicains que des Démocrates ou des francs-tireurs du Tea Party. Le 25 juillet dernier, un amendement au Patriot Act, destiné à  brider la NSA, a été refusé de justesse par 217 voix contre, et 205 pour, ce qui donne une idée de l’importance de la fracture washingtonienne. Mais les initiateurs de l’amendement ne semblent
pas prêts à en rester là et fourbissent leurs armes en attendant la rentrée.
Gleen Greenwald, détenteur et diffuseur principal des informations de Snowden, estime en substance que si la crise Snowden a pris une telle ampleur, «c’est qu’il y avait
quelque-chose dans l’air qui a rendu les esprits disponibles pour une telle controverse politique» – (clearly there was something kind of in the ether that was ready for this sort of political controversy.)
Et pour entrefilets, ce quelque-chose est très précisément cette
intuition, cette perception grandissante dans nos sociétés que d’une guerre à l’autre, d’un vertueux massacre à l’autre, d’un mensonge à l’autre, ce Système américaniste est en train de glisser vers le totalitarisme alors que, parallèlement, seul le déchaînement de la matière semble en mesure de combler l’absence de sens qui caractérise un modèle de société prétendument indépassable.

Al-Qaïda à la rescousse
Désormais dans les cordes, les marionnettistes du Système paniquent. Et donc patatra, voici l’alerte terroriste globale dans un curieux bégaiement de l’Histoire US tout de même, lorsqu’on se souvient que la votation du Patriot Act par le Congrès, suite aux attentats du 11 Septembre, s’était faite sur fond de diffusion de lettres empoisonnée avec une souche d’anthrax issu de la laboratoires US.
Aujourd’hui, alors que les faucons du Système sont menacés dans leurs prérogatives liberticides,  voici donc qu’al-Qaïda, franchise utilisée alternativement par des tarés islamistes, des mafias et, bien sûr, des agences de renseignement occidentales, US en particulier, reprend très opportunément du service.
Et tous les médias-Systèmes flanqués de leurs experts de nous expliquer que oui, bien sûr, al-Qaïda est toujours là, plus dangereuse que jamais, avec ses barbus prêts à égorger tous les enfants de la terre et capables, comme on le sait, de faire s’effondrer
trois tours avec deux avions.
Sauf que là, plus personne n’y croit vraiment.
Et hormis dans la presse-Système, la chose suscite généralement l’ironie
(chez Greenwald notamment) et la désolation navrée.
Cette fumeuse alerte apparaît donc pour le plus probable comme une énième tentative d’enfumage d’un Système aux abois, et selon les méthodes habituelles dudit Système.
Reste que la crise Snowden n’en continuera pas moins à se développer et s’accentuer, précisément parce qu’il semble bel et bien que «quelque chose est dans l’air», qui fera peut-être de la crise Snowden une crise de rupture de nature à accélerer la grande crise d'effondrement du Système.