Osons évoquer la stratégie de tension

19/07/2005 

La condamnation du carnage perpétré à Londres mi-juillet par des fanatiques doit être totale et sans équivoque. Comme celle de tous les massacres de civils perpétrés au nom de n'importe quelle idéologie. Et nos pensées vont d'abord aux victimes et à leurs proches.
Mais en entendant Doobleyou réagir à cette nouvelle tragédie, difficile de ne pas être plus horrifié encore: «La guerre contre le terrorisme continue. (...) Nous ne céderons pas à ces gens, nous ne céderons pas aux terroristes. Nous les trouverons. Nous les traînerons devant la justice. Et en même temps, nous répandrons une idéologie d’espoir et de compassion qui écrasera [au napalm et munitions à l'uranium?] leur idéologie de haine.»
Osons penser que, paradoxalement au premier abord, la seule parade possible contre un adversaire par nature insaisissable et une réponse politique. La violence nourrit le monstre. Et contrairement à l'idée du Pentagone qui était, entre-autres, de créer un abcès de fixation en Irak qui attirerait un nombre limité de terroristes, le bourbier irakien génère le terrorisme. Les peut-être
100'000 civils tués lors de la dernière tentative américaine de propager  «une idéologie d’espoir et de compassion» ont levé des hordes de kamikazes. 
Pour
ne négliger aucune piste de réflexion, osons aussi évoquer la «stratégie de tension», comme au lendemain des attentats de Madrid, le 11 mars 2004 (>>1  ///  >>2). Une «stratégie de tension» qui fait référence à l'implication de la CIA et des SR atlantistes dans le terrorisme qui secoua l'Italie et la Belgique dans les années 1970-1980. Cela au travers des réseaux Gladio-Stay-Behind, notamment, qui infiltraient et/ou aiguillonnaient certains groupes d'extrême-gauche de l'époque. Une comparaison raisonnable pouvait être faite entre les attentats de Madrid et l'attentat de Piazza Fontana en 1969, qui avait fait 17 morts et 85 blessés à Milan, celui du train Italicus, qui avait fait 12 morts et 50 blessés en 1974, et celui de la gare de Bologne, qui avait fait 85 morts et 200 blessés en 1980.
Le but de cette «stratégie de tension» était de créer une psychose telle que la population finirait non seulement par accepter, mais par réclamer des mesures d'Etat policier considérées jusqu'alors comme inacceptables, le tout ayant pour toile de fond la guerre froide et la nécessité de susciter, en Europe, l'émergence de pouvoirs forts susceptibles de faire barrage au communisme.
Il se trouve que ces réseaux secrets étasuniens hérités de la Guerre froide sont plus actifs que jamais aujourd'hui ( >>1 /// >>2 /// >>3 /// >>4). Relire le dossier d'Amnistia.net.
La similitude entre le modus operandi des attentats du 11 mars à Madrid et celui des attentats de Londres saute aux yeux. A Madrid, l'espoir de voir aboutir une enquête exhaustive s'est éteint avec la mort des principaux suspects dans le dynamitage-suicide, moins d'un mois après les attentats, de l'appartement dans lequel  ils étaient retranchés. Quant à l'enquête sur les attentats de Londres, le doute s'épaissit déjà sur la mort de kamikazes qui n'en étaient peut-être pas, à en croire plusieurs experts qui relèvent qu'ils avaient acheté leurs billets de retour et payé leur parking. Des enquêteurs ont ainsi relevé des incohérences qui pourraient accréditer la thèse selon laquelle les commanditaires auraient fait en sorte de se débarrasser des exécutants
.
A chaque attentat ses zones d'ombre Les autorités britanniques ont abaissé le niveau de sécurité avant les attentats du 7 juillet à Londres en dépit de la réception d'une menace directe d'Oussama ben Laden, chef d'Al-Qaïda, a affirmé mercredi 13 juillet le magazine allemand Focus. Selon le site internet du magazine, les services de renseignements intérieurs britanniques (MI5) ont été en possession d'une cassette vidéo dans laquelle Oussama ben Laden avertit: «Si vous bombardez nos villes, nous bombarderons les vôtres». L'enregistrement, qui avait été également envoyé aux services secrets d'autres pays européens, a été authentifié mais n'a jamais été rendu public. La DGSE et le MI5 ont partagé leurs informations concernant cette cassette en mai, assure Focus, mais les autorités britanniques ont choisi d'abaisser d'un cran en juin leur niveau d'alerte. Ce qui rend exagérément maladroit cet abaissement du niveau d'alerte est que les SR britanniques semblaient d'ailleurs, au matin même des attentats, tout à fait conscients de l'imminence de ces derniers. Comme en témoigne cette dépêche AP, diffusée peu après les attentats, et qui signalait qu'un «haut responsable israélien avait déclaré que Scotland Yard avait averti l'ambassade israélienne à Londres quelques minutes avant les explosions dans la capitale britannique pour dire que la police avait reçu des informations faisant état de possibles attentats. Israël organisait une conférence économique près du site de l'une des explosions. Le ministre des Finances Benyamin Nétanyahou devait y assister mais les attentats se sont produits avant son arrivée
Aux chapitres des curiosités, relevons aussi l'empressement de Tony Blair à mettre son veto à une enquête indépendante sur les éventuels manquements des SR britanniques.
De même, relevons qu'un exercice simulant précisément des attentats était en cours à Londres (>>1 /// >>2 /// >>3), comme le 11 septembre 2001.
Le modèle israélien? Ce qu'il y a de sûr en tout cas c'est que, avec pour toute réponse aux attentats de Londres, ou d'ailleurs, l'affirmation d'une guerre contre le terrorisme redoublée, la stupidité crasse des dirigeants occidentaux, et particulièrement anglo-saxons, nous entraine manifestement sur la voie d'une guerre éternelle parce-que ingagnable contre un adversaire par nature insaisissable. Le seul Etat à avoir relevé le pari de la guerre ingagnable (asymétrique) est Israël. Ceci en opposant le seul terrorisme d'Etat au terrorisme de groupes extrémistes, la seule violence d'Etat à la violence de la résistance armée. Et à quel prix. Une société hantée par la paranoïa, surarmée, bunkerisée, incapable finalement d'empêcher les bains de sang périodiques dans sa population et, enfin, salie par les carnages et autres massacres d'enfants qu'elle estime nécessaires à sa protection.
La sécurité contre la liberté L'émotion suscitée par cet ignoble carnage suffit-elle a expliquer qu'un chef de gouvernement
, Blair en l'occurence, puisse dans une même journée (le 11 juillet) affirmer que «les terroristes peuvent tuer, mais ils ne détruiront jamais le mode de vie que nous partageons et que nous chérissons», et annoncer ensuite dans la foulée que «le gouvernement pourrait accélérer l'examen de nouvelles loi antiterroristes s'il apparaît que la police et les agences de renseignement ont un besoin immédiat de nouveaux pouvoirs», lois qui porteront forcément atteintes aux libertés individuelles? Hormis les lendemains sanglants auxquels nous devons nous attendre, et outre la guerre perpétuelle mentionnée plus haut, le marché de dupe que nous propose en prime Blair, et son mentor, est la sécurité contre la liberté. La logique nous affirme qu'à la fin du jeu, les peuples qui accepteraient ce marché se retrouverons privés de libertés, et sans sécurité.