US under attack

23/10/09 Le déclin américain s’accélère, s’amplifie. La situation interne est catastrophique. Contrairement aux déclarations des analystes embarqués du système qui prédisent une sortie de crise imminente, la situation n’en fini plus de se dégrader. La hausse du chômage est exponentielle (entre 16 et 20% en chiffres réels selon les sources) et la paupérisation galopante. La distribution de 5000 formulaires d’aide au logement a d’ailleurs tourné à l’émeute à Detroit. A l’extérieur, ennemis et « amis » de l’Amérique commencent à percevoir cette fragilité.  Or à l’état de nature, les Etats étant des monstres froids, il en va dans les rapports entre Etats comme au sein d’une meute :  que le leader vacille et c’est la foire aux complots. Les Etats-Unis subissent aujourd’hui des attaques sur les deux principaux piliers sur lesquels reposent leur puissance : le dollar et le F/A-18.

Le dollar en sursis

L’été dernier, au sein de l’Organisation de coopération de Shangaï, Chine et Russie ont ouvertement discuté de l’après dollar. A diverses reprises, tous les pays du BRIC ont à leur tour remis en cause le dollar comme monnaie de référence. En mars dernier, c’est le directeur de la banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, qui proposait sur le site internet de la banque de « remplacer le dollar par une monnaie mondiale de réserve ». Enfin, le mois passé, le quotidien britannique The Independent a fait état de réunions « secrètes » rassemblant les pays du Golfe, les BRIC, le Japon - mais aussi la France - afin de définir un nouveau système de facturation pétrolière abandonnant le dollar comme monnaie de référence.
Or remettre en question la suprématie du dollar, c’est remettre en question la suprématie américaine tout court puisque l’hégémonie du dollar est l’un des piliers de cette suprématie.

Un éclat de rires mortel

D’autres signes plus intuitifs mais tout aussi révélateurs se font jour, qui confirme encore l’idée d’un déclin américain. Une anecdote en particulier est tout à fait révélatrice. Il s’agit de la mésaventure survenue au Secrétaire d'Etat au Trésor américain, Timothy Geithner, lors de son récent discours aux étudiants en économie de l'université de Pékin. Alors qu’il s’était mis à expliquer doctement que les Chinois avaient fait un bon choix en investissant leurs avoirs en Bons du Trésor et en Dollars US, le public de l'amphithéâtre a tout simplement éclaté de rire.
Or il n'est rien de pire pour un pouvoir établi que de susciter l'ironie ou le ridicule.
Car la puissance n'est rien sans le respect.
Le plus fantastique dans cette situation est qu’alors que certains analystes estiment, avec de solides arguments, que l’une des raisons de la guerre en Irak fut l’annonce de Saddam Hussein qu’il allait négocier son pétrole en Euros plutôt qu’en dollar, les Etats-Unis ne bronchent pas, n’ont aucune réaction significative pour briser l’offensive qui est en train de s’organiser contre le dollar.

Le Rafale en rafales

Sur l’autre front, celui de la vente des avions de combats, chasse gardée des Etats-Unis s’il en est, des alliés stratégiques de Washington comme les Emirats Arabes Unis et le Koweit sont ni plus ni moins en train de négocier avec la France l’achat de son fameux Rafale. Parallèlement, le Brésil est lui aussi fortement intéressé par le Rafale. Dans chaque cas, ce sont volontés politiques qui, dans ces pays, ont poussé à un rapprochement avec la France.
En temps normal, c'est-à-dire au temps de sa puissance, les Etats-Unis auraient interprété ces tractations comme autant de déclarations de guerre, et aurait réagi en conséquence.
Or, ici, rien ! Aucune réaction. Et cette absence de réaction est le signe le plus éclatant, le plus assourdissant du déclin américain.
Enfin, relevons en vrac la montée en puissance de la Russie, la fronde japonaise, les progrès autour d’un Traité de sécurité européen patronné par la Russie, autant d’événements directement liés, la politique ayant horreur du vide, au reflux de la puissance américaine.

Vers l’éclatement ?

Obama est un président paralysé. Glamour certes, brillant on en convient, mais paralysé. Efficacement contré par des républicains déchaînés dont l'aile droite est carrément devenue nihiliste; critiqué par une partie de ses troupes lassée de ses hésitations, le président américain ne trouve pas l'audace de trancher dans le vif pour prendre les décisions spectaculaires que les temps imposent (retrait d'Afghanistan ; mise au pas de Wall Street ; réforme du Pentagone; rapprochement avec la Chine ; mise au pas musclée d'Israël pour pacifier le P.-O. etc.. etc..)
Ce faisant, ou plutôt ne ce faisant pas, il laisse se développer une situation potentiellement explosive dans un pays divisé qui, loin des fadaises de l’american dream, n’est certainement pas une nation au sens historique du terme, mais une construction utilitaire, sorte de conglomérat dont les habitants sont davantage actionnaires que citoyens, avec le ciment à mesure.
Comme l’entreprise périclite, les mouvements d'humeurs sont en train de s’y radicaliser, les positions de se crisper et l’on évoque même le spectre de la violence civile jusque dans les hautes sphères du pouvoir. En résulte une sorte de tension centrifuge qui veut que même si c'est par des raisonnements parfois fondamentalement différents, et avec des attentes souvent opposées, chaque camp, voire chaque Etat ou groupe d’Etats, arrive à la conclusion que la véritable source de tous ses maux est (a toujours été) le centralisme washingtonien (qui détourne par exemple l’argent du contribuable pour renflouer les spéculateurs de Wall Street alors que le chômage explose).
Paradoxalement, c’est donc sous la présidence de l’un des locataires les plus prometteurs de la Maison-Blanche que tous les ingrédients d’un effondrement du pays sont en train d’être réunis.
Et c’est bien là que l’hypothèse d’une dislocation des Etats-Unis devient la question centrale de la crise, puisqu’elle en est l’aboutissement logique. Car cette crise est d’abord celle d’un système dont les Etats-Unis sont la matrice. Or la chute de l’un implique la chute de l’autre.

La fin du rêve d’immortalité

Un mot encore sur la psychologie américaine en particulier, américaniste en général, qui explique le déni dans lequel le pays vit son déclin.
Les Etats-Unis sont si convaincus de leur infaillibilité, si absolument certains de leur supériorité morale, de l'infinie justesse de leur modèle que, dans un élan quasi messianique, ils ne peuvent concevoir leur leadership autrement que comme légitime et éternel. Ils sont profondément persuadés qu'aucune crise, aucune récession, aucune dépression ne peut se terminer autrement que par la glorieuse et inéluctable restauration finale de leur toute puissance.
Mais c’est là un schéma parfaitement hollywoodien appliqué à la psyché de tout un pays (et des zélateurs béats de l’Oncle Sam de ce côté-ci de l’Atlantique, c'est-à-dire une vaste partie de l’intelligentsia politico-médiatique hélas).
Ce qui est à l’œuvre ici, c’est toute la puissance de l'american dream, la puissance inouïe du grand-oeuvre hollywoodien qui depuis des décennies matraque, massacre les esprits à coups de Block Busters ou de Soap Opera servant tous, absolument tous, plus ou moins grossièrement, le mythe d'une prétendu nation américaine prétendument invincible, là où il n’y a qu’une mosaïque d’Etats agglomérés par la force, matrice déviante d’un modèle économique monstrueux aujourd’hui rendu fou par ses contradictions.
L’effondrement de l’american dream serait (sera ?) à n’en pas douter un immense moment de libération pour le monde entier. La condition sine qua non, en tout cas, à libérer les esprits pour donner sa chance à la naissance d’un nouveau modèle de société.

PS : Avis aux spéculateurs en tout genre : le fameux professeur russe Igor Panarin annonce le début de la dislocation US pour l’an prochain...