Après la cyber-insurrection, le schisme?
10/12/2010
Matrice et CEO du Système, les Etats-Unis ont vu leur leadership contesté depuis
l’éclatement de la crise financière de 2008 (>>1,
>>2,
>>3),
mais rarement sur la place publique. Or la fronde prend une hauteur et une
ampleur singulières à la faveur de la crise Wikileaks.
Alors que la cyber-insurrection déclenchée par l’arrestation de Julian Assange
inonde le champ de bataille high tech de la Toile, ce sont désormais des Etats,
rien de moins, qui tirent à boulets rouges sur Washington, tenu pour principal
responsable du chaos. Une situation qui confirme que l’agonie de la puissance
américaine est désormais un fait acquis pour de nombreuses puissances.
« Pourquoi a-t-on mis Assange en prison?
C'est ça la démocratie? », a lancé le Premier ministre russe. En réponse à
une question sur les accusations de corruption en Russie formulée par des
diplomates américains dans les câbles dévoilés par Wikileaks, Vladimir Poutine a
ajouté : «Il faut commencer par balayer
devant sa porte. Je renvoie la balle à nos collègues américains.»
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, a quant à lui exprimé sa «solidarité
à propos de la divulgation des documents, et protesté contre [l'atteinte] à la liberté d'expression».
Même la Haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Navi Pillay, a exprimé
ses craintes que les pressions exercées sur les compagnies fournissant des
services au site WikiLeaks ne puissent «potentiellement
constituer une violation du droit à la liberté d'expression de WikiLeaks».
Le ministre australien des Affaires étrangères, Kevin Rudd, a quant à lui
déclaré que si quelqu'un était responsable des
fuites de télégrammes diplomatiques,
c'étaient les Etats-Unis et non le site WikiLeaks: «Pour
moi, le fond du problème, c'est la protection par les Etats-Unis de leurs
propres communications diplomatiques. (…) Quand vous avez un quart de million de télégrammes qui circulent dans le
monde et qu'en plus, vous avez plus de deux millions de gens au sein du système
américain qui y ont accès, c'est là qu'est le problème.»
De son côté, la Chine s’est montrée extrêmement virulente dans un autre domaine
sans rapport directe avec Wikilieaks, mais le ton utilisé témoigne également de
l’air du temps, de l’esprit de la chose dirons-nous. Il s’agit de la déclaration
de la
porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, jeudi,
au sujet des critiques américaines sur la non intervention de Pékin pour faire
plier la Corée du Nord : «Ceux
qui critiquent la Chine, qu’ont-ils fait pour maintenir la paix dans la région?
La menace militaire ne peut pas résoudre le problème, elle ne fait qu’augmenter
la tension».
Le ton est inhabituellement sec, cassant même, alors que l’on s’adresse tout de
même, nous le répétons, au CEO du Système himself... Tout un symbole.
C’est que la réalité virtuelle, la narrative, qui place les vertueux Etats-Unis
à la tête du vertueux Système américaniste que nous savons, a de plus en plus de
plomb dans l’aile.
Ruinés économiquement;
décrédibilisés diplomatiquement; humiliés militairement en Irak puis en
Afghanistan; réduits à l’impuissance dans le dossier iranien; discrédités sur
les fronts nord-coréens et palestiniens, de plus en plus fragilisés
sur le plan intérieur,
les Etats-Unis déclinent avec une rapidité qui ne cesse de surprendre pour un
«empire».
Et les
perspectives économiques
pour le moins catastrophiques du
premier semestre 2011,
alliés à la paralysie politique issu des élections de mid-terme, devraient
encore accélérer le processus d’effondrement du pays de
l’American Dream.
Le Système pourrit donc par la tête, logiquement, et rapidement.
Le désordre grandit.