L'Islamisme: juste un ennemi de transition
21/01/2006
Les idéologues
du néolibéralisme ne conçoivent les êtres humains que comme des entités
économiques et, s'ils déplorent les conséquences de la pauvreté dans le
monde, c'est de n'y voir qu'une masse inerte de consommateurs potentiels, un
énorme marché inexploité. A les en croire, la finalité deleur
religion serait donc de permettre aux 4 milliards de
laissés-pour-compte de la planète d'accéder peu à peu au nirvana consumériste.
Grâce évidemment à la conversion de tous à la sacro-sainte démocratie libérale,
c'est-à-dire à la dictature des marchés, selon le mot d'Hans Tietmeier,
président de la Bundesbank allemande. Ce serait alors le bonheur pour tous et
La Fin de l'Histoire façon Fukuyama, les démocraties libérales n'étant
pas sensées se faire la guerre. Vaste et noble programme. Soit.
Sauf que l'on sait aujourd'hui que, si chaque être humain voulait
prétendre au niveau de vie des Français ou des Belges, ce serait les ressources
naturelles de deux ou trois planètes qui seraient nécessaires. A celui des
Américains? Ce sont les richesses de 5 planètes qu'il faudrait aligner. Dès
lors, avec quelles ressources naturelles les chantres de la dérégulation
comptent-ils réaliser l'american dream de milliards de consommateurs
chinois, indiens, latino-américains et africains toujours dans l'attente de leur
part du gâteau?
On le devine, le délire consumériste occidental: J'achète
donc je suis, bâtit sur les énergies fossiles et les produits jetables, ne
leur profitera pas. Pour la simple et bonne raison que la chose n'est tout
simplement pas possible, faute de ressources naturelles justement. Dans son
manifeste
Guerre et Mensonge, terrorisme d'Etat
américain le journaliste et écrivain Giullieto Chiesa estime
qu'il est même nécessaire que la pauvreté la plus crasse continue à dévaster
l'Afrique, que l'écrasante majorité des Indiens restent des miséreux et que si
l'Amérique latine continue de se développer, ce soit d'abord dans ses
favelas. Ne serait-ce que pour préserver le niveau de vie occidental bien sûr,
et plus singulièrement celui, non négociable comme on le sait, des
États-Unis. Surtout à l'heure où l'on estime que le déclin de la production de
pétrole commencera à
l'horizon 2007. Tout ce
remue-ménage une guerre pour les ressources?
Washington aurait bien intégré le problème et, dit en substance
l'intellectuel italien, la stratégie américaine de ces dernières années viserait
notamment à contrôler les ressources naturelles de la planète. D'abord en
occupant la région du Golfe d'abord aux travers de deux guerres montées de
toutes pièces (épisode 1
et épisode 2). Ensuite
en se ruant sur l'Asie centrale, où bat le coeur énergétique de la planète, à la
faveur du 11 septembre,
casus belli de la si
pratique guerre contre le terrorisme, contre l'islamisme donc. Enfin,
pourrait-on ajouter, en poussant à l'intégration des anciennes
républiques soviétiques dans l'Europe tout en concluant avec elles des pactes de
défense, scénario visant à conserver le contrôle de l’Europe et à ouvrir
éventuellement un corridor sur le pétrole de la Caspienne. Rien de bien nouveau
ici. (D'ailleurs, les grandes lignes de cette stratégie avaient été
développées dès 1992, dans le fameux Defence Policy Guidance (DPG) (>>Asia
Times /
CIRPES
/
Monde Diplomatique),
par l'ex-numéro deux du Pentagone et
nouveau président de la Banque Mondiale, Paul Wolfowitz notamment. Un texte
censé déterminer les grands axes de la stratégie américaine pour le 21e siècle
et où il était question d'assurer à long terme la domination militaire
américaine sur l'«Eurasie» et d'empêcher la naissance de toute autre
superpuissance, par l'ex-numéro deux du Pentagone et nouveau président de la
Banque Mondiale, Paul Wolfowitz notamment.)
Mais Giullietto Chiesa va plus loin. Pour lui, l'islamisme n'est en fait
qu'un ennemi de transition pour les Etats-Unis, ennemi aussi spectaculaire en
terme médiatique (c'est à dire ce qui importe) qu'il est insignifiant en terme
de potentiel de nuisance. Ennemi hollywoodien donc, virtuel,
qui offre surtout à Washington un alibi permanent pour repositionner ses troupes
et, surtout, mettre les bouchées doubles en matière de développement d'armement,
de budget militaire. Pour se préparer à affronter qui? Certainement pas Ben
Laden, terré depuis des lustres dans l'humidité de grottes pakistanaises, ni une
Europe pour l'essentiel aux ordres, encore moins une Russie redevenue
elle-même pays en voie de développement. Selon Giulietto Chiesa, les
Etats-Unis se prépare en fait à faire face à la seule puissance dont l'essor est
une menace pour l'american way of life: la Chine. Il faut dire que
l'Empire du Milieu consomment déjà actuellement deux fois plus de viande que les
Américains et plus de deux fois plus d'acier. Et si la Chine continue sur sa
lancée, d'ici 2031 ses 1,45 milliard d'habitants prévus consommeront
l'équivalent des deux tiers de l'actuelle production mondiale de céréales, et
plus du double de l'actuelle production mondiale de papier (cf. Lester
Brown, (>>1 ///
>>2). Ils absorberont en outre les 60% de la production mondiale de
pétrole.
Perspective inacceptable pour
Washington!
Objectif
obligatoire pour Pékin.
Tous les ingrédients sont
donc là, nourrissant une nouvelle
course aux armements qui, bien que discrète et occultée par le
micro-militarisme théâtral étasunien
contre le monde arabo-musulman, rappelle les pires
heure de la guerre froide. Fin décembre 2005, le ministre japonais des
Affaires étrangères, Taro Aso,
déclarait: «La Chine est un pays voisin qui a un milliard
d’habitants et qui possède des bombes nucléaires et dont les dépenses
militaires, tout sauf transparentes, connaissent une hausse à deux chiffres
depuis dix-sept années consécutives.»
Voilà pour ce qui concerne les
grandes manœuvres.
Concernant la zone
déjà placée sous la dictature des marchés,
c'est à dire le Nord-occidental-riche-et-blanc, l'analyse
de Giulietto Chiesa va, là aussi, droit
au but. Chacun de nous le constate, les entreprises
de ce côté-ci du mur ne
cessent pas de délocaliser, de robotiser, de rogner sur les salaires, de
casser les acquis sociaux bref, de tout mettre en oeuvre pour produire à moindre
coup, décupler les bénéfices et satisfaire ainsi l'appétit toujours plus vorace
de patrons-actionnaires itinérants. Mais, ce faisant, elles illustrent l'un des
paradoxes les plus anciens du capitalisme, à savoir qu'il tend naturellement,
dans sa course effrénée au profit, à priver une partie sans cesse
grandissante de la population des moyens de consommer, d'acheter et
donc de huiler les rouages de la machine. C'est le syndrome du scorpion, qui
fini par s'injecter lui-même son propre venin. Jamais
les richesses du monde n'ont ainsi été concentrées dans les mains d'un nombre si
restreint d'oligarques de tous les pays. Pour Giulietto Chiesa,
il ne faut pas espérer que le système se réforme de lui-même pour freiner une
paupérisation qui pourtant le dessert. Il rappelle
plutôt qu'aux États-Unis
comme en Amérique Latine d'ailleurs,
des quartiers ou même des villes entières sont
désormais dévolus aux riches,
bunkerisés
qu'ils sont avec un seul accès très bien gardé, physiquement
inaccessibles donc à la populace. Une tendance
appelée à se généraliser selon le journaliste, qui prophétise en substance que,
demain, une élite habitera le monde dans ses villes fortifiées, protégées par
des milices privées aujourd'hui déjà en plein essor, et contre les remparts
desquels pourront toujours venir s'écraser les crève-la-faim de tous les tiers
et quarts-monde de la planète.
Pas gai tout ça!
La bunkérisation du Nord progresse, merci
21/01/2006
Protégée par la méditerranée, l'Europe
n'a eu besoin d'ériger ses nouveaux remparts anti-crève-la-faim que dans quelque
enclaves au nord du Maroc. Outre-atlantique, la chose est différente puisque le
riche pays de l'Oncle Sam à une frontière de 3200 km avec Sud pauvre. Qu'à cela
ne tienne, dimanche 8 janvier dernier, la Chambre des représentants américain a
adopté un projet de loi sur la répression de l'immigration clandestine qui
prévoit d'ériger un une double barrière métallique haute de 4,5 mètres, jalonnée
de miradors et de caméras sophistiquées tout au long d'un d'un tiers de sa
frontière sud. Le Sénat et le président l'inénarrable Doobleyou doivent encore
avaliser le texte.