Encore une mission accomplie !

 22/06/2011 Souvenez-vous ! Après avoir renvoyé l’Irak à l’âge de pierre, contaminé ses sols et ses enfants à l’uranium appauvri, torturé ses «combattants illégaux» et plongé le pays dans la plus sanglante des guerres civiles, les libérateurs étasuniens avaient finalement estimé que leur mission était accomplie. Victoire donc du bien sur le mal à n’en pas douter, dans un Irak qui chante désormais son avenir radieux, démocrate et libre comme chacun peut le constater tous les jours.
Aujourd’hui, BHO-Glamuor-Potus vient d’annoncer le début du retrait US d’Afghanistan. Après avoir durant 10 ans contaminé ses sols et ses enfants à l’uranium appauvri, torturé ses «combattants illégaux» et maintenu le pays dans la plus sanglante des guerres civiles, les pacificateurs vont donc tirer leur révérence avec la satisfaction du devoir accompli. Encore une victoire du bien sur le mal donc, dans un Afghanistan qui fredonne déjà son avenir radieux, démocrate et libre, comme chacun va très vite le constater.
Bilan de ces deux grandes libérations : Au moins 1,2 millions de civils tués en Irak (depuis 2003), et probablement plus cent milles morts en Afghanistan.
Accessoirement, rappelons qu’il n’y a jamais eu aucun but de guerre légitime à ces deux opérations, ni les talibans ni l’Afghanistan n’étant impliqués en aucune manière dans les attentats supposés du 11 Septembre, alors que les fameuses armes de destruction massive irakiennes manquent toujours à l’appel. Mais qui s’en soucie encore…

La guerre comme une « fin en soi »
Ce qui frappe dans ce constat est cette incroyable débauche d’énergie et de violence, cet incroyable «déchaînement de la matière», pour un résultat absolument nul dans chacun des cas. En Irak, la situation est même bien pire qu’à l’époque de Saddam Hussein. En Afghanistan, le départ des USA marquera la fermeture d’une parenthèse sanglante qui laissera le pays dans l’exacte situation où il était à son ouverture.
Comme si ces guerres, et c’est d’ailleurs probablement le cas, avaient été des «fins en soi», n’exigeant finalement aucune véritable «victoire», c'est-à-dire aucun gain substantiel ni en territoire ni en ressources ni en zone d’influence ni en termes de réduction d’une menace réelle ou supposée. Les Etats-Unis, en tant que pays, n’ont ainsi tiré aucun bénéfice de ces guerres. Il est même probable qu’elles auront au contraire épuisé le pays, au moins psychologiquement puisque, financièrement, chacun sait que c’est la dette US, et donc vous et moi, qui finançons les guerres étasuniennes.
Tout ce qui reste et va rester de ces années de fer, de feu et de sang, c’est l’immense, l’incommensurable  «déchaînement de la matière» qui devient dès lors, effectivement, une fin en soi.
Ce qui nous ramène au constat que le Système lui-même, dont le Complexe Militaro Industriel étasunien est l’un des moteurs principaux, génère en mode presque automatique ses propres guerres, ce «déchaînement de la matière» qui, bien qu’accessoirement lucratif pour certains, n’est que l’expression de la nature profonde du Système. Un Système qui enferme le monde dans la boucle infernale et sans fin de l’idéal de la puissance,  de la production et de la consommation hystériques de cette puissance, dans le «déchaînement de la matière» donc, c'est-à-dire dans le désordre.
Dans l’immense livre enfin réédité de Michael Herr, «Putain de mort» (Dispaches), le reporter témoignait en pleine guerre du Vietnam: «On était là pour leur donner le choix, le leur apporter comme Sherman a porté la bonne parole dans toute la Géorgie, avec, d’un bout à l’autre, les indigènes pacifiés et la terre brûlée… Notre machine dévastait tout. Et n’importe quoi. Elle pouvait tout, sauf s’arrêter.»
Gooooooooooooood morning Libyaaaaaaa !

Le vernis de la victoire sur les plaies de la défaite
Le principal problème des guerres du Système, c’est qu’elles sont par nature ingagnables. Prisonnières de la bureaucratie du Pentagone, dépourvues de but réels, dénuées d’objectifs véritables et, donc, de sens, elles privent la soldatesque du minimum requis par la psychologie humaine pour soutenir un combat : une cause.
En résulte des guerres qui, passé le grand frisson médiatique des spectacles pyrotechniques de type « shock and awe », s’enlisent inéluctablement dans le plus sale des bourbiers où se débattent ensuite des trouffions magnifiquement high-tech, superbes à l'exercice, mais minables sur le terrain d'y être sans conviction, sans esprit, sans âme et surtout, sans raison.
Du coup, le personnel politique que la narrative suppose aux commandes de la machine se trouve dès lors complètement démuni lorsque l’évidence de l’impasse devient impossible à cacher.
C’est là qu’entre en jeu les scénaristes du Système pour inventer, puis propager et, enfin, faire accréditer la thèse d’une victoire à peu près vendable grâce au mégaphone habituel de la presse-Pravda.
Dans le cas de l’Irak, on a fait les choses simplement, le bourbier afghan captant déjà toutes les attentions. Il aura suffit de monter l’histoire abracadabrantesque d’insurgés désormais suffisamment affaiblis par la vertueuse action étasunienne, pour que la nouvelle démocratie irakienne reprenne enfin son destin en main. On connaît la suite : guerre et boucherie à tous les étages.

OBL au secours de BHO
L’affaire afghane étaient plus compliquée.  Mais, là encore, il faut reconnaître un certain génie à l’axe Hollywood-Potomac, qui n’a pas hésité à inviter pour son show l’incontournable Ben Laden, en quasi vedette américaine. Et peu importe au fond que l’histoire servie soit une fois de plus à dormir debout. Car il paraît que plus c’est énorme, mieux ça passe. Voyez le 11 Septembre ! Donc pour la petite histoire, le script de la chose semble s'être résumé à flinguer le fantôme d’OBL, et le balancer virtuellement par-dessus bord en criant : «Mission accomplie».
Résultat : même si les troupes de l’Oncle Sam et de leurs zélateurs prennent raclées sur raclées dans les montagnes afghanes depuis 10 ans, la débandade peut tout de même être présentée comme une victoire.
Chapeau bas !
Reste qu’au final, tout cela témoigne d’un fait capital : l’hyper-puissance étasunienne est un mythe, un fantasme. Bien sûr, oui, incontestablement, la machine de guerre américaine est encore capable de vitrifier la Terre entière. Soit. Et alors ?
Ce qui apparaît beaucoup plus concrètement est que, dépourvue d’adversaires suffisamment stupides pour l’affronter en combat symétrique, cette hyper-puissance se transforme désormais invariablement en hyper-impuissance sur absolument tous les théâtres d’opérations où elle se déploie.

La mère de toutes les défaites
Or cet effondrement de l’hyper-puissance se double aujourd’hui d’une banqueroute généralisée du modèle économique anthropophage qui a infecté la Terre depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, et dont les Etats-Unis sont la matrice.
Un modèle que rejette aujourd’hui d’un cri commun tous les Indignés de la Terre. Ce qui représente sans doute, pour les Etats-Unis et leurs zélateurs, la mère de toutes les défaites.
Certes, Hollywood-Potomac pourra encore donner le change quelques temps.