Danger de paix en
Syrie
02/10/2015 La presse-Système bobo atlantiste peut
à nouveau se lâcher. Pensez-donc, après avoir sauvagement attaqué et
envahi l’Ukraine puis arraché la Crimée (1),
voilà que le très très méchant Poutine vient encore de jouer l’un de ses
sales tours contre la paix mondiale, la démocratie universelle, la
liberté cosmique et la défense de la baudroie des abysses. Depuis
mercredi en effet, la Russie s’emploie à écraser les gangs de tueurs qui
plongent la Syrie dans l’enfer depuis quatre ans et demi maintenant.
Plutôt positif à première vue non? Sauf que comme l’a déclaré sans
sourciller le néocon américain McCain, Moscou aurait
«frappé des groupes armés et
entraînés par la CIA» (SIC) (2).
Il est vrai que contrairement à la fumeuse coalition atlantiste
Obama-Hollande, la Russie n’entend faire aucune différence entre les
bouchers d’al-Nosra (copains de
Fabius), d’al-Qaïda (copains
de la CIA) ou de Daesh
(copains de plus personne). Pour la première fois depuis le début du
chaos initié par les puissances occidentales dans le pays (3),
la Syrie a donc une vraie chance de commencer à voir le bout du tunnel,
si toutefois on laisse faire Moscou.
L’Empire et son inculpabilité
C’est quand même du caviar : entendre le sénateur John McCain
reconnaître publiquement que la CIA arme et forme des combattants en
Syrie est tout simplement savoureux. Il est vrai que la formation de
«contras» pour alimenter les charniers mondiaux est une tradition de
la machine de guerre qu’est l’Empire US. Mais tout de même, que des
officiels trouvent tout à coup naturel de le reconnaître publiquement
témoigne une fois de plus, s’il en était besoin, de cette arrogance, de
cette inculpabilité propre à
un Empire qui s’estime par nature au-dessus du droit et qui
constitue, à cet égard, la principale menace pour la paix mondiale.
Le plus fantastique est que la presse bobo-atlantiste ne s’est
absolument pas émue de la chose, trop occupée qu’elle était à propager
la bonne parole russophobe que le Système exigeait d’elle. Des
fonctionnaires aguerris de la propagande atlantiste aux jeunes plumitifs
en formation rêvant de
leur Guerre d’Espagne, chacun
a donc pu s’offrir son petit supplément d’âme du jour en prêtant comme
de coutume à Poutine les pires intentions hégémoniques qui soient.
Réalisme russe
Sauf qu’en termes d’hégémonie, Poutine cherche surtout dans ce
dossier à préserver son accès actuel à la Mer Méditerranée
(Tartous) et, d’entente avec la Chine, à éviter de voir sombrer la
région plus avant encore dans le chaos généralisé provoqué par
Washington et Paris.
Au plan sécuritaire, Vladimir Poutine estime par ailleurs très
logiquement qu’il vaut mieux écraser les punaises islamistes en Syrie et
arrêter une fois pour toute la contamination, plutôt que de voir une
armée de bandits (notamment les
groupes tchétchènes engagés aux côtés de Daesh), revenir tôt ou tard
semer le chaos à Moscou ou Grozny.
Côté stratégie, le principe de base de l’engagement russe est simple et
solide: aucune guerre ne se gagnant depuis les airs, il faut des bottes.
Or les seules bottes disponibles en Syrie sont ceux de l’armée légale
syrienne de Bachar al-Assad, appuyées par celles du Hezbollah libanais
et probablement de quelques unités iraniennes.
Contrairement aux interventions US et françaises, l'intervention russe est
d’abord formellement légale puisqu’elle a été précédée d’une demande
officielle de la présidence syrienne. Ensuite, la stratégie arrêtée est
surtout réaliste puisqu’il s’agit d’appuyer l’armée syrienne et de
coordonner, avec ses soutiens libanais et iraniens, la reconquête du territoire . Ensuite seulement, comme ne cessent de le répéter Vladimir
Poutine et l’immense Sergueï Lavrov, on pourra toujours asseoir à la
table des négociations le régime et les représentants de l’opposition
réellement modérée, c’est-à-dire celle qui n’a pas participé au massacre
des populations.
Il existe donc désormais un réel danger de paix en Syrie, au grand dam
du Bloc occidental qui continue à miser sur le chaos régional pour
prospérer.
Le compromis ou la guerre.
La donne a donc changé du tout au tout.
Après le bras de fer ukrainien, l’engagement de la Russie en Syrie
montre que le monde unipolaire rêvé des USA et de leurs cerfs a fait son
temps.
Russie en tête et Chine en embuscade, les pays du BRICs rejettent
désormais activement le principe US de domination par le chaos.
A termes de deux choses l’une: soit le Bloc occidental acceptera de
réduire sa voilure, soit ce sera la guerre.
Le théâtre syrien est à cet égard le lieu de tous les dangers désormais.
Les Rafales français, qui épargnent soigneusement al-Nosra, et les FA/18
américains, qui épargnent al-Qaïda et al-Nosra
(et manifestement dans une large mesure Daesh comme l’atteste le fait
qu’un an de frappes n’auront donné aucun résultats tangibles), y
croisent les Sukhoi russes qui n’épargnent personne avec sans doute,
très bientôt, l’entrée en scène d’autre FA/18, israéliens ceux-ci, qui
voudront pour leur part défendre leurs alliés d’al-Nosra à qui ils ont
confié le contrôle d’une zone tampon entre les frontières mouvantes de
l’entité sioniste et l’enfer syrien.
Et puis il y a encore les pays du Golfe qui alimentent en bloc tous les
coupe-jarrets djihadistes, et qui ne veulent pas entendre parler d’un
maintien au pouvoir de Bachar al-Assad, craignant le risque d’un
renforcement à terme de l’axe chiite Iran-Syrie-Hezbollah.
Bref, un tel enchevêtrement d’intérêts contradictoires dans un pays déjà
en guerre recèle un potentiel explosif rarement atteint. Et l’on sera
donc vite fixé sur la question du compromis ou de la guerre justement.
Un discours magistral, doublé
d’un avertissement
Il est intéressant de noter que l’intervention russe en Syrie a été
déclenchée quelques jours après le discours magistral de Vladimir
Poutine (4) à l’occasion
du 70e anniversaire de l’ONU. Discours où tout a été dit sur
la vérité des situations de notre monde.
Le Président russe est ainsi revenu à chaque fois sur les fondamentaux
des crises évoquées pour en rappeler les causes véritables et pointer
les responsabilités.
Sur l’Ukraine, il a tout
résumé en trois phrases: «Certains
de nos collègues [Américains et Européens donc]
continuent à raisonner en termes de blocs, comme c’était le cas du temps
de la Guerre Froide. Premièrement, il s’agit de l’expansion de l’OTAN,
mais on se demande, pour quelle raison? Le Bloc de Varsovie a cessé
d’exister, l’Union Soviétique n’est plus, néanmoins l’OTAN a non
seulement survécu, mais continue son expansion. Au bout du compte, cette
logique devait se conclure par une crise géopolitique – et elle a eu
lieu en Ukraine».
Sur la Syrie et l’Etat
Islamique, il a fait de même: «Daesh
n’est pas venu de nulle part, c’était tout d’abord un moyen [pour
les Américains donc…] de lutter
contre des régions profanes indésirables. Au début, ils étaient
circonscrits à l’Irak et la Syrie, mais maintenant ils essaient de
dominer l’intégralité du monde islamique. Il est hypocrite de parler de
menace terroriste internationale en fermant les yeux sur la manière dont
ces terroristes reçoivent de l’aide [entre autres soutien politique
français, militaire US et financier saoudien donc].
Il est tout aussi mauvais d’essayer de recruter ces groupes dans un but
politique, pour ensuite se débarrasser d’eux [là, Obama a dû se
tortiller sur sa chaise…]. (…) Si
vous agissez de cette manière, je voudrais vous dire: Messieurs, vous
traitez avec des gens cruels. Mais ils ne sont pas primitifs ou stupides
– ils sont aussi intelligents que vous. Qui manipule qui?»
Enfin, il a replacé le tout
dans le contexte de la guerre économique perpétuel que conduit le
Système atlantiste pour préserver son hégémonie: «Aujourd’hui,
les sanctions unilatérales prises en contournant la Charte de l’ONU sont
presque devenues la norme. Elles sont prises non seulement en faveur
d’objectifs politiques, mais aussi dans le but d’éliminer des
concurrents du marché. Un des syndromes de l’égoïsme économique
croissant est le fait que certains pays ont choisi la voie de réunions
exclusives. Les négociations sont menées dans des couloirs, non
seulement dissimulées aux yeux de leurs propres citoyens mais aussi aux
yeux des autres pays [Poutine pointe ici le TTIP-TAFTA, le vénéneux
accord de libre-échange UE-US qui signera l’entrée définitive en
esclavage de l’Europe et de ses citoyens]».
L’ampleur même du discours de Vladimir Poutine semblait ainsi porteuse
d’une sorte d’avertissement au monde. Un avertissement solennel et
inquiet sur le très mauvais tour pris par les relations internationales
ces dernières décennies, et cela à l’évidence du fait de la voracité et
de l’agressivité du Bloc atlantiste sous contrôle US.
Alors pour conclure ce billet, nous reprendrons la
question essentielle, la question vertigineuse que Vladimir Poutine a
adressée ce jour-là à tous ces faiseurs de guerres, à tous ces
architectes de la misère mondiale, à tous ces industriels du chaos au
sein du Bloc atlantiste lorsqu’il a dénoncé le résultat catastrophique
de «l’exportation des soi-disant
révolutions «démocratiques» au Moyen-Orient et en Afrique du Nord».
Vladimir Poutine au Bloc atlantiste donc: «Est-ce que vous comprenez ce
que vous avez fait?» (5)
A l’évidence non, pour notre malheur à tous.
Mis en ligne par
entrefilets.com,
le 2 octobre 2015
1
Enfumage ukrainien
: contre-propagande
2
John McCain accuse
les Russes d’avoir ciblé des groupes formés par la CIA
3
Comment le bloc
atlantiste a construit la guerre en Syrie
4 Discours de
Vladimir Poutine
dans sa version
vidéo,
et dont voici une
transcription
complète