Compte à rebours contre l'Iran CHIITE
12/10/07 (brève
enrichie le 14) Sauf à voir basculer (comme le craint Paul Craig, ancien
sous-secrétaire au trésor de Reagan), les Etats-Unis dans la dictature à la
faveur d'un
nouveau 11 septembre (>>lire l'article dans sa
version française) qui s'avèrerait aussi
suspect
que le premier, les neocons étasuniens n'ont plus qu'un an de pouvoir pour
achever leur
remodelage à coups de flingue du
Moyen-Orient. Et malgré le sanglant bourbier irakien, les
grandes manoeuvres de l'ombre ont commencé contre l'Iran. Dans sa livraison
d'octobre, Le Monde Diplomatique fait l'état des lieux des préparatifs en
cours.
Et nous rappelle que:
- le Congrès US a débloqué 75 millions de dollars pour "promouvoir la
liberté de parole et de mouvement pour le peuple iranien".
- une directive présidentielle de fin avril autorise désormais
l'intensification des opérations clandestines pour déstabiliser le régime.
- Israël équiperait et entraînerait une milice kurde (PJAK) et le
Pakistan, quand à lui, ferait de même avec des groupes dans la région baloutche
de l'Iran. De même, les velléités séparatistes de la région du Khouzistan,
proche de Bassorah, sont encouragées.
Il faut ajouter à cela que l'US air force est actuellement entraînée à des
frappes sur l'Iran.
L'offensive de Washington contre l'Iran se construit aujourd'hui sur une
double articulation d'attaque sur le front intérieur purement iranien, mais
aussi sur le front anti-chiite.
En Iran: des foyers de déstabilisation du pays sont aiguillonnés au
nord-ouest, au sud et au sud-est du pays, contraignant Téhéran a une tactique de
défense du centre, la particularité des minorités perses (44% des habitants)
étant d'être transfrontalières, rendant en quelque sorte "perméables" ces zones
dès lors que des tensions y sont encouragées ou organisées.
En Afghanistan: la puissance militaire de l'OTAN est
instrumentalisée depuis des mois pour réduire les tribus rebelles Hazaras,
d'obédience chiite et que Washington considère comme l'une des tentacules de
Téhéran.
Au Liban: le désarmement du Hezbollah a tourné à l'obsession pour
Washington. L'an passé, le cabinet Doobleyou avait bien sous-traité une guerre à
son allié israélien pour tenter de réduire militairement la milice chiite.
Depuis le fiasco de l'Etat hébreu, les néocons ont décidé de manipuler la scène
politique libanaise pour contraindre à l'émergence d'un pouvoir politique qui
lui soit inféodé et dont les premières actions intérieures seront, bien sûr,
l'exigence du désarmement du Hezbollah, l'idée étant de faire faire aux Libanais
eux-mêmes ce que les Israéliens ont raté en 2006. Avec tous les risques de
guerre civile que cela implique. Une telle extrémité pouvant même servir les
dessins étasuniens dans la région (lire
notre enquête à Beyrouth)
En Syrie: c'est peu dire que le régime alaouite (une branche du
chiisme) est sous pression. Toutefois, comme me le faisait remarquer un ami fin
observateur de la situation régionale, Tel Aviv a "dû freiner Washington sur
ce dossier car il semble que les Israéliens préfèrent traiter avec un pouvoir
alaouite qu'ils connaissent parfaitement, plutôt que de lui voir substituer un
pouvoir sunnite à la faveur d'un renversement". A relever encore que le 6
septembre dernier, le fameux raid israélien en Syrie (au sujet duquel nous avons
lu les plus étonnantes absurdités) visait apparemment à tester une route de
bombardement de l'Iran. Sans doute moins pour tester la route elle-même que pour
rappeler à Washington qu'en cas de fléchissement de sa part, Tel Aviv était prêt
à jouer les alliés en rupture de ban dans ce dossier.
L'objectif. La politique des néocons étasuniens s'articule sur
trois grands axes.
Dans l'ordre d'importance décroissant il s'agit de:
1. Maintenir la suprématie militaire et économique d'Israël au
Moyen-Orient, qu'ils considèrent comme le 51e état américain (par exemple, la
partition en cours de l'Irak correspond en tout point à un objectif israélien
vieux de 20 ans (>> 1
/ >> 2 /
>> 3). Abattre l'Iran revient, dans le même ordre d'idée, à abattre
un puissant concurrent qui devrait logiquement exercer ce rôle de gendarme du
Moyen-Orient que lui confère naturellement sa puissance économique et militaire.
L'autre raison qui pousse l'Iran dans l'axe du mal washingtonien est son
caractère chiite. Car le chiisme inquiète, effraie même par le fait qu'il
s'agisse d'une religion révolutionnaire par nature. Comme le souligne François
Thual dans sa "Géopolique du chiisme", "vivre dans l'attente du retour de
l'Imam en luttant contre l'injustice sur cette terre est, très globalement, le
programme de cette religion dans son aspect profane". Et de fait, à
l'inverse du sunnisme dont la doctrine préconise d'obéir au prince, fusse-t-il
corrompu, puisque l'on ne saurait présumer du jugement final de dieu, le chiite
ne fait pas de compromis avec le prince si celui-ci est perverti et préconise
alors le renversement de l'ordre établi. La pire des hérésies pour Washington et
ses zélateurs.
2. Contrôler les routes d'approvisionnement du pétrole dans une
logique de guerre pour les ressources.
3. Remodeler le Moyen-Orient pour en faire un espace économique
cohérent, c'est-à-dire soumis à la dictature des marchés et des multinationales
sans barrière étatiques.
La grande illusion Flanqué d'un nouveau caniche européen en la
personne de Sarkozy, depuis le départ à la niche de Tony Blair, Doobleyou et ses
marionnettistes ont donc l'air d'avoir choisi la fuite en avant, convaincus
qu'ils sont que "le temps leur donnera raison". Comme si d'un cercle vicieux
pouvait émerger un cercle vertueux à force d'obstination dans l'erreur. Les
idéologies les plus sanguinaires, les plus jusqu'au-boutistes ont fonctionné sur
ce registre. On parle déjà d'un million de morts en Irak suite à l'invasion du
pays par les Etats-Unis. Qui jugera leurs assassins? M. George Soros
financera-t-il un Tribunal pénal international pour juger le gang Cheney et
consors?
En fin de compte, si la décision d'attaquer est prise, les États-Unis vont
sans doute faire savoir aux Iraniens qu'ils vont bombarder consciencieusement
toutes leurs installations mais qu'en cas de riposte majeure de leur part (comme
l'écrasement du corps expéditionnaire américain en Irak ou un blocus du Détroit
d'Ormuz ou des frappes sur Israël), ils vitrifieront le pays à l'arme nucléaire
comme les y autorise désormais leur nouvelle doctrine. Et là de deux choses
l'une, où les Iraniens se laissent intimider, où ils ne se laissent pas
intimider. Et c'est la boîte de pandore qui s'ouvre avec un risque d'embrasement
dont les conséquences forcément dévastatrices, n'en doutons pas, s'étendront
bien au-delà de la seule scène moyen-orientale.