L’outrage du vice à la vertu

5/10/2011 La Chine et la Russie, incarnations du mal comme chacun sait, ont donc dit non à la résolution américano-française contre la Syrie ; l'Afrique du Sud, l'Inde, le Brésil et le Liban également, mais en s’abstenant de voter.
C’est plus qu’un camouflet, c’est une immense gifle, un formidable outrage fait aux vertueux défenseurs du monde libre, de la démocratie, des droits de l’homme, du fox à poil dur et de la baleine bleue bref, aux élites du Système américano-occidentalistes. Ceux-là même qui, après avoir tout fait pour maintenir à leur poste Ben Ali et Moubarak, se sont soudain découvert une passion pour le Printemps arabe.
Enfin…, disons, surtout pour l’instrumentalisation fantastique qu’il permet en autorisant désormais de vertueuses opérations de regime change là où, bien sûr, ils ont un intérêt à les voir survenir. Pour le reste, en Arabie séoudite, à Bahrein ou au Yémen, le vertueux bloc américaniste préfère évidemment soutenir les despotes en places  en participant parfois activement à la répression.

Classique opération de regime-change
Ceci dit, hâtons-nous de préciser qu’évidemment nous soutenons sans réserve le désir légitime du peuple syrien à de profondes réformes institutionnelles pour en finir avec l’Etat policier et le parti unique. Réformes au demeurant mises sur les rails par Bachar el-Assad.
Mais hâtons-nous aussi de préciser que la Syrie n’est pas la Tunisie et encore moins l’Egypte, et que la «révolution» qui s’y déroule en ce moment ressemble bien davantage à une classique opération de regime-change téléguidée du bureau ovale et de ses officines spécialisées, avec fournitures massives d’armements aux groupuscules les plus improbables, campagnes d’assassinats, infiltrations de commandos.
Le tout enrobé avec zèle dans la narrative droit-de-l’hommiste habituelle par une presse-Pravda (
antidote ici) qui diffuse en boucle des images dont absolument personne ne connaît ni la provenance ni la date, assorties de bilans parfaitement invérifiables et, surtout, passant totalement sous silence la militarisation galopante de l’opposition et l’action meurtrière de groupes extrémistes.
D’où la position sino-russe de mettre sur le même pied régime et opposition pour l’ouverture d’un dialogue national.

Excès de langage
Pour la petite, mais alors la toute petite histoire, on ne résiste pas à la tentation de vous livrer verbatim les déclarations outragées et deux principaux récipiendaires du camouflet du jour.
«Les Etats-Unis sont furieux du fait que ce Conseil ait complètement échoué» dans sa tentative de traiter «un défi moral urgent et une menace croissante à la paix régionale», a déploré l'ambassadrice américaine Susan Rice.
(Euuh, certes, il est vrai que la morale et la paix régionale est à l’évidence le principal souci des bouchers d’Irak, d’Afghanistan et de Palestine.) Moscou et Pékin, croit-elle utile d’ajouter, « préfèreraient vendre des armes au régime syrien».
(Pour un pays qui a toujours inondé les dictatures de la planète de ses productions mortifères, la chose ne manque pas de piquant.)
L'ambassadeur de France à l'ONU, Gérard Araud, a quant à lui souligné que le veto russe et chinois «est une expression de mépris pour les aspirations légitimes des Syriens et un rejet de ce formidable mouvement en faveur de la liberté et de la démocratie qu'est le Printemps arabe».
Franchement, ça sonne bien.
Mais ça sonnerait un peu mieux si Paris n’avait pas manifesté le plus écœurant mépris pour «les aspirations légitimes» des Tunisiens, à l’heure où la France proposait son matériel anti-émeute et son expertise militaire à Ben Ali pour mater la «rébellion».

La guerre civile à défaut
Au final, l’acharnement avec lequel le bloc américaniste et ses zélateurs jettent de l’huile sur le feu de la mosaïque syrienne laisse aujourd’hui penser qu’à défaut d’un regime-change contrôlé, nos vertueux marionnettistes ne verraient pas d’un mauvais œil le déclenchement d’une guerre civile dans ce pays.
Tient, ça me rappelle
quelque chose…