Poutine et l’hystérie du Bloc de l’Ouest

07/03/2012 Comme prévu, l’élection de Vladimir Poutine à la présidence russe a suscité une avalanche de réactions pincées du vertueux monde politique occidental, le tout enrobé d’un déferlement de commentaires outrés, voire haineux des tâcherons de sa monoculture journalistique. Or Vladimir Poutine a bel et bien été élu par une écrasante majorité du peuple russe qui lui attribue, à juste titre d’ailleurs, le mérite du redressement d’un pays dépecé par les oligarques dans le chaos des années Eltsine (1).
Seulement voilà. La Russie de Poutine ose contrarier la belliqueuse position du Bloc occidental sur les dossiers syriens et iraniens. Et le Bloc occidental, lumière infaillible du monde comme chacun le sait, ne supporte pas d’être contrarié. Dans la presse-Système, la réélection de Poutine a donc ouvert les vannes à la rage dérisoire d'une armée de plumitifs frustrés eux aussi dans leur grand délire romantique d’un renversements court et joyeux de tous les méchants despotes arabes, du monde, de l’univers.

Now, we are the bad guys

C’est hélas une réalité incontestable: les guerres occidentales ont abouti aux massacres de civils parmi les plus importants depuis la fin de  la Seconde guerre mondiale.

Missions accomplies ou en cours
Irak : plus d’un million de morts ; pays ruiné, dévasté, en voie d’éclatement, en proie à une guerre civile endémique de basse intensité (150 morts en janvier ; 151 morts en février).
Afghanistan : des dizaines de milliers de morts sous les bombes de l’OTAN ; pays ruiné, dévasté, promis à la guerre civile.
Libye : des dizaines de milliers de morts sous les bombes de l’OTAN ; pays ruiné, dévasté, en voie de dislocation comme  l’Irak. Les élus de la Cyrénaïque pétrolifère, très redevables à leurs parrains occidentaux, a déjà proclamé son autonomie.

Boucheries à venir?
En Syrie, le Bloc occidental cherche à appliquer la recette libyenne qui avait consisté, grosso modo, à manipuler la contestation, à la radicaliser, à la militariser et à amorcer la pompe d’une guerre civile pour pouvoir intervenir et renverser le régime. Pour l’instant, le régime syrien tient bon grâce au soutien russo-chinois, mais jusqu’à quand ? Si le régime devait céder face aux extrémistes du CNS, ce serait le bain de sang généralisé.
En Iran
, l’affaire du nucléaire n’est évidemment qu’un leurre destiné à figer la tension. Et même si tout le monde le sait, la probabilité de frappes sur l’Iran, par une entité sioniste très désireuse de pousser son avantage en jouant les alliés en rupture de ban, ne cesse de se préciser.

Au diable la démocratie, vive la guerre froide
Avant la présidentielle russe, les jeux étaient donc déjà faits au royaume formaté de la pensée unique avec un message globalisé du genre : «Le simulacre d’élection va perpétuer le système Poutine».
Puis, au lendemain de la victoire de Vladimir Poutine, le message globalisé a été : «Poutine vainqueur sans gloire d’un vote tronqué».
Bref, que l’élection de Poutine ait été le résultat d’un processus démocratique certes entaché de quelques fraudes, mais incontestablement démocratique, n’a aucune espèce d’importance pour les éditorialistes hystériques du Bloc.
Pour eux, au diable une démocratie qui ne vote pas comme nous on voudrait, au diable le peuple russe donc, et vive la diffamation pure et simple, vive la guerre froide.

Un niet comme une gifle
Du côté des politiques, on s’est montré à peine plus retenu, jugeant évidemment l’élection de Poutine «pas exemplaire», et toutes ces sortes de sentences convenues.
Et si les dirigeants du Bloc de l’Ouest ont tout de même fini par adresser leurs félicitations au nouvel élu, c’est avec des tonnes d’arrières pensées bien sûr.
Dévoilant sa propre bassesse politicienne, Juppé avait ainsi affirmé dès avant l’élection que c’était le climat préélectoral en Russie qui conduisait le régime à «prendre des positions nationalistes, extrêmes d'une certaine manière» sur le dossier syrien. En clair, pour Juppé, normal de mentir et de biaiser durant une campagne électorale. Et dès après l’élection, logique avec lui-même, il a donc bien sûr appelé Poutine à revenir à la raison, à se réaligner.  
La mise au point du Kremlin ne s’est pas faite attendre, avec un niet décliné sur un ton savoureusement humiliant. «Nous avons accordé notre attention aux affirmations de certains responsables américains et européens selon lesquels la position de la Russie sur la Syrie serait due à la campagne électorale dans notre pays et estimant que, maintenant, la présidentielle terminée, Moscou pourrait reconsidérer son approche. À cet égard, nous voudrions appeler nos partenaires européens et américains à ne pas prendre leurs désirs pour des réalités.»
Faut-il vous l’emballer ?

Un Bloc atlantiste malade et de plus en plus isolé
Le ton ironique du Kremlin est assez inhabituel en matière de diplomatie et dénote un agacement certain et fort bien compréhensible.
Vladimir Poutine semble signifier par là que l’hystérie et le paternalisme des Occidentaux commencent vraiment à les lui hacher menu, comme aurait dit Audiard.
Car contrairement à la politique de l’instinct du bloc atlantiste, fondée sur une indignation sélective au service d’un désir effréné d’hégémonie, la Russie a une politique étrangère que l’on peut détester mais qui reste réaliste, déterminée et cohérente.
Il faut dire que la dérive messianique du Bloc de l’Ouest pose problème. Guerre en Irak ; guerre en Afghanistan ; guerre en Libye ; déstabilisation en Syrie ;  tensions et menaces contre l’Iran : le bellicisme occidental est clairement devenu aujourd’hui la principale menace pour la paix et la stabilité mondiales (lire encradré).
Bien sûr, les Russes ont depuis longtemps diagnostiqué la pathologie qui gouverne cette dérive. Une pathologie que l’on peu résumer par l’immense, le vertigineux, le formidable effort de déni de réalité d’un Bloc atlantiste angoissé par l’impasse dans laquelle il se trouve, et qui tente de couvrir le craquement de ses fondations, le bruit de son déclin donc, par le vacarme des armes.
Mais il est clair que, ce faisant, comme tout forcené en crise, le Bloc de l’Ouest s’isole et renforce naturellement les mécanismes d’alliances et de création de fronts contre lui. Ainsi, comme nous l’avons détaillé dans une récente brève, les pays du BRICs et leurs alliés forment un ensemble de plus en plus cohérent dans leur opposition à la politique belliciste des Occidentaux.

Huit mois de répit ? Pas sûr...
Heureusement, pour les huit prochains mois, le bellicisme US, et donc occidental, semble devoir être mis en parenthèse durant la campagne présidentiel d’un Obama peu désireux de s’engager dans un nouveau bourbier. Le mouvement anti-guerre gagne en force aux Etats-Unis et constitue une partie non négligeable de l'électorat de Glamour-BHO.
Mais il n’est pas du tout sûr que, s'agissant de l'Iran au moins, Netanyahou veuille obéir aux injonctions d’un président US qu'il rêve de voir évincé au profit de ses amis va-t-en-guerre républicains. Pour parano-Bibi, la tentation de jouer les alliés en rupture de ban doit donc être plus forte que jamais...

(1)      Depuis l’accession au pouvoir de Poutine le pouvoir d’achat des Russes à augmenté de 15% par an ; la croissance a été de 7,3% en 2003 et 8,5% en 2007. Fortement touché par la crise, le pays est en train de rebondir avec une croissance prévue de 3,3% cette année. Même les bobos atlantistes de la presse-Système sont obligés de reconnaître que c’est l’ère Poutine qui a permis l’émergence d’une classe moyenne en Russie.